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Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 12 avril 2011 à 15h00
Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Il est nécessaire de ne pas la brader, en effet, et de permettre à l'intérêt national de s'exprimer. Or nous courions le risque que certains de nos vingt-six partenaires interprètent mal l'article 346 du TFUE, ce qui aurait permis d'écarter toute règle de mise en concurrence pour la protection du secret et des intérêts essentiels de sécurité nationale. Mal mis en oeuvre, cet article aurait évincé l'industrie française de l'accès naturel à des marchés, en l'occurrence européens.

L'article 346 protège les États qui ont une industrie de défense, ce qui est notre cas. L'encadrement prévu par l'article 346 n'est pas une atteinte à notre autonomie nationale : c'est au contraire la possibilité d'écarter des comportements excessivement protecteurs qui auraient fermé certains marchés européens à l'industrie française, et permis, pour des raisons locales, de rester ouverts à des industries de défense et de sécurité extra-européennes.

C'est la raison pour laquelle la transposition de la seconde directive, celle du 13 juillet 2009, me paraît pertinente, puisqu'elle encadre l'article 346 dans des conditions d'ouverture maîtrisée des marchés qui nous permet d'espérer travailler normalement dans les vingt-six autres États européens, même si, reconnaissons-le, cette directive nous oblige.

Mais, si cette directive nous oblige, c'est dans des conditions qui sont parfaitement acceptables pour les intérêts même de l'industrie française. D'une part, la directive conserve la possibilité d'exclure les marchés sensibles d'une ouverture à la concurrence, selon les modalités définies par l'article 346. Mais elle assure ensuite aux pays détenant une importante industrie de l'armement qu'ils ne seront pas confrontés, à l'intérieur de l'espace européen, à la concurrence déloyale de pays qui ne font pas le même effort de recherche et de développement dans le domaine scientifique, industriel et technologique. Le texte exclut donc toute ouverture à la concurrence des programmes de recherche cofinancés avec d'autres États européens. Enfin, le texte prévoit de larges possibilités de sélection des soumissionnaires, sur le fondement d'exigences relatives à la sécurité d'approvisionnement.

Cette exigence de sécurité d'approvisionnement est extrêmement pertinente puisque, en raison de la localisation même des activités de ceux qui concourent à un marché public, nous pouvons les écarter pour la raison qu'ils ne garantiraient pas d'être approvisionnés, notamment en cas de conflit, ou même simplement en cas de tensions, par exemple lorsque la circulation aérienne ou maritime deviendrait impossible. Cette contribution du président de la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat, M. de Rohan, me semble particulièrement bienvenue.

Ainsi, cette directive vient protéger notre base industrielle et technique de défense en permettant un juste équilibre entre la nécessaire mise en concurrence des industries de défense au sein de l'espace européen, et le souci d'éviter d'ouvrir ce marché à des opérateurs qui n'en respecteraient pas les règles.

Ce dispositif nous permet d'évacuer ce que, dans le jargon de l'industrie, nous appelons les « faux nez », qui sont européens de circonstance, de hasard ou de rencontre, mais qui ne permettraient pas d'assurer durablement l'approvisionnement ou la sécurité, ou qui ne participeraient pas à l'esprit de coopération et de réciprocité qui préside à la construction européenne, notamment en matière de défense.

La logique d'ouverture internationale des marchés qui guide le texte de loi qui vous est présenté s'applique également au marché de la connaissance, mais il s'agit là d'un point particulier que je vous proposerai sous forme d'amendement.

Je voudrais revenir, en guise de conclusion, sur les trois étapes définies par le texte pour l'ouverture maîtrisée des marchés. Au moment de la rédaction des appels d'offres pour chaque marché, l'autorité adjudicatrice pourra définir si ce marché est restreint à la concurrence communautaire, ou s'il est ouvert à une concurrence internationale. La directive nous fournit d'ailleurs certains critères sur lesquels cette analyse pourra s'appuyer : les impératifs de sécurité d'information et d'approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l'État, l'intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les exigences de réciprocité et les objectifs de développement durable, dont la présence peut surprendre s'agissant de défense, mais dont on ne peut pas ne pas tenir compte aujourd'hui. Nous avons donc suffisamment d'éléments, dans la transposition de la directive du 13 juillet 2009, pour soutenir une politique industrielle de défense qui soit en effet maîtrisée.

Dès la réception des candidatures, avant même la réception des offres, l'autorité adjudicatrice aura le pouvoir d'écarter les candidats implantés hors du territoire de l'Union européenne dont les capacités techniques ne seraient pas d'un niveau suffisant pour exécuter le marché, et qui apparaîtraient donc comme des « faux nez ».

Enfin, troisième et dernière étape, à la réception des offres, l'autorité adjudicatrice pourra avoir intérêt à écarter une offre, notamment au motif que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie du marché, pour maintenir ou moderniser les produits acquis, ne seraient pas localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne.

Nous avons donc les éléments d'une véritable maîtrise. L'article 346 du TFUE, qui aurait pu être ressenti comme une protection de l'industrie française, fonctionnait en réalité comme une menace de fermeture, pour notre industrie, des vingt-six autres marchés de l'Union européenne. Nous avons donc, au travers de cette transposition, négocié au plus juste entre deux écueils. Le premier était de donner à l'article 346 une interprétation trop large, qui aurait permis à certains de nos partenaires d'éliminer par principe les pays européens dotés d'une industrie d'armement – je pense principalement à l'Espagne, à l'Italie, à la Grande-Bretagne, à l'Allemagne et à la France – au profit de fournisseurs extérieurs, pour des raisons politiques ou financières. Inversement, il nous fallait garder, à travers une bonne maîtrise de l'article 346, la possibilité d'évincer nous-mêmes ceux que j'ai appelés les « faux nez » et qui sont en réalité des entreprises mondiales tout à fait respectables, mais qui se serviraient du marché européen sans apporter, en contrepartie, les efforts de partenariat que l'on est en droit d'attendre, dans une construction communautaire, de ceux avec lesquels on est en concurrence.

Les deux directives permettent donc de donner un statut pertinent, mesuré, à ce qui ne sera jamais, du point de vue du commerce et des échanges, un produit comme les autres, puisqu'il doit pouvoir continuer de répondre à des préoccupations d'intérêt national, même si, à terme, notre objectif est naturellement de construire cet espace européen.

Le dispositif des échanges intracommunautaires va familiariser vingt-sept pays à des règles communes d'échanges de ces produits. Le chemin est encore long à parcourir pour qu'il y ait une prise de conscience réelle de la possibilité de créer l'Europe industrielle de la défense, même si des exemples récents, en particulier l'accord franco-anglais de Lancaster House en novembre dernier, montrent que les plus grands pays ont clairement la conscience de la nécessité de travailler ensemble. Pour être franc, les plus grands pays souhaitent la transposition de ces deux directives sur les bases du texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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