Je n'ai jamais travaillé directement sur le rapport de situation comparée. À la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail j'ai lancé, entre 1993 et 2006, de nombreux programmes de recherche sur l'égalité professionnelle et la conciliation vie familiale - vie professionnelle ; ainsi que de grandes enquêtes (par exemple, sur les raisons pour lesquelles certaines femmes s'arrêtaient de travailler, sur les carrières des femmes) et le début de la grande enquête de l'Institut national d'études démographiques (INED) sur l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale.
Nous avons aujourd'hui beaucoup de connaissances sur l'égalité entre les hommes et les femmes : nous connaissons les chiffres et savons très bien ce qui se passe. Ce qui manque, ce sont des dispositifs.
Je vous ferai d'abord un bref résumé de mes positions. Ensuite, je vous parlerai des entretiens que j'ai menés il y a deux ans sur les pères, puis du Laboratoire de l'égalité dont je suis un des membres fondateurs.
Les femmes gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes. Trois raisons expliquent cet écart : premièrement, les différences de temps de travail, puisque les femmes occupent davantage d'emplois à temps partiel ; deuxièmement, les types d'emplois, car les femmes n'occupent pas les mêmes emplois et ne travaillent pas dans les mêmes secteurs que les hommes ; troisièmement, les discriminations à l'encontre des femmes. Il faut travailler sur toutes ces causes pour améliorer la situation.
Face à la montée de l'activité féminine, la société ne s'est pas adaptée en termes de modes d'accueil des jeunes enfants, d'organisation du temps de travail dans les entreprises ou encore d'investissement des pères. Ainsi, comme l'a montré la presse récemment, notamment Le Monde daté du 8 mars, les femmes sont obligées de cumuler tous les rôles, notamment professionnel et familial.
Alors que notre pays affiche un taux de fécondité dont on est très fier, il est tout de même dommage que les femmes supportent toutes seules le poids de cette « performance ». Leur investissement professionnel en termes de temps est en effet limité le matin et le soir par la prise en charge des enfants, ce qui a évidemment des répercussions sur leur carrière.
Les ouvrages que j'ai consacrés au sujet – Le temps des femmes : pour un nouveau partage des rôles, paru en 2001, et Le deuxième âge de l'émancipation, écrit avec Hélène Périvier et paru en 2007 – proposaient d'agir au travers des politiques de prise en charge de la petite enfance, des politiques de temps de travail dans l'entreprise, et évoquaient la question centrale des pères.
Je m'arrête sur cette dernière. La prise en charge déséquilibrée des tâches domestiques et parentales sert de support symbolique aux responsables des entreprises pour mener leur politique : pour eux, ce sont les femmes qui prennent en charge ces tâches et elles sont moins disponibles que les hommes. Cette inégalité de partage des tâches est pour moi, sinon la clé, du moins l'une des clés de l'inégalité professionnelle. Il faut donc beaucoup travailler sur cette question, malheureusement jugée non noble et réservée au domaine privé. Il est frappant qu'une partie importante de la population considère encore que les politiques publiques n'ont pas à s'intéresser à la sphère privée, alors même que c'est en partie le nerf de la guerre.