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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 4 mai 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur :

Mes remerciements vont à tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de la proposition de loi que je vous présente au nom du groupe socialiste, radical et citoyen. Je vous invite vivement à vous reporter au rapport qui sera publié dans les prochains jours ; y figurera en effet la compilation d'éléments relatifs au logement jusqu'alors peu accessibles car très dispersés. Notre proposition est fondée sur ces éléments - autrement dit sur la réalité de la crise du logement. Pour autant, elle ne prétend pas résoudre l'ensemble des difficultés auxquelles notre pays est confronté à ce sujet. Pour cela, il faudra une démarche de fond qui suppose de revoir le rôle de l'État en ce domaine et les moyens qu'il y consacre, ainsi que la cohérence de l'action des différents intervenants que sont les constructeurs, les financeurs et les collectivités territoriales. Par cette proposition, nous entendons améliorer une situation qui, bien que connue, ne suscite pas l'attention nécessaire, bien que le logement soit devenu, avec l'emploi et la santé, l'une des principales préoccupations des ménages.

Et pour cause ! Selon le rapport 2011 de la Fondation Abbé Pierre, au moins 10 millions de personnes sont concernées par la crise du logement, 3,6 millions de personnes sont mal logées et 5 millions vivent dans une situation de grande fragilité. La nouveauté, c'est que les plus pauvres ne sont plus les seuls frappés : les classes moyennes éprouvent également des difficultés croissantes en raison de l'envolée des loyers et des charges. C'est que, selon une étude de l'OCDE, les dépenses courantes des ménages en logement, nettes des aides personnelles, représentent en moyenne, sur les dix dernières années, 21 % de leur revenu disponible, et l'investissement résidentiel 27 % de l'investissement total domestique. Une autre étude, récemment publiée par l'INSEE, montre que depuis un demi-siècle la part consacrée au logement dans le revenu brut des ménages a plus que doublé, passant de 9,1 % en 1959 à 21,6 % en 2009 – et c'est de moyenne qu'il s'agit là.

Aussi est-il nécessaire de refonder une politique publique du logement sur les principes de la solidarité et de la responsabilité de l'État pour garantir à tous nos concitoyens un habitat digne. Nous vous proposons d'agir en priorité sur le niveau des loyers ; la production massive de logements socialement accessibles ; la libération du foncier ; la lutte contre la vacance des logements ; l'amélioration des rapports locatifs ; l'accession véritablement sociale à la propriété par le recentrage du prêt à taux zéro sur les ménages modestes.

Je vous l'ai dit, depuis un demi-siècle, la part consacrée au logement dans le revenu des ménages a plus que doublé, pour s'établir à 21,6 % en 2009. En 2010, l'inflation a progressé de 1,5 % mais les loyers de 2,5 %. En réalité, il y a deux marchés locatifs en France : des bassins d'habitation où une offre est disponible – et même la vacance – et d'autres zones où il est nécessaire de construire. À Paris, le loyer moyen s'établit à 22,40 euros le m2. En Île-de-France, il est compris dans une fourchette de 13 euros – en Seine-et-Marne – à 18,60 euros – dans les Hauts-de-Seine. Il est de 14,10 euros à Nice, 13 euros à Lille, 12,10 euros à Bordeaux et à Lyon, 11,40 euros à Toulouse, 11,30 euros à Nantes.

Pour mettre un terme à la hausse des loyers du secteur privé et redonner du pouvoir d'achat aux ménages, il faut rétablir un dispositif qui existait dans la loi de 1989 et plafonner les augmentations de loyer lors des relocations. Le dernier rapport du préfet de la région Île-de-France au Comité régional de l'habitat fait état d'une évolution éloquente. En prenant pour base 100 les relevés faits en janvier 1998 pour tous les critères considérés, ce rapport indique en effet qu'en janvier 2010, le loyer dans le parc social s'établit à 130, l'indice du coût de la construction à 140, les loyers à la relocation en province s'établissaient à 160, en proche banlieue parisienne à 205 et à 260 à Paris ! Voilà pourquoi nous voulons intervenir.

Nous voulons par ailleurs renforcer l'application des dispositions de l'article 55 de la loi SRU par plusieurs mesures : fixation à 25 % du quota de logements sociaux à construire ; extension du champ des communes concernées - pour répondre à la demande des maires des communes rurales situées à la périphérie des grandes villes qui disent ne pas avoir actuellement les moyens d'intervention nécessaires pour maintenir la population sur leurs territoires ; appui à la construction de logements très sociaux par l'affectation d'un coefficient différent selon les types de logements construits – car il est inutile de se dissimuler que l'on construit actuellement davantage de PLS que de PLAI ; renforcement des pouvoirs du préfet en cas de carence de la commune ; interdiction de logements des demandeurs « DALO » dans les communes comprenant plus de 50 % de logements sociaux.

La charge foncière représente une part considérable du coût des logements. Aussi, pour accroître les moyens consacrés aux réserves foncières, nous proposons que l'État applique une décote sur les terrains qu'il cède lorsque ces terrains serviront à la réalisation de logements dont un quart au moins seront des logements sociaux. Nous attendons avec impatience la signature des ordonnances en préparation au ministère du logement ; dans l'intervalle, nous proposons d'assouplir le droit de l'urbanisme pour permettre de combler « les dents creuses » en autorisant le rehaussement des immeubles pour coordonner l'alignement du faîtage. Enfin, pour assurer la maîtrise foncière, nous proposons la création dans chaque région d'un établissement foncier régional et d'un seul, car on voit que la dualité qui existe en Île-de-France pour des raisons politiciennes fait perdre de l'efficacité au dispositif.

Nous proposons aussi quatre mesures destinées à diminuer la tension sur le parc privé en décourageant la vacance. La première est la majoration de la taxe d'habitation sur les logements vacants. La deuxième est de rendre obligatoire la transmission – actuellement facultative – par l'administration de la liste des logements vacants aux collectivités locales, une information capitale pour améliorer notre connaissance de l'offre potentielle. Nous proposons aussi la création d'une taxe annuelle sur les locaux à usage professionnel vacants depuis plus d'un an en Île-de-France – taxe progressive en fonction de la durée de vacance – ainsi qu'une exonération d'impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession de bureaux dans les zones tendues, lorsque le cessionnaire s'engage à les transformer en logements sociaux.

Pour produire massivement des logements adaptés aux besoins, nous proposons de programmer 750 000 logements sociaux sur cinq ans. Certains ne manqueront pas de crier à l'utopie – mais en est-ce vraiment une ? Il n'est pas utopique de vouloir que chacun puisse se loger. Je me dois de souligner que les opérations de rénovation urbaine ont accentué l'insuffisance de l'offre de logements puisque, six ans durant, plus de logements ont été démolis que de logements construits, la situation ne s'étant inversée, pour la première fois, qu'en 2010 ; en région parisienne spécifiquement, où la situation s'était renversée en 2009, les opérations de rénovation urbaine ont à nouveau conduit à la réduction du nombre de logements sociaux l'année dernière.

Nous soulignons ensuite qu'il n'est pas de construction de logements sociaux possible sans requalification de la participation de l'État – je rappelle à ce sujet que la participation de l'État aux PLUS est tombée de 2 000 euros il y a six ans à 800 euros : voilà quelle est la réalité !

Nous voulons aussi sécuriser les rapports locatifs. Comme il est prévu dans la loi SRU sans que cela soit appliqué à ce jour, le préfet, ayant constaté la carence d'une commune, pourra conclure une convention avec des organismes agréés pour mettre à disposition de demandeurs jugés prioritaires au titre de la loi DALO des logements appartenant à des propriétaires privés. Les communes concernées contribueront au financement de ce dispositif.

Nous proposons encore la création d'un fonds de garantie universel et mutualiste contre les risques locatifs, le dispositif actuel, assurantiel et volontaire, étant regrettablement inefficace.

Afin de lutter contre les marchands de sommeil, nous proposons la création d'un permis de louer.

Enfin, nous proposons de recentrer le prêt à taux zéro en le réservant aux ménages modestes. Le secteur bancaire s'inquiète en effet du dispositif actuel de prêt à taux zéro, ainsi conçu qu'il n'est pas affecté au public qui devrait en bénéficier.

Tels sont les points principaux de notre proposition. Je présenterai ultérieurement deux amendements.

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