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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 13 avril 2011 à 15h00
Simplification et amélioration de la qualité du droit — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons à la fin de l'examen de la troisième des lois qui, depuis 2002, ambitionnent de simplifier notre droit, d'en améliorer la qualité, de clarifier la norme afin de la rendre à la fois plus lisible et plus applicable.

Nous ne contestons pas la légitimité d'une telle démarche, ni son utilité. Dans son rapport public annuel consacré à la sécurité juridique, le Conseil d'État a exprimé dès 1991 ses préoccupations quant à la complexification du droit, la complexité étant caractérisée par la prolifération désordonnée des textes, l'instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme, qui s'inscrit dans un mouvement plus vaste de dégradation de la condition juridique de la loi, par une redéfinition des sources de légitimité normative, par l'émergence de notions telles que la gouvernance, ou par l'étau des règlements européens et nationaux.

Force est de constater que, depuis 2007, la prolifération de nouveaux textes, à la faveur des initiatives élyséennes subordonnant l'écriture de la loi à de prétendus impératifs de communication politique, renforce encore la complexité et l'incohérence du droit et leurs corollaires que sont l'illisibilité et l'inefficacité.

Si nous sommes tous convaincus que la représentation nationale devait se saisir de cette question, en débattre, chercher les voies et moyens de clarifier la norme, il reste que, loin de simplifier le droit, la proposition de loi soumise à notre examen le complexifie. Alors qu'elle aurait dû s'en tenir à l'objectif louable de résoudre les difficultés de rédaction, d'interprétation ou d'application de dispositions législatives existantes, elle va largement au-delà d'une simplification à droit constant. Un petit nombre seulement de ses quelque 160 articles visent à clarifier des normes contradictoires ou imprécises. Les autres visent non pas à simplifier le droit, mais à le modifier, sur des matières aussi diverses et complexes que le droit pénal, le droit rural, la fiscalité, la transposition de la directive « Services », les collectivités territoriales, les groupements d'intérêt public ou le droit de l'urbanisme.

Nous aurions pu espérer que la majorité tirerait les leçons du passé, du précédent texte de simplification et de l'épisode désastreux de l'affaire de l'Église de scientologie. Il n'en a rien été. Le travail a été conduit en amont, avec le Conseil d'État. Onze rapporteurs ont été chargés de l'examen des différents articles, les cinq sections administratives ont été saisies du texte. Des représentants du Gouvernement et de l'administration centrale ont apporté leur contribution au travail des rapporteurs. Quel contraste entre, d'un côté, le temps et les moyens énormes consacrés à cet ouvrage gigantesque, et, de l'autre, ceux, dérisoires, consacrés au débat parlementaire et au travail des commissions sur un texte dont le décryptage nécessite à l'évidence un effort titanesque.

C'est d'autant plus regrettable que les abrogations et modifications en cascade proposées dans ce texte ne se sont accompagnées en général d'aucune justification claire. Elles se traduiront par des modifications dont les conséquences ne sont nullement évaluées ou même simplement présentées.

Certains articles modifient ainsi le droit pénal, abrogeant massivement des dispositions du code pénal sans en préciser clairement ni les raisons ni les effets. Aucune étude d'impact n'a été portée à notre connaissance. D'autres auraient mérité de faire l'objet d'un projet ou d'une proposition de loi spécifique, comme les articles d'ordre fiscal ou ceux modifiant le code de l'urbanisme. Quant aux autorisations de légiférer par voie d'ordonnance pour transposer des directives, considérez-vous qu'elles constituent une simplification du droit ? Je vous le demande.

Nous estimons pour notre part qu'il s'agit davantage d'une simplification du travail législatif lui-même, préoccupante dans son principe dès lors que ce recours aux ordonnances ne se justifie par aucun motif d'urgence. Or seule l'urgence devrait justifier le recours à une telle procédure qui, dans une démocratie parlementaire, doit demeurer l'exception et non la règle. C'est encore plus vrai s'agissant d'un texte visant à améliorer la qualité du droit et de la loi.

Au fond, sous le prétexte de simplifier le droit, le Parlement se voit, une fois de plus, partiellement dessaisi de son pouvoir législatif. Je crois que cela fait trois fois en quinze jours que je vous le fais remarquer, monsieur le garde des sceaux. Cette façon de faire est indigne et méprisante pour la représentation nationale.

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