Il convient de distinguer la prévision de l'exécution. En matière de prévision des recettes, l'article 32 de la loi organique a déjà introduit la notion de sincérité. Il convient maintenant de permettre en outre au Conseil constitutionnel de s'assurer de la cohérence de la loi de finances avec la loi-cadre, s'agissant non pas des recettes existantes, qui sont soumises aux aléas économiques, mais des mesures nouvelles, qui ne doivent pas contrevenir à la loi-cadre. L'hypothèse d'une censure est d'autant plus limitée que les lois-cadres pourront être révisées dans les mêmes conditions que les lois de finances, ce qui laisse de la souplesse à l'exécutif en cas de crise économique ou de changement de majorité. Le texte n'instaure donc pas un système rigide à l'allemande.
S'agissant de l'exécution, la loi organique devra prévoir les modalités de mesure et de correction des écarts. Ceux-ci pourront être corrigés par la modification de la loi-cadre, sur le modèle de ce que le Parlement a fait durant des années pour l'ONDAM. On pourra compenser l'augmentation des dépenses soit par une augmentation des recettes, soit par une diminution des dépenses d'une autre mission, ce qui suppose, pour garder la trajectoire, une certaine fongibilité des mesures à adopter en termes de recettes et de dépenses. Nous devons explicitement inscrire dans le projet de loi constitutionnelle l'obligation pour la loi organique de préciser les modalités selon lesquelles les écarts devront être corrigés. En cas de crise, comme en 2008, la révision de la loi-cadre permettra au Gouvernement de réagir.
M. Censi a eu raison de rappeler que le contrôle du Conseil constitutionnel sera d'ordre juridique et ne portera pas sur la sincérité macro-économique des prévisions de recettes – comment prévoir deux ans à l'avance un taux de croissance au dixième de point près ? En revanche, une loi de finances pourrait être censurée si elle prévoyait des mesures nouvelles en recettes ou des plafonds de dépenses contraires aux dispositions de la loi-cadre.
Monsieur Ginesta, si nous devons compléter la réforme constitutionnelle de 2008, c'est que nous nous trouvons confrontés à un besoin de financement particulièrement important – entre 200 et 250 milliards d'euros par an. Tous les pays européens, indépendamment de considérations liées à la stabilité de la zone euro, se sont dotés de garde-fous leur permettant de résorber progressivement leur endettement. Il s'agit de règles de sagesse pragmatiques, qui ne visent pas à nous enserrer dans des contraintes supplémentaires. Donnons-nous les moyens de maintenir, sauf circonstances exceptionnelles, la trajectoire que nous nous sommes fixée.