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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 12 avril 2011 à 15h00
Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

C'est dire combien l'Europe de la défense, en particulier la construction d'une industrie européenne de la défense, s'est essoufflée au cours des dernières années ; c'est dire toute la difficulté que nous éprouvons à définir des orientations communes. C'est à la fois la chance et le danger de ce texte.

Sa chance, car la transposition en droit français de ces deux directives européennes peut contraindre l'industrie de défense à coopérer dans des domaines où elle a jusqu'à présent marqué le pas. Mais aussi son danger : en l'absence d'une politique industrielle de l'Europe, si notre politique se réduit à l'ouverture à tous les vents de tous les marchés, sans que nous prenions à aucun moment la précaution de protéger l'industrie française et l'industrie européenne, nous nous exposons à bien des difficultés.

De ce point de vue, le nombre important de programmes dans lesquels nous sommes engagés – quatre-vingt-neuf au sein de l'Union européenne, contre vingt-sept seulement aux États-Unis – montre la faiblesse des coopérations dont nous avons été capables, sur des sujets particulièrement stratégiques. C'est dire le chemin qu'il nous reste à parcourir.

Tel est le contexte global : des difficultés budgétaires, une Europe de la défense qui marque le pas et deux directives dont la transposition en droit français doit consolider notre base industrielle et technologique de défense dans un environnement plus concurrentiel.

La première de ces deux directives, celle du 6 mai 2009, qui concerne les transferts intercommunautaires de matériel de défense, constitue incontestablement un progrès. En effet, en la matière, nos dispositions législatives et réglementaires étaient extrêmement anciennes. Le premier texte datait, me semble-t-il, d'avril 1939 – je parle sous le contrôle du rapporteur – : il s'agissait d'un décret-loi qui définissait les dispositifs d'autorisation préalable et d'autorisation d'exportation permettant à nos industries d'exporter à l'étranger.

Ce sont les principes de ce vieux texte qui avaient été intégrés au code de la défense, dans ses articles L. 2331 et L. 2335. Le dispositif avait quelque peu progressé grâce à la création, en 1955, de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre. Mais, depuis lors, il ne s'était pas passé grand-chose.

Dans une Europe plus concurrentielle, les dispositifs complexes d'autorisation risquaient de handicaper la compétitivité européenne, et plus particulièrement la compétitivité française. Yves Fromion l'a du reste souligné dans ses précédents rapports : le temps requis par les autorisations était incompatible avec le rythme des appels d'offres sur un marché très concurrentiel. Il fallait donc réformer les dispositifs existants.

De ce point de vue, monsieur le ministre, la simplification à laquelle la directive transposée nous invite est une bonne chose pour nos industries d'armement. Il faut simplement prendre des précautions sur deux ou trois points, sur lesquels je me permets d'appeler votre attention.

Premièrement, évitons de perdre par le règlement le temps que la loi a permis de gagner. L'application de la directive repose sur vingt textes réglementaires, dont, sauf erreur de ma part, quatorze décrets et six arrêtés. Ces textes ne doivent pas réintroduire des éléments de complexité là où la loi aura permis d'instaurer des procédures de simplification ; ce serait tout à fait nuisible à nos industries et à leurs relations avec l'industrie européenne.

Deuxièmement, tout cela ne fonctionnera qu'à condition que nous possédions un dispositif de suivi informatique performant. Je veux vous interroger sur ce point, monsieur le ministre : si je comprends bien, le dispositif de suivi informatique qui permettra d'appliquer efficacement ces dispositions législatives doit être instauré en 2014 ; or, si la directive entre en vigueur d'ici à cette date, je crains que nous ne soyons confrontés à quelques problèmes de gestion. Comment envisagez-vous de décliner ce nouveau système informatique dans les meilleurs délais, afin que nos industries ne soient pas handicapées ?

Troisièmement, nous sommes, en Europe, les champions de l'eurocompatibilité : nous y sommes quatre fois plus attentifs que nos partenaires, et nous avons tendance à faire infiniment mieux que les autres, qui en font infiniment moins pour préserver les intérêts de leur propre industrie.

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