Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales a créé — non sans mal, en l'absence de consensus – une nouvelle catégorie d'élus, les conseillers territoriaux – des élus hybrides et hors sol — qui devront siéger à la fois au conseil général et au conseil régional à partir de mars 2014.
Le présent projet de loi entend ni plus ni moins compléter cette loi dans le but de rendre le tableau des effectifs de conseillers territoriaux – auquel renvoyait l'article 6 de la loi définitivement adoptée en novembre 2010 – conforme à la décision du Conseil constitutionnel. Rappelons en effet que celui-ci a censuré l'article 6 de la loi du 17 novembre 2010, jugeant que pour six départements, la répartition du nombre de conseillers territoriaux méconnaissait le principe d'égalité devant le suffrage.
La situation de la région monodépartementale de Guadeloupe mise à part, il est tout à fait regrettable que ce projet de loi vise uniquement à procéder, dans l'urgence, aux ajustements a minima rendus nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel. Il ne traite ni du rôle des conseillers territoriaux ni des modalités concrètes de leur élection, à commencer par la délimitation des cantons dans lesquels seront élus ces nouveaux conseillers territoriaux.
Les députés radicaux de gauche et apparentés dénoncent cet ultime passage en force du Gouvernement, resté une nouvelle fois sourd aux attentes des parlementaires, attentes qui pourtant ont été largement exprimées lors de l'examen du texte en commission des lois.
Ainsi, aucune modification n'a pu être apportée au tableau de répartition des conseillers territoriaux, qui compte, conformément au souhait de votre gouvernement, un effectif total de 3 493 conseillers territoriaux, soit 3 de moins que le tableau censuré, éloignant un peu plus l'élu local du citoyen.
Pour tenter de lutter contre la perte manifeste de proximité que va entraîner votre réforme des collectivités territoriales – 3 493 conseillers territoriaux se substitueront aux 5 657 conseillers généraux et conseillers régionaux actuels –, nous avons déposé plusieurs amendements dans le but de « limiter la casse », en portant de 15 à 17 le nombre minimal de conseillers territoriaux dans les départements caractérisés par une grande superficie et une faible densité démographique.
Le relèvement de ce seuil, fixé actuellement à 15 conseillers territoriaux par département, vise à garantir une meilleure représentation des territoires ruraux. Dans le tableau de répartition, six départements – dont cinq situés en zone de montagne – sont concernés et comptent 15 conseillers territoriaux. Parmi ces six départements, deux d'entre eux – les Hautes-Alpes et les Alpes de Haute-Provence –, qui disposent actuellement de 30 conseillers généraux, vont subir une diminution de 50 % du nombre de leurs élus. Un constat jugé inacceptable, dans la mesure où les populations des territoires ruraux ont plus que jamais besoin de s'appuyer sur des élus en nombre suffisant, véritables relais de proximité capables de répondre à leurs attentes légitimes. C'est pourquoi les parlementaires de l'Association nationale des élus de la montagne – parmi lesquels ma collègue députée des Hautes-Pyrénées, Chantal Robin-Rodrigo – plaident pour une meilleure représentation des territoires de montagne.
Porter à 17, au lieu de 15, le nombre de conseillers territoriaux dans six départements, n'est manifestement pas disproportionné. Concrètement, cela correspondrait à une hausse de 0,34 % de l'effectif total, les charges – modestes – en résultant pouvant être compensées. Il n'est jamais trop tard pour bien faire… mais encore faut-il, monsieur le ministre, en avoir la volonté !
Aussi, vous comprendrez que les députés radicaux de gauche restent pour le moins perplexes lorsque l'irrecevabilité de leurs amendements est motivée par l'article 40 de la Constitution. Une situation insensée, qui pourrait même prêter à sourire si l'avenir de la décentralisation et de la proximité locale n'était pas en jeu.
Le Gouvernement justifie la création du conseiller territorial par sa volonté première de réaliser des économies, rejetant ainsi toute proposition susceptible d'entraîner la création ou l'aggravation d'une charge publique. Mais, dans le même temps, il oublie volontairement de prendre en compte les frais considérables que les collectivités, privées de tout pouvoir fiscal, devront engager d'ici 2014. Comment vont-elles pouvoir faire face aux coûts des travaux rendus indispensables pour adapter leurs hémicycles, leurs salles de réunion, les moyens des groupes ou encore s'acquitter du montant des indemnités dues aux nouveaux conseillers territoriaux ? La question, à l'image de la facture, est loin d'être réglée.
Dans ce contexte, les députés radicaux de gauche ne peuvent qu'inviter le Gouvernement à faire preuve de bon sens. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce projet de loi, qui s'inscrit dans la droite ligne d'une réforme absurde et néfaste à laquelle nous continuerons naturellement de nous opposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)