…alors que ce projet inutile, coûteux, injuste et dangereux est à peine digne d'un apprenti sorcier.
Et nous revoilà donc dans cet hémicycle pour voler au secours de cet avorton d'élu, à la suite d'une misérable affaire d'épicerie constitutionnelle, le ratio entre la population départementale et le nombre de conseillers territoriaux du département devant être compris dans un « tunnel » de plus ou moins 20 % par rapport au ratio entre la population régionale et le nombre total de conseillers territoriaux de la région, avec un plancher de quinze conseillers territoriaux par département et un nombre d'élus régionaux qui crève le plafond, trois fois plus en Midi-Pyrénées, exemple détestable de déséquilibre territorial. Et, s'agissant de l'occupation des locaux, monsieur le ministre, je vais dire à Martin Malvy que vous êtes à sa disposition.
J'ai commencé par contester la forme ; je vais maintenant contester le fond de cette réforme. Je récuse bien sûr le principe de ce double mandat que mon camp politique s'empressera de renvoyer dans les ténèbres s'il l'emporte l'an prochain, mais, en attendant, je souhaite expliciter ma position sur la nature de cette disposition ainsi que sur le nombre d'élus par département qui sera soumis au vote ici même.
Il est logique que pour les élections européennes, nationales et même régionales, le critère prééminent soit d'ordre démographique. À cet égard, la justification de cette loi avancée par certains députés UMP par le fait que les conseillers territoriaux ne seraient pas référencés sur leurs territoires n'est qu'un argument de suiveur.
En revanche, pour ce qui concerne la partie conseil général, il est clair que la notion de représentation territoriale doit absolument prévaloir sur le critère démographique. En effet, tous les élus ruraux ou montagnards, et tous les électeurs de ces zones sont attachés à privilégier la notion de représentants proches du terrain et de leur avenir, afin de respecter les spécificités géographiques et sociologiques de ces territoires, pour la plupart qualifiés de bassins de vie. S'il n'en était pas ainsi, il n'y aurait alors plus que des élus des centres urbains et c'en serait fini de l'équilibre territorial dont je me fais une haute idée, loin des idées reçues, y compris dans cette instance.
Il est donc essentiel de garantir une représentation minimale des départements caractérisés par une faible densité démographique et une grande superficie – je sais de quoi je parle ! Nous aurions d'ailleurs pu débattre d'un amendement porté par les parlementaires de l'ANEM – l'Association nationale des élus de la montagne, dont le président est ici présent – qui va dans ce sens, mais qui n'a pas été retenu.
Cela signifie que ce chiffre pourrait être porté à dix-sept, chiffre plancher fixé par l'ANEM depuis le début des débats, sans que cela soit manifestement disproportionné. Ce relèvement du seuil minimum n'aurait d'ailleurs aucune incidence sur la répartition des conseillers territoriaux des autres départements dans la mesure où ce chiffre ne sera pas pris en compte dans l'appréciation des écarts de représentation entre départements de même région de plus ou moins 20 %.
Le choix du Gouvernement de quinze élus minimum, avalisé, pardon avalé mais avec du sirop des Vosges (Sourires), par des parlementaires de la majorité, soit déconnectés des réalités de fonctionnement dans les conseils généraux, soit un peu trop obéissants, ce choix fait effectivement peu cas des diverses lois de décentralisation, y compris celle de 2004 menée par M. Raffarin, qui ont donné aux conseillers généraux des compétences nouvelles les rapprochant des citoyens un peu à la façon des maires, élus de proximité par excellence.
Il est à cet égard regrettable que l'exécutif ait refusé de prendre en compte les nombreuses obligations des élus départementaux pour représenter l'institution. On a alors le choix entre deux explications : ou il ne connaît rien à ce type de fonctionnement, ce qui n'est pas votre cas, monsieur le ministre ; ou il a décidé, sans l'avouer, de signer l'arrêt de mort des départements.
J'observe, enfin, que vous décidez de créer de nouveaux territoires électifs, forcément artificiels, au moment précis où élus et préfets travaillent dans les départements pour établir la nouvelle carte de l'intercommunalité, dotée, elle, de territoires de pertinence, de territoires durables.
Dix-neuf, dix-sept ou quinze conseillers territoriaux, peu importe après tout, car je fais le pari que cette réforme ridicule ne s'appliquera jamais, soit parce que nous la supprimerons en 2012, soit parce qu'elle sera inapplicable. Dans les deux cas, que de temps perdu en débats stériles alors que les priorités des Français sont d'une toute autre nature, et surtout d'une très grande gravité !
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, la conclusion de votre intervention liminaire s'apparentait à un testament provisoire. L'histoire se chargera d'écrire le codicille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)