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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 13 avril 2011 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Ayant été rapporteur en 2001 de la mission d'information sur l'esclavage moderne, j'avais accompli le même parcours et réalisé les mêmes constats que ceux exposés aujourd'hui par le rapporteur de la mission d'information sur la prostitution. Je trouve affligeant que, dix ans après, l'on retrouve des témoignages identiques sur les réseaux et leur violence.

Le rapport et les propositions qu'il contient prennent pour point de départ que la prostitution est forcément liée à la traite des êtres humains. Or, historiquement, ce n'est pas vrai, et ce n'est pas aujourd'hui vrai pour la totalité des personnes prostituées. En réalité, la proposition consistant à pénaliser le client de la prostitution peut s'entendre comme un constat d'échec de la lutte contre les réseaux. En effet, la véritable réponse réside dans la lutte contre les réseaux, dont la violence est insupportable. Mais, alors que la lutte contre le proxénétisme au niveau national a été couronnée de succès dans les années 1970, en permettant presque de l'éradiquer, le constat d'aujourd'hui est celui de l'échec et de l'impuissance face aux réseaux internationaux de prostitution.

Ces réseaux sont complexes et atomisés, avec des ramifications dans plusieurs pays. Il faut néanmoins souligner que leur action est facilitée par les circuits financiers, et par certaines banques spécialisées dans les transferts de fonds telles que Western Union.

Mon sentiment est que c'est ce constat d'échec qui conduit aujourd'hui à formuler une proposition tendant à éradiquer la demande, par la pénalisation du client. Mais la formulation de cette proposition soulève des problèmes de cohérence, tout d'abord sur le plan fiscal, au regard de la prise en compte de la prostitution au titre de l'impôt sur le revenu. Le rapport reproduit une note adressée par le ministre du Budget, dont le paragraphe sur la déduction des sommes versées aux proxénètes est absolument stupéfiant : « L'imposition est établie sur la totalité des revenus perçus. Les sommes rétrocédées le cas échéant aux proxénètes sont admises en déduction ». Il y a également une incohérence dans le fait de maintenir le délit de racolage si l'on considère que les personnes prostituées sont des victimes de la traite : le délit de racolage, appliqué à des victimes, n'a alors pas de sens.

Je considère donc qu'il serait plutôt nécessaire d'apporter une réponse au phénomène de la traite, en adoptant au niveau européen une organisation policière et judiciaire qui soit adaptée à l'importance des réseaux à combattre.

À ce stade, je m'interroge sur l'efficacité que pourra avoir la pénalisation du client. Le risque, si la France choisit cette voie, est que se développe un tourisme prostitutionnel vers la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne ou l'Espagne.

Une autre solution aurait pu consister à légaliser la prostitution, afin de la contrôler, comme c'est le cas aux Pays-Bas, tout en étant conscient que cela n'élimine pas nécessairement les réseaux.

Je partage donc l'orientation principale du rapport : celle consistant à dire que l'on ne peut pas rester inactif face au constat d'impuissance à lutter contre les réseaux. Mais je pense que le pénalisation du client aura beaucoup d'inconvénients, notamment celui d'accroître les risques pour la sécurité des personnes prostituées, qui seront contraintes de se cacher davantage. Un suivi de l'application de la réforme sera nécessaire et, si mes craintes sont fondées, il faudra alors envisager de rechercher d'autres solutions.

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