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Intervention de Jean-Paul Bailly

Réunion du 12 avril 2011 à 17h00
Commission des affaires économiques

Jean-Paul Bailly, président de la Poste :

Je ne réitérerai pas les propos que j'ai tenus il y a trois mois devant votre Commission.

J'avais alors insisté sur les défis rencontrés par La Poste : ouverture totale des marchés et développement de la société numérique, porteuse à la fois de menaces sérieuses pour le volume du courrier et d'opportunités fortes, notamment dans le domaine du commerce électronique.

La Poste s'était préparée à ces défis par la création de la Banque postale, la modernisation de l'outil logistique du courrier, la création du leader européen dans le colis et l'express, une réponse en matière de présence territoriale, une vraie révolution dans la qualité de service des bureaux de poste urbains, et par d'autres innovations encore. Je n'y reviens pas.

Je vous avais aussi présenté le plan stratégique de La Poste. Je ne le développerai donc pas non plus. Il est porteur d'une vision d'un groupe européen leader dans les services de proximité, s'appuyant sur les savoir-faire postaux et fondé sur la qualité de la relation de service et la confiance. Ce choix est radicalement différent, par exemple, de celui de notre homologue allemand, qui a décidé d'être un champion de la logistique industrielle mondiale. Ce plan fixait cinq priorités : la parfaite exécution de nos missions de service public, parmi lesquelles la présence territoriale, l'exigence d'une performance économique durable, garante de la pérennité de l'activité du groupe, la qualité de la relation de service, enjeu majeur sur lequel nous devons continuer à progresser, et enfin l'innovation et le développement, dimensions très liées à l'augmentation du capital. Le développement de ces priorités devait s'effectuer dans le respect de deux « fils rouges ». Le premier est celui d'un modèle social de qualité ; ses principales caractéristiques sont la garantie de l'emploi, celle des contrats de travail – avec la quasi-disparition du temps partiel imposé et une diminution par plus de deux des contrats à durée déterminée – l'évolution de la compétence et – puisque nous avons à conduire beaucoup de transformations et de changements – l'accompagnement du personnel au cours de ces réorganisations. Le second est le développement durable ; à ce propos j'évoquerai le véhicule électrique.

L'augmentation du capital de La Poste est chose faite : les accords définitifs entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations ont été signés en février. L'ensemble des autorisations requises a été obtenu, auprès tant des autorités chargées du respect de la concurrence que des autorités prudentielles et de la Commission européenne ; celle-ci, dûment informée, n'a pas émis d'objection.

Les 2,7 milliards d'euros d'augmentation de capital ont été souscrits le 6 avril pour 1,2 milliard par l'État et 1,5 milliard par la Caisse. Une première tranche de 1,05 milliard d'euros a été versée le jour même à La Poste ; une deuxième, de 1,05 milliard d'euros, le sera en mars ou avril 2012, et la troisième tranche, de 600 millions d'euros au printemps 2013.

Le nouveau conseil d'administration, raison principale de ma venue devant vous, a été installé le 7 avril. Il comprend désormais trois représentants de la Caisse des dépôts et consignations, dont M. Augustin de Romanet. Les représentants de la Caisse participeront évidemment aux travaux de chacun des comités spécialisés du conseil, le comité d'audit, le comité stratégique, le comité des nominations et rémunérations et le comité de qualité de service et de développement durable. L'État conserve huit représentants, une grande continuité en termes de personnes pouvant être observée par rapport au conseil précédent.

Avec M. de Romanet, nous sommes convenus de créer des groupes de travail pour approfondir sans tarder synergies et coopérations entre La Poste et la Caisse. Il s'agit notamment de développer l'actionnariat salarié – domaine où l'expérience de la Caisse, avec Egis, est très intéressante –, la e-administration, l'économie numérique et l'internet de la confiance – domaine où la synergie entre les deux institutions est forte – et enfin une forte collaboration entre nos réseaux territoriaux, avec comme objectif une coopération entre la Banque postale et la Caisse et ses filiales pour tout le financement de l'économie locale, autrement dit celui des très petites entreprises (TPE) et des PME, mais aussi des associations et des acteurs de l'économie sociale.

Enfin, cette augmentation de capital n'a pas pour raison de développer une action spécifique, ni, comme cela a pu être le cas dans le passé, de venir au secours d'une entreprise en difficulté. Son objet est de créer pour La Poste les conditions du développement et de l'innovation dans l'avenir.

Nous avons, vous le savez, élaboré un projet, « Ambition 2015 ». Il nécessite des investissements de 9 milliards d'euros, Banque postale comprise. Or l'ensemble des capacités d'autofinancement de La Poste n'est que de 6,5 milliards d'euros. C'est pourquoi nous avons besoin de 2,5 milliards d'euros environ. Avec ses 6,5 milliards d'euros de capacité d'autofinancement, La Poste pourrait effectuer sa modernisation courante. En revanche, elle ne pourrait pas engager les opérations d'innovation et de développement qu'elle souhaite. L'augmentation de capital va donc d'abord avoir pour objet de permettre à La Poste de devenir un acteur significatif en termes de développement et d'innovation, mais sans se surendetter : son niveau d'endettement ne lui permet pas de s'endetter plus.

Les résultats de l'année 2010 ont été supérieurs aux prévisions, et notamment à celles qui ont servi à la valorisation de La Poste entre la Caisse des dépôts et l'État. Cette situation est évidemment d'un grand intérêt pour la crédibilité du plan Ambition 2015 à moyen terme. Elle a aussi permis aussi de prendre plusieurs décisions dans le domaine social : fixer l'intéressement au niveau maximum, signer à la fin de l'année 2010, un accord syndical avec les quatre syndicats, et enfin affecter un montant spécifique de 15 millions d'euros à l'amélioration de la qualité de vie au travail dans les établissements.

Le début de l'année 2011 a également été plutôt bon. Si à la fin de l'année 2010, notre qualité de service a beaucoup souffert, notamment du fait des intempéries, sur les trois premiers mois de 2011, la qualité de service du courrier est en très net progrès ; près de 86 % du courrier, et même 87 % certaines semaines, est livré à J+1. Nous y voyons l'effet certes de la clémence du climat, mais surtout de la montée en puissance des différents outils de la modernisation logistique, notamment des nouvelles plates-formes du courrier, qui s'avèrent incontestablement un levier pour cette amélioration. Celle-ci est aussi souvent encore plus forte dans les départements les moins denses.

Nous sommes aussi très attentifs – comme la population et vous-mêmes – à la qualité de service à l'intérieur d'un département. Or, pour la première fois, les trois premiers mois de 2011 font apparaître, dans tous les départements ruraux en particulier, une qualité de service supérieure à 90 % de J+1.

En matière de satisfaction et de diminution de l'attente des usagers des bureaux de poste, nos progrès sont spectaculaires. Alors que depuis longtemps le taux de satisfaction plafonnait autour de 50 %, il a bondi autour de 75 % et continue de s'améliorer – ces chiffres sont ceux des instituts de sondage, indépendants de La Poste.

L'activité aussi a été relativement soutenue, notamment celles du colis et de l'express. D'abord, malgré tout, la reprise économique est là – les taux de développement dans certains pays d'Europe comme l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont très bons. Ensuite, notre qualité de service et nos caractéristiques nous permettent de gagner des parts de marché. Même la diminution de notre activité courrier, que nous avions dans nos prévisions fixée à 4 %, est, sur les trois premiers mois de l'année, plutôt de l'ordre de 3 %.

La situation de la Banque postale est plus contrastée. En tant que banque de prêt, qui place de l'argent, elle profite de la remontée des taux. L'augmentation du taux du livret A a aussi provoqué une légère augmentation de la collecte. En revanche, la mauvaise santé du marché de l'assurance-vie est une vraie préoccupation. La décollecte y est forte. La situation de la Banque postale étant en ligne avec le marché, nous l'attribuons aux incertitudes sur l'avenir et la fiscalité, bref sur l'intérêt même du dispositif de l'assurance-vie.

Le développement stratégique se déploie conformément au plan Ambition 2015. Ainsi, nous avons lancé depuis le début de l'année Digiposte. Fer de lance de La Poste dans l'internet, il s'agit d'une boîte postale électronique personnalisée, dont le titulaire contrôle totalement l'accès, et qui peut lui servir de boîte sécurisée pour ses propres documents, ceux qu'il reçoit – une feuille de paye par exemple – comme ceux qu'il échange – la même feuille de paye qu'il envoie à sa banque pour obtenir un prêt immobilier. Le dispositif est prometteur : alors qu'il a été lancé au mois de mars, il compte désormais 40 000 adhérents en France.

Nous allons lancer fin mai La Poste Mobile. Cet opérateur virtuel de téléphonie mobile fera l'objet d'une offre dans les bureaux de poste ; conformément aux valeurs de La Poste, nous nous attacherons à ce que celle-ci soit simple, abordable et transparente. Nous prévoyons un millier de points de commercialisation au mois de mai et 2 000 avant la fin de l'année.

La Banque postale a étendu sa gamme. Elle a lancé dans le courant de l'année 2010 une offre de crédit à la consommation. Le développement de celle-ci, s'il est un peu moins rapide que prévu, est tout à fait satisfaisant : à la fin de l'année dernière un peu plus de 100 000 contrats avaient été conclus. Son offre d'assurance dommages se développe quant à elle plus rapidement que les prévisions. Enfin, elle a aussi déposé une demande d'agrément pour le crédit aux personnes morales, en priorité artisans, commerçants, entrepreneurs, TPE, associations, bailleurs sociaux et de façon générale acteurs de l'économie sociale, essentiellement sous la forme du financement de l'économie locale.

La Poste a reçu la quasi-totalité des 250 véhicules électriques qu'elle avait commandés. Ils circulent aujourd'hui dans une vingtaine de villes. Nous possédons maintenant 8 000 vélos à assistance électrique ; très rapidement, ils équiperont toutes les tournées qui en auront besoin. Nous expérimentons aussi 110 quads électriques : nous pensons en effet généraliser les quads pour remplacer les deux roues, qui sont aujourd'hui la cause principale des accidents de la circulation. Nous avons élaboré un programme de remplacement des deux roues d'ici 2015.

Les possesseurs de flottes captives nombreuses, grandes sociétés privées ou publiques, collectivités territoriales, administrations, se sont mis d'accord sous notre égide sur un cahier des charges d'un véhicule électrique, un minimum de commandes fermes de 30 000 véhicules et des procédures d'achat. Les entreprises lauréates devraient être connues à l'automne et les premiers véhicules livrés avant la fin 2011.

Dans le cadre de ce que j'appelle la parfaite exécution de nos missions de service public, le contrat de présence postale territoriale a été signé, et même d'ores et déjà décliné dans toutes les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT).

Il a pour caractéristiques un élargissement géographique – il s'applique désormais aussi aux zones urbaines sensibles et aux départements d'outre-mer – un meilleur financement – il passe de 135 à 170 millions d'euros – et la formalisation en son sein des procédures de concertation obligatoires préexistantes. Par application de ces procédures, la transformation de bureaux de poste en agences postales communales (APC) et relais poste commerciaux (RPC) impose obligatoirement l'accord du maire et de son conseil municipal ; les évolutions d'horaires ne peuvent avoir lieu que tous les trois ans, doivent être proportionnelles à celle de l'évolution de l'activité constatée, et ne peuvent être décidées qu'après un processus de concertation incluant une phase de diagnostic. Un seuil minimum d'ouverture de douze heures est fixé. Ces règles du jeu, déjà assez largement appliquées, gagnaient à être formalisées.

Le périmètre pouvant faire l'objet de financement au titre du CPP a été élargi au remplacement du personnel, à l'accessibilité des établissements et à la création de nouveaux points et de distributeurs automatiques de billets.

En liaison avec l'Association des maires de France, le nombre d'APC et de RPC a été accru de 10 %.

Le passage de 135 à 170 millions d'euros des fonds du CPP doit faire l'objet d'une formalisation législative. Avant que le montant de l'abattement fiscal pour 2011 soit fixé, il faut d'abord que le Gouvernement prenne un décret fixant la méthode de calcul du coût de la mission de présence territoriale de La Poste. L'ARCEP pourra ensuite calculer celui-ci et le rendre public. Enfin, le Parlement pourra fixer en loi de finances rectificative le montant de l'abattement fiscal correspondant.

Nous négocions aussi actuellement avec l'État le contrat de mission de service public qui suivra le contrat 2008-2012. Ce nouveau contrat devra prendre en compte les évolutions liées à la loi du 9 février 2010 et les enjeux de qualité de service.

L'ensemble de cette évolution se fait dans le cadre d'une attention permanente du management envers la santé au travail et les relations sociales dans l'entreprise.

L'action que doit conduire La Poste n'est pas facile : selon les années, la diminution de son activité principale est de l'ordre de 3 % à 5 % tandis, que devant l'accroissement des solutions par internet et l'automatisation, la demande de guichets elle-même diminue. Cette action doit donc s'adapter à une décroissance continue d'une part très importante des activités principales de La Poste.

Cette adaptation de La Poste à l'évolution de son environnement, et donc l'adaptation en conséquence de ses organisations, constitue pour moi le devoir et la mission de ses dirigeants. Les changements qu'elle nécessite provoquent eux-mêmes des inquiétudes, des incertitudes et des craintes. Pour des dirigeants responsables, le souci permanent des hommes et des femmes qui vont vivre les changements fait partie de la mission de conduite du changement. C'est ce à quoi nous nous essayons à La Poste, depuis le début.

Nous déclinons cette action sur trois dimensions. D'abord, depuis le début, nous tenons un discours équilibré. Nous rappelons la nécessité à la fois de la modernisation, de la prise en compte des hommes et les femmes qui la vivent, en termes de respect et de santé, et du maintien des repères : La Poste doit rester fidèle à elle-même en termes de valeurs, de missions de service public et de modèle social.

Ensuite, nous sommes très attentifs à nos règles générales. Elles correspondent à un modèle social beaucoup plus ambitieux de celui de tous nos concurrents en Europe : garantie de l'emploi, qualité contractuelle des emplois – j'ai évoqué la disparition des emplois à temps partiel imposés et la réduction du nombre de CDD –, et adaptation des compétences. Nous avons dépensé plus de 800 millions d'euros pour l'accompagnement social du programme de modernisation du courrier, le CQC, en termes de mobilité, de formation, d'adaptation des compétences… À La Poste, au-delà d'un cercle de 30 km, il n'existe pas de mobilité obligatoire. Nous consacrons aussi des moyens très importants à l'ergonomie, dans les centres de tri ou le transport, les deux roues par exemple. Dans l'entreprise, 1 300 personnes – médecins du travail, assistantes sociales, infirmières, conseillers en mobilité – se consacrent exclusivement à l'accompagnement des opérations de changement.

Plus récemment, nous avons signé un accord pour loger 3 000 personnes en logement social – avec toutes les organisations syndicales – et un autre sur l'égalité entre hommes et femmes pour le développement de la cohérence entre vie professionnelle et personnelle, qui prévoit notamment le développement des dispositifs de garde d'enfants. Nous avons aussi fait passer notre recrutement de 2 500 à 4 000 personnes et créé un comité de dialogue à l'échelle du groupe ; nous souhaitons enfin faire progresser dans le courant de l'année 2011 l'actionnariat salarié.

Enfin, au-delà du maintien de nos valeurs et de nos missions principales, ainsi que de l'édiction de règles générales attentives, encore faut-il que les pratiques locales soient respectueuses. Elles prévoient concertation et négociation pour toute réorganisation. Très souvent, des choix sont donnés aux facteurs pour leur évolution. L'encadrement est formé et sensibilisé aux enjeux d'accompagnement du changement. Chaque évolution donne lieu à un dialogue spécifique avec chaque agent pour organiser la transition dans la durée : parfois, jusqu'à trois ans sont nécessaires pour ajuster l'ensemble des réorganisations. Aucun agent temporairement sans affectation ne reste sans activité : il est soit inséré dans des programmes de formation, soit affecté à des missions spécifiques.

Pour mieux structurer le dialogue au sein des établissements, nous avons systématisé la présence de directeurs des ressources humaines et prévu pour chaque établissement, en concertation avec les syndicats et les agents, l'élaboration de projets de vie au travail pour l'amélioration de celle-ci.

Nous avons essayé de procéder à la modernisation qui s'impose à nous sans nous renier, c'est-à-dire en conservant les valeurs de proximité et d'accessibilité, les missions de service public, et un modèle social respectueux des hommes et des femmes. La permanence de notre stratégie, la même depuis huit ans, est aussi une force essentielle pour rassurer nos agents dans un monde un peu déstabilisant. En même temps, nous avons entrepris aussi de nous adapter à l'environnement. Cette action est vitale pour de bons résultats financiers, eux-mêmes cruciaux pour la qualité des missions de service public, celle du service en général, ainsi que le financement d'un modèle social relativement ambitieux ; c'est la condition pour être en phase avec son temps. Nous avons également essayé de nous développer et innover : c'est essentiel pour préparer l'avenir. Enfin, les moyens pour le développement et l'innovation seront là grâce à l'augmentation de capital.

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