Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, la philosophie qui préside à ce programme de stabilisation est la même que celle qui a présidé il y a plusieurs années lors de la création de l'euro dans notre zone monétaire commune. La même discipline doit prévaloir parmi les États membres pour faire converger les politiques budgétaires.
C'est d'ailleurs avec le même esprit collectif qu'au début de la crise, les États ont décidé d'intervenir en véritables réanimateurs d'un certain nombre de pays pour apporter un peu de respiration artificielle, au risque, autrement, que ne se produise dans l'ensemble des pays de l'Union une hausse subite des déficits.
La discipline budgétaire que nous nous imposons désormais doit être pensée elle aussi collectivement. Elle s'intègre naturellement dans la stratégie « Europe 2020 ».
Dans la lignée du pacte de stabilité et de croissance, le « semestre européen », adopté par les ministres des finances de l'Union européenne le 7 septembre, est un pilier essentiel de la coordination des politiques budgétaires des États membres. Je suis convaincue qu'il deviendra rapidement un moment fort de la vie démocratique européenne : il me semble en effet préférable d'élaborer ces budgets sous l'oeil vigilant des parlements nationaux plutôt qu'exclusivement sous celui des marchés.
Le Parlement allemand a adopté mercredi dernier son programme de stabilité, et je suis heureuse que puissent s'engager aujourd'hui devant l'Assemblée nationale, après un passage devant sa commission des finances, les débats sur nos hypothèses macroéconomiques, légèrement révisées par rapport aux programmes précédents mais toujours dans le respect de la trajectoire définie vis-à-vis de nos partenaires européens, et avec l'ensemble des détails afférents à cette étape du processus.
Le projet que nous soumettons à la Commission européenne s'inscrit dans une double logique, à la fois française et européenne. En maintenant l'objectif d'un déficit à 3 % dès 2013 et à 2 % en 2014, nous respectons notre engagement européen. Nous ménageons également des marges d'investissement importantes, focalisées sur l'amélioration de la compétitivité et de la croissance potentielle de la France.
Ces investissements participent à la logique vertueuse d'assainissement des finances publiques. Je n'en citerai qu'un seul exemple : la réforme des retraites, qui contribue aux deux exigences d'assainissement des finances publiques et du développement de la croissance potentielle de notre économie.
Le « semestre européen » est la première réalisation concrète d'un mouvement plus profond qui engage l'ensemble des pays membres de l'Union à faire non seulement oeuvre commune par le biais du pacte de stabilité et de croissance, mais à aller au-delà en mettant en place un véritable pacte de compétitivité et de convergence, souhaité par l'ensemble des gouvernements.
Décidé par les chefs d'État et de gouvernement au Conseil européen du 17 juin 2010, ce pacte est mis en oeuvre pour la première fois cette année, dans le cadre des priorités arrêtées le 25 mars par le Conseil. Je vous rappelle ces priorités en termes d'objectifs : la soutenabilité des finances publiques, la réduction du chômage, l'amélioration de la croissance.
Cet outil nouveau doit être pensé au service de chacun des États membres en vue de leur donner les moyens d'une plus grande discipline budgétaire, dans un effort de coordination sans précédent dans la zone euro.
Son objectif est double. Il offre d'abord un outil de pilotage complet des politiques économiques engagées dans l'Union européenne. Nous disposons désormais d'une vision élargie de nos politiques, non seulement sous l'angle budgétaire, avec le classique programme de stabilité et de croissance, mais aussi sous l'angle des réformes, comme cela ressort de l'ensemble des documents qui vous ont été soumis.
La coordination des politiques européennes ne doit plus seulement être perçue comme la mise en oeuvre du pacte de stabilité, mais comme un processus de convergence dans nos réformes structurelles pour améliorer la croissance en Europe, une croissance forte, durable et mieux équilibrée.
C'est pourquoi – et c'est la seconde nouveauté – l'organisation des discussions dès le premier semestre permettra une meilleure coordination en amont de nos politiques économiques. C'est en effet pleinement le sens du débat que nous avons aujourd'hui : discuter des perspectives que nous présenterons à Bruxelles suffisamment tôt pour que les commentaires de la Commission européenne, qui sera amenée à examiner les mêmes documents que vous ainsi que vos observations, puissent éclairer le débat budgétaire qui aura lieu un peu plus tard dans l'année.
Je vous rappelle que le semestre européen n'est que la première manifestation d'un champ plus vaste de mesures qui donneront véritablement corps aux objectifs d'amélioration de la compétitivité collective et de meilleure convergence de nos politiques européennes. Pas moins de six textes sont actuellement en débat : deux directives, quatre règlements ; deux en décision par le Conseil et quatre en co-décision. Ces textes nous permettront d'aller beaucoup plus loin dans le rapprochement des politiques économiques, conformément aux trois objectifs que j'ai rappelés : assainissement des finances publiques, lutte contre le chômage, amélioration des conditions de la croissance.
Je voudrais à présent vous dire quelques mots des hypothèses macroéconomiques sur lesquelles s'appuie le schéma budgétaire. Ces hypothèses sont fondées sur les chiffres de l'exécution. En 2010, la croissance française a enregistré un chiffre positif puisqu'elle a été de 1,5 %. La croissance est auto-alimentée depuis 2010, et non plus sous perfusion du financement public, sous la forme, par exemple, de plans de relance. Tant la consommation des ménages que l'investissement des entreprises ont pris le relais pour une croissance plus autonome.
En 2011, je confirme la prévision de 2 %, identique à celle inscrite dans le projet de loi de finances. Nous avons mis en balance un certain nombre de contraintes exogènes et tiré parti des réformes conduites depuis 2007.
S'agissant des facteurs exogènes, le premier qui vient à l'esprit, c'est évidemment l'augmentation du prix des matières premières, qui pousse mécaniquement à la hausse les prix à la production et à la consommation. Nous avons donc révisé à la hausse notre prévision d'inflation pour l'année 2011, l'a faisant passer de 1,5 % à 1,8 %.
Deuxième facteur exogène : il s'agit évidemment du niveau de l'euro. Celui-ci s'est considérablement renforcé depuis l'exercice précédent. Une telle appréciation, en particulier par rapport à la monnaie américaine, présente un certain nombre d'inconvénients, notamment pour nos entreprises exportatrices, mais a l'avantage de nous permettre de régler avec une monnaie plus forte certaines factures – je pense évidemment à la facture pétrolière puisque le prix du baril évolue en étroite corrélation avec la sous-appréciation du dollar par rapport à l'euro.
Un troisième facteur exogène jouera également un rôle dans la croissance à venir, en particulier parce qu'il va déstructurer certains mécanismes de production, notamment la chaîne de valeurs organisées dans de grandes entreprises. Il s'agit des graves évènements qui se sont produits au japon, véritable désastre économique qui affectera, de manière sans aucun doute significative, la production japonaise. Mais, au-delà de ses effets directs sur le territoire japonais, il affectera aussi plusieurs organisations de chaînes de valeurs, notamment dans le secteur automobile, ainsi que dans celui des semi-conducteurs, où certaines pièces sont produites dans des proportions extrêmement importantes, voire exclusivement, au Japon.
Ce sont les facteurs exogènes négatifs qui vont impacter la situation de l'économie française et son développement pendant cette année.
Venons-en maintenant aux facteurs, exogènes ou endogènes, à caractère positif pour l'année 2011.
Il y a d'abord l'aspect positif de l'appréciation de l'euro par rapport à un panier de devises puisque cela permet de régler un certain nombre de factures dans des conditions plus favorables.
Deuxième facteur positif, endogène celui-ci : l'amélioration de la situation sur le front de l'emploi. En 2010, nous avons eu 125 000 créations nettes, et l'INSEE prévoit, pour le premier semestre 2011, 78 000 créations nettes.