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Intervention de Patricia Adam

Réunion du 12 avril 2011 à 15h00
Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam :

Ici encore, comme dans le domaine des poudres et explosifs, l'avenir ne peut s'envisager sereinement sans perspective de regroupement au niveau européen. Pourtant, les instruments existent et la méthode est connue. Ils pourraient servir une nouvelle ambition, si la France se donnait les moyens d'y croire.

L'Agence européenne de défense est chargée depuis 2006 d'identifier les besoins capacitaires communs de nos armées. Il est pourtant peu probable que ses efforts – d'ailleurs louables, avec un budget de 31 millions d'euros seulement – débouchent sur de nouveaux programmes et des acquisitions communes. Cela est d'autant moins probable que la France s'oppose à la montée en puissance de cette institution, préférant lui voir jouer un rôle de figurant. Or, celle-ci devrait occuper le coeur de notre stratégie industrielle. Par ailleurs, le mécanisme des coopérations structurées permanentes, prévu par le Traité de Lisbonne, permet à un petit nombre d'États européens d'accepter des interdépendances en matière de défense. L'Agence permettrait ainsi de développer des programmes industriels communs. Malheureusement, cet instrument demeure inexploité. Certes, nos partenaires européens ne se montrent guère enthousiastes, mais je n'ai pas non plus entendu la France exprimer la volonté de développer cette agence.

Nous prenons là un grand risque pour les décennies à venir. En l'absence de programmes industriels fédérateurs, nous continuons de privilégier le jeu du chacun pour soi, dans un environnement soumis désormais à l'unique loi de la concurrence. Nous délaissons le chemin pris à la fin des années 90, lorsque nous faisions émerger de grands maîtres d'oeuvre industriels européens. C'est pourtant ce modèle qui fonctionne aujourd'hui encore : il a créé de nombreux emplois qualifiés sur notre territoire et en Europe ; il a permis d'accroître notre compétitivité sur la scène internationale. Le chemin que nous prenons aujourd'hui, celui du patriotisme industriel, est étroit, risqué, dangereux. Il peut nous mener à l'impasse.

Mais il y a peut-être plus grave. Selon l'étude d'impact, les petites et moyennes entreprises pourraient bénéficier des dispositions du nouveau texte. Effectivement, nos clients européens n'exigeront plus de nos industriels de lourdes compensations que le bon sens économique réprouve. L'ouverture du marché des équipements de la défense pourrait donc profiter à nos PME. Cette possibilité serait rassurante.

Mais l'hypothèse ne résiste pas à l'épreuve des faits : en effet, compte tenu de la faiblesse de nos efforts budgétaires en matière de recherche technologique, c'est l'inverse qui est en train de se produire. Un certain nombre d'entreprises, notamment des PME-PMI, sont évincées de nombreux marchés européens. Nos PME ne sont plus assez compétitives, et ne le deviendront certainement pas dans les années qui viennent, si elles ne reçoivent pas le soutien de l'autorité publique à travers cette fonction de recherche.

Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler la réalité de nos efforts en la matière : les crédits que nous consacrons aux études amont, qui préparent l'avenir de notre base industrielle, ne s'élèvent aujourd'hui qu'à 700 millions d'euros pour l'année 2011 – ce qui a fait l'objet de nombreuses observations de la commission de la défense ; il faut multiplier ce chiffre par dix pour avoir une idée des efforts que les États-Unis consacrent à ce secteur.

Faute de financement, faute de réflexion stratégique en matière d'armement et de programmes du futur, nous délaissons des PME dotées de compétences technologiques uniques en France et en Europe ; et elles sont encore nombreuses ! On leur dit : « Arrêtez de produire, nos stocks sont suffisants » – le seront-ils d'ailleurs encore dans quelque temps, à la suite des engagements de nos forces à l'extérieur ? Je n'en suis pas sûre.

Mais on leur dit aussi : « Les recherches que vous menez ne nous intéressent plus » ! Or, l'heure venue, lorsque notre défense requerra de nouvelles capacités, à qui nous adresserons-nous ? Il sera, je crois, difficile de céder à la tentation des achats sur étagère. En cas d'urgence, tout le monde a les mêmes besoins au même moment. C'est ainsi que nous achetons aujourd'hui des munitions de petits calibres à l'étranger. Peut-être achèterons-nous demain, une fois nos stocks épuisés, des bombes d'avions de fabrication étrangère ?

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