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Intervention de Alain Rousset

Réunion du 5 mai 2011 à 9h30
Nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Rousset :

Marseille, c'est votre ami Jean-Claude Gaudin !

Il va falloir développer tout un back office, installer de nombreux bureaux, embaucher des collaborateurs. Je souhaite bon courage aux assemblées qui vont devoir engager des frais somptuaires pour renouveler leurs équipements et les faire fonctionner : le chiffre d'un milliard d'euros qui a été avancé correspond bel et bien à la réalité ! Je pense par conséquent que nous devons reprendre ce texte – d'où notre proposition de le renvoyer en commission.

Par ailleurs, les hasards du calendrier font que nous sommes à quelques jours du trentième anniversaire d'une élection présidentielle qui a marqué l'histoire, ce qui nous remet en mémoire la réforme de la décentralisation mise en oeuvre par François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Mauroy, après la tentative du général de Gaulle en 1969. Il est temps que nous réfléchissions à ce qu'est un État moderne, à ce que peut être une organisation moderne de nos institutions. Comment les autres États européens démocratiques fonctionnent-ils ? La France est le dernier État à fonctionner de manière centralisée, d'une manière particulièrement inefficace. Il n'est qu'à voir les décisions économiques prises : quand l'Allemagne présente un excédent commercial de 150 milliards d'euros et la France un déficit de 50 milliards d'euros, on peut se dire que l'organisation territoriale n'y est pas pour rien !

La décentralisation, c'est la responsabilisation des pouvoirs locaux, qui a, partout, amélioré les services publics – que ce soit la gauche ou la droite qui gouverne ces exécutifs. Ainsi, nul ne peut contester que les lycées – notamment les lycées professionnels –, les collèges, les transports ferroviaires sont désormais mieux gérés, plus proches de nos concitoyens. Or, tous les observateurs, tous les experts s'accordent pour dire qu'avec la loi du 16 décembre 2010, conçue sans concertation, ce mouvement de fond est inversé, en dépit de tout bon sens.

La mission confiée par le Président de la République à Jean-Jacques de Peretti ne consiste pas à essayer de clarifier les compétences des départements et des régions mais, en réalité, à tenter de faire valoir que le législateur doit être mis de côté en ce qui concerne cette question, chacun devant se débrouiller sur le plan local. Le législateur va donc être absent de ce qui constitue l'essentiel de la réforme, une réforme peut-être plus culturelle que politique, à savoir la répartition des compétences. Je suis sûr, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous partagez mon sentiment.

Le Conseil constitutionnel n'a, il est vrai, censuré que la répartition des conseillers territoriaux par département et par région – ce qui était la moindre des choses au vu des nombreuses irrégularités entachant ce texte. Il n'a pas souhaité remettre en cause le conseiller territorial. Nous allons de nouveau saisir le Conseil constitutionnel afin de faire valoir que le conseiller territorial n'est pas un élu susceptible de porter effectivement des responsabilités de l'avenir ou de la proximité.

L'argument employé tout à l'heure par M. le ministre, relatif à l'abstention, était étonnant. Il aurait dû faire référence à l'Europe et évoquer la diminution tendancielle du taux de participation qu'on y observe. Il aurait également pu dire que l'élu territorial qu'est le conseiller général avait connu un formidable taux d'abstention, tandis que l'élu régional de liste avait, lui, bénéficié d'une participation supérieure de dix points à celle des élections européennes. L'argument évoqué ne tient donc pas.

La loi a désormais pour défaut majeur de ne pas traiter le sujet qui devait pourtant en constituer le socle : la clarification des compétences, pas seulement entre les collectivités, mais entre celles-ci et l'État. Je peux témoigner que, sur ce point, la confusion règne en maître. Ainsi, le Président de la République annonce des décisions stupéfiantes au sujet de l'apprentissage – comme si c'était le chef de l'État qui doit décider du nombre d'apprentis, alors que ce sont les entreprises ! Des annonces sont également faites au sujet de la formation professionnelle, sans consultation des régions. Il n'y a, dans ce texte, aucune clarification des compétences, alors que c'est bien ce qui fait défaut aujourd'hui. L'État va continuer d'intervenir dans des domaines pourtant décentralisés, alors qu'il manque à la fois d'ingénierie et de moyens et qu'il recule dans ses missions régaliennes : l'éducation, la justice, la sécurité. Quel recul !

En ce qui concerne l'instauration du conseiller territorial, outre les entorses faites au principe d'égalité des citoyens devant le suffrage universel – mes collègues ont évoqué les inégalités entre les régions Midi-Pyrénées, Auvergne et Lorraine –, n'oublions pas non plus que son instauration va se traduire par la suppression de la parité dans nos assemblées régionales, tout en créant la confusion des genres dans le rôle des collectivités.

Je vous remercie d'ailleurs, monsieur le ministre, de ne pas avoir affirmé ce matin que la confusion entre conseiller général et conseiller régional allait clarifier les compétences. Cet argument, que nous avons entendu lors des premières lectures du texte, était tellement grotesque, que le fait d'y renoncer constitue un progrès dans le discours du Gouvernement.

L'élu sera nécessairement dépendant de son mandat local. Comment, dès lors, les régions pourraient-elles échapper au risque de cantonalisation ? Il ne s'agit pas de mettre en cause la compétence de telle ou telle assemblée – Dominique Perben le sait bien. La démonstration est imparable : quand vous êtes élu d'un canton, vous défendez d'abord ce canton, vous défendez d'abord son rond-point, sa salle polyvalente, sa crèche ! Quand, dans une assemblée, on aura voté en première délibération pour la crèche ou le rond-point de telle ou telle commune, vous allez faire adopter des politiques d'innovation, mais ne donnant pas lieu à une cérémonie d'inauguration ? Des politiques de recherche ou d'investissement industriel dont on ne verra peut-être pas le résultat ? La création du conseiller territorial ne va-t-elle pas avoir pour effet de mettre un terme aux politiques de modernisation de la France ? N'est-ce pas là le péché mortel de ce texte, l'extraordinaire dégât qu'il va causer ? Pardon à son successeur, mais Adrien Zeller le disait lui-même, c'est bien parce que la gauche gagnait les élections dans les régions et les départements qu'il fallait trouver un moyen d'y mettre fin. Quelle vile pensée !

Plus prosaïquement, concevoir que le conseiller territorial, appelé à siéger dans deux assemblées, puisse de ce fait générer des économies, relève du pur contresens. À moins de priver les élus des moyens leur permettant de travailler, les coûts d'investissement et de fonctionnement nécessaires vont forcément se traduire par des conséquences financières néfastes – toutes les expériences internationales l'ont montré. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter la motion de procédure visant à renvoyer ce texte en commission.

Ne croyez pas pour autant que je considère qu'il n'y a pas nécessité de réformer notre organisation territoriale, bien au contraire. À ce sujet, j'esquisserai trois axes de réflexion. Premièrement, il s'agit de clarifier les compétences. C'est la condition sine qua non d'une réforme réussie, qui permettra à nos concitoyens de savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi. Il y a évidemment deux blocs : l'Europe, l'État et les régions d'un côté, et de l'autre les départements, les intercommunalités et les communes.

Nous discutions hier de l'association des régions et de l'association des agglomérations. Vous le savez, des expériences ont été menées, consistant à transférer les compétences départementales aux intercommunalités.

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