Ce texte, inutile, est de surcroît vicié par un double mensonge.
Le premier mensonge réside dans l'argument de la simplification. M. Derosier et M. Rousset l'ont évoqué en se félicitant que vous ne le repreniez plus, monsieur le ministre. Il n'en demeure pas moins que l'exposé des motifs du texte relatif aux modalités d'élection assure : « Le conseiller territorial sera un facteur de simplification : attaché à un territoire bien identifié, il aura une vision globale, de son département comme de sa région. » Sic !
La création du conseiller territorial est dénoncée par les socialistes depuis son origine. Nous partagions la vision défendue par le comité Balladur, que M. Rousset a rappelée, de deux blocs comprenant, d'une part, l'Europe, l'État et la région, et, d'autre part, le département, l'intercommunalité et la commune. À ces deux blocs correspondent, sur le plan des compétences nationales, deux couples : la région et l'intercommunalité pour le développement, la structuration du territoire, la recherche et l'économie ; le département et les communes pour la proximité.
À nos yeux, cette répartition plaide pour une distinction claire entre les scrutins régionaux et départementaux. Au contraire, la création du conseiller territorial va aboutir à une forme de cantonalisation des régions, en opposition avec la nécessité de faire émerger de grandes entités régionales puissantes et articulées sur l'Europe. Plutôt qu'une simplification, c'est une confusion qui risque de se produire : une confusion des compétences, voire une possible confusion d'intérêts.
Cette réforme ne sera pas non plus simplificatrice du point de vue des élus car le système du conseiller territorial est absurde : il sera matériellement impossible aux conseillers territoriaux d'être présents dans toutes les réunions ou les instances au sein desquelles ils seront supposés siéger. Le Gouvernement prétend qu'il s'agit d'un mandat unique ; en réalité, il s'agit de deux mandats en un et on voit bien là le subterfuge, au regard de la législation sur le cumul des mandats. Cet artifice est donc en soi condamnable.
Au-delà même de l'efficacité du conseiller territorial, ce qui est en jeu, c'est la manière dont celui-ci sera en mesure d'exercer son mandat. C'est bien, pourtant, le sens même de la décentralisation !
Le second mensonge concerne la promesse d'une économie budgétaire, mais je ne vais pas y insister, M. Rousset ayant largement développé ce point. L'économie était chiffrée, dans le rapport initial comme dans l'étude d'impact, à 70 millions d'euros. Entre-temps, elle a été révisée à la baisse – vous-même, monsieur le ministre, avez parlé de 45 millions d'euros.
On peut décider, dans notre pays, d'instaurer un bouclier fiscal de 650 millions d'euros, dont la commission des finances a révélé hier qu'il profitait pour 70 % à quelques centaines de familles, et, à côté de cela, chercher à économiser 70 millions – en fait, 45 millions –, c'est-à-dire moins de 10 % de cette somme, pour casser la décentralisation. Celle-ci a pourtant permis à la France, depuis trente ans, d'avancer de la manière que l'on sait !
C'est un vrai scandale d'avancer ce chiffre de 45 millions d'économies budgétaires, alors que le chèque remis à Mme Bettencourt chaque année est de 30 millions d'euros. On casse la décentralisation pour 45 millions d'euros d'économies, mais on signe chaque année un chèque de 30 millions à la plus grosse fortune de France au nom du bouclier fiscal !