Chère Marie-Jo Zimmermann, mesdames, monsieur le député, mon engagement dans le combat pour les droits des femmes est aussi intense que le vôtre, et je considère votre délégation comme un partenaire incontournable du ministère que j'ai l'honneur de servir.
En un quart de siècle, quatre lois ont fixé successivement le cadre juridique de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en France. J'ai déjà eu l'occasion de les citer en janvier dernier, lors de l'examen de votre proposition de loi, madame la présidente, mais je voudrais les rappeler aujourd'hui, car elles sont essentielles. Il s'agit de la loi du 13 juillet 1983, dite loi Roudy, de la loi du 9 mai 2001, que nous devons à l'initiative de Catherine Génisson, de la loi du 16 novembre 2001, qui protège les salariés contre les discriminations, en instaurant notamment un aménagement de la charge de la preuve, enfin de la loi du 23 mars 2006, dite loi Ameline, qui renforce l'obligation de négociation en matière d'égalité professionnelle en instaurant une obligation de négocier des mesures de suppression des écarts de rémunération avant le 31 décembre 2010.
Cette loi de 2006 faisait suite à l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, accord signé par les cinq organisations syndicales représentatives de droit et par le MEDEF. Alors que jusqu'ici les partenaires sociaux ne s'étaient jamais vraiment impliqués dans le combat en faveur de l'égalité professionnelle, cet accord national interprofessionnel a marqué leur volonté de négocier dans le domaine de l'égalité professionnelle selon une démarche globale et systémique intégrant tous les aspects de l'égalité professionnelle : salaires, recrutement, formation, promotion, mais aussi orientation scolaire et articulation des temps de vie professionnelle et familiale. La loi tend à ce que les négociations entre partenaires sociaux couvrent tout le champ de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et non la seule politique salariale de l'entreprise.
Cette loi fixait une date butoir, imposant aux branches professionnelles et aux entreprises de négocier afin de définir et programmer des mesures de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici 2010, en envisageant une contribution assise sur les salaires à l'issue du bilan à mi-parcours de ces mesures. Malheureusement, ces dispositions ont été rejetées par le Conseil constitutionnel. En effet, ce n'est que depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 que le Parlement peut voter des mesures contraignantes en matière d'égalité professionnelle.
La loi du 23 mars 2006 a tout de même eu une vertu incitative, poussant les entreprises et les branches professionnelles à signer un plus grand nombre d'accords collectifs. Votre proposition de loi relative à une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration, madame la présidente, avait provoqué un phénomène similaire, certains préférant devancer la loi. À cet égard, les chiffres sont éloquents : alors qu'en 2005 on recensait 295 accords d'entreprise traitant de l'égalité entre les femmes et les hommes, on en recense 1 290 en 2009. De la même manière, alors que ce sujet faisait l'objet de 41 accords de branche en 2005, 107 y étaient consacrés en 2009.
Mais c'est l'éternelle histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein, selon le point de vue choisi : si la progression est indéniable, elle n'est pas complètement satisfaisante, et les inégalités professionnelles demeurent importantes. En un mot, l'égalité professionnelle est encore loin d'être réalisée. Je n'en donnerai qu'un seul exemple, auquel je sais que vous êtes sensible, madame Zimmermann : 55 % des entreprises n'effectuent pas de rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, le RSC.
La date butoir fixée par la loi du 23 mars 2006 – le 31 décembre 2010 – pour que les entreprises négocient des mesures de résorption des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, a été supprimée par la loi portant réforme des retraites. En revanche, le défaut de négociation sera sanctionné par une pénalité financière, de caractère plus dissuasif.
De plus, en renforçant l'obligation pour les entreprises d'au moins cinquante salariés d'établir un rapport de situation comparée, cette loi constitue une nouvelle étape dans la lutte contre les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, écarts qui stagnent à des niveaux beaucoup trop importants : tous temps de travail confondus, les salaires des femmes sont inférieurs de 27 % à ceux des hommes.
Cette loi fait obligation aux entreprises d'au moins cinquante salariés de conclure un accord d'égalité professionnelle ou, à défaut, un plan d'action en faveur de l'égalité professionnelle. En outre, l'entreprise doit assurer la publicité du plan d'action adopté. Les entreprises d'au moins cinquante salariés qui n'auraient pas satisfait à cette obligation sont passibles d'une sanction financière. Le montant de la sanction sera fixé par l'inspection du travail et pourra aller jusqu'à 1 % de la masse salariale des rémunérations et gains bruts, ce qui peut représenter une somme considérable. Ce montant sera modulé par l'autorité administrative, c'est-à-dire l'inspection du travail, en fonction des efforts consentis par l'entreprise en matière d'égalité professionnelle et des motifs des carences constatées, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.
Comme toujours en ces sortes d'affaires, le diable est dans les détails, la mise en oeuvre effective d'une loi exigeant la mise en place d'une mécanique réglementaire très fine. C'est pourquoi je suis particulièrement attentive à ce que nous franchissions la dernière étape du long chemin qui nous a conduits jusqu'ici. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez souhaité m'auditionner aujourd'hui.
Je répète donc avec la plus grande fermeté que, premièrement, je veillerai scrupuleusement à ce que les décrets d'application définissent clairement les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord comme du plan d'action, ainsi que les critères de modulation des pénalités par l'autorité administrative. Deuxièmement, étant donné que l'article 99 est un mécanisme d'abord incitatif et à vocation pédagogique, l'employeur inspecté disposera d'une période de mise en demeure de six mois pour se conformer à ses obligations légales, qu'il s'agisse de l'accord ou du plan d'action. En cas de carence, la sanction s'appliquera. Troisièmement, et ce n'est pas la moindre des mesures, le dispositif entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2012, c'est à compter de cette date que l'assiette de la sanction financière sera calculée. Une réunion interministérielle est prévue lundi prochain pour préciser les modalités de calcul de cette assiette.
Ces décrets seront publiés avant la fin du mois d'avril 2011.