Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de paroles ont été prononcées à cette tribune, depuis un certain temps, mais je voudrais revenir sur trois observations.
La première observation vise les effets de la création des conseillers territoriaux, dont le nombre modifié par le projet de loi dont nous discutons va porter atteinte à l'équilibre de représentation des hommes et des femmes, comme l'ont rappelé plusieurs collègues.
La loi de décembre 2010 a créé le mandat de conseiller territorial, élu au scrutin uninominal à deux tours. Le recours au scrutin majoritaire devrait aboutir aujourd'hui seulement à l'élection de 20 % des conseillères et 80 % de conseillers.
Si le projet de loi tend après la décision du Conseil constitutionnel à mieux respecter l'égalité des électeurs et des voix, il fait fi, comme la loi qu'il modifie, de l'égalité de représentation entre les sexes et d'un dispositif permettant de s'en approcher.
La deuxième observation a trait à la transparence et l'impartialité de l'État en matière de découpage des circonscriptions territoriales à venir.
Comme l'indique l'étude d'impact le nouveau tableau de répartition n'appelle en lui-même aucune mesure réglementaire autre que les décrets qui procéderont à la délimitation des circonscriptions d'élection des conseillers territoriaux. Il appartiendra donc au Gouvernement de soumettre à l'avis du Conseil d'État 96 projets de décret, après consultation des conseils généraux concernés.
Les limites des nouveaux cantons devront respecter celles des circonscriptions législatives et l'unité des communes de moins de 3 500 habitants. Cette délimitation interviendra, elle-même, postérieurement à l'établissement d'un schéma départemental de coopération intercommunale, arrêté par les préfets pour la fin 2011 et qui pourra influer sur les découpages à venir. Il ne serait pas non plus exceptionnel que ces découpages soient vus comme l'occasion de donner un coup de pouce à une évolution souhaitée ou comme un coup de frein à une évolution politique redoutée.
Dans un souci de transparence, le Gouvernement aurait pu innover en prévoyant que les propositions de détermination soient soumises à publicité et à enquête auprès de l'ensemble des collectivités concernées et des électeurs. Cela se pratique bien à l'étranger.
Dans le même ordre d'idée, il serait bienvenu que l'avis du Conseil d'État soit connu de tous les citoyens et rendu public, comme l'a été l'avis de la commission chargée de veiller au respect du principe d'égalité devant le suffrage s'agissant de délimitation des circonscriptions législatives.
Ma troisième observation concerne l'absence de cohérence chronologique de l'adoption de l'ensemble des textes législatifs modifiant la décentralisation. La loi de finances pour 2010 a modifié significativement les impôts locaux. Celle du 16 décembre a changé l'organisation territoriale, a fusionné les assemblées départementales et régionales et a créé un nouveau type d'élu local, le conseiller territorial.
Cette même loi a fixé le principe de partage des compétences entre l'ensemble des collectivités territoriales tout en renvoyant à une loi à venir les compétences que celle-ci leur attribuera.
Logiquement, il aurait d'abord fallu fixer les missions et leur bon niveau d'exercice pour ensuite déterminer l'organisation et les moyens. Cela n'a pas été fait et les députés socialistes, qui l'ont dénoncé depuis le début de l'annonce des réformes de la décentralisation, ne peuvent que le regretter.
Concernant la procédure accélérée, voie devenue habituelle, il convient, là encore, de mentionner son illogisme.
Si la loi de réforme des collectivités territoriales, publiée le 16 décembre dernier, entre déjà en application dans son volet consacré à la coopération intercommunale, l'entrée en application de la plupart de ses autres dispositions essentielles, et notamment celles qui intéressent le tableau à annexer, est reportée à 2014 ou 2015.
Dans ces conditions, le tableau que l'on nous demande d'adopter en urgence et après une seule lecture par les deux assemblées parlementaires, ne peut être déconnecté de la loi et de ses principales dispositions, qui ne seront applicables que dans trois ans.
Il est d'autres sujets plus importants pour la vie quotidienne des Français, qui nécessiteraient un empressement aussi vif.
Là encore, les députés socialistes, qui s'opposent à cette réforme, ne peuvent que le regretter et condamner un texte voulu par le Chef de l'État non pour améliorer la vie des Français et la gouvernance des collectivités de proximité, mais pour les soumettre.
L'amélioration apportée par le tableau dans la répartition et le nombre des conseillers territoriaux est un progrès limité au regard de la limitation de la capacité des collectivités territoriales dans la gestion d'une part des affaires publiques.
J'espère que le débat qui suivra permettra de modifier certains éléments de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)