Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 12 avril 2011 à 15h00
Contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous avons à examiner un projet de loi dont l'objet est la transposition de deux directives portant sur un sujet particulièrement sensible, puisqu'il concerne le commerce de l'industrie de l'armement, en Europe et à l'extérieur de l'Europe.

Ce texte doit beaucoup aux directives, mais aussi aux travaux des parlementaires. Je voudrais tout particulièrement saluer le travail de votre rapporteur, M. Fromion, qui est, à bien des égards, le parrain de cette réflexion d'ensemble sur le marché intracommunautaire des armes, de l'armement, du matériel de sécurité et de défense, ainsi que d'une réflexion plus globale sur les règles de commerce et d'exportation de l'armement à l'extérieur des limites de l'Europe.

Ces deux directives, monsieur Vitel, je sais que la commission de la défense nationale et des forces armées les connaît bien, puisque nous avons eu l'occasion de travailler ensemble.

L'industrie de l'armement n'est pas une industrie comme les autres. Compte tenu des contraintes qui pèsent et sur ces équipements et sur leurs conditions d'usage, il est indispensable d'adopter des dispositions spécifiques et de faire en sorte que l'esprit du marché unique ne puisse être étendu aux biens de défense et de sécurité sans tenir compte de leur nature très particulière.

En France, l'industrie d'armement concerne directement et indirectement plus de 160 000 emplois, ce qui est considérable. Le chiffre d'affaires de cette industrie au plan international nous permet de peser. Alors que nous représentons 1 % de la population mondiale et 5 % de l'économie mondiale, nous fournissons 7,5 % des exportations mondiales d'armement – en moyenne, car ce n'était pas le cas en 2010. Pour un pays voisin comme le Royaume-Uni, d'une taille comparable à la nôtre, le chiffre est supérieur : 13,5 %. Israël représente 5 % des exportations mondiales d'armements, mais, étant donné la taille de ce pays, on peut considérer qu'elles revêtent pour lui un caractère tout à fait stratégique.

C'est donc une activité dans laquelle la France tient un rang honorable. Sans ces exportations, il serait souvent impossible d'organiser les économies d'échelle et le financement de la recherche et développement qui permettent à notre pays, dans bien des domaines, de disposer d'une autonomie, d'une indépendance qui contribue assurément à sa sécurité.

Pour autant, ce ne sont pas des biens comme les autres. Il était nécessaire – le rapport de M. Fromion l'a clairement établi – de faire comprendre, notamment à la Commission européenne, qui est à l'origine des deux directives de 2009, que chaque État devait garder un maximum de responsabilités pour pouvoir sécuriser ses approvisionnements, ne pas être dépendant de fournisseurs incertains et assurer, dans des domaines qu'il juge stratégiques, la protection de ses intérêts vitaux.

Ces deux textes doivent pouvoir concilier deux objectifs : s'il faut que le marché communautaire soit aussi ouvert que possible et ne soit pas segmenté en vingt-sept marchés nationaux qui constituent autant d'obstacles pour nos industriels – car nous sommes exportateurs –, nous devons nous mettre à l'abri d'une conception trop dogmatique de l'ouverture des marchés et de l'accès à la concurrence, qui pourrait fragiliser notre industrie en la plaçant sous la menace d'un dumping extérieur direct ou indirect, par le biais de ce qu'il est convenu d'appeler, dans ce secteur, des « faux nez » européens. Ceux-ci seraient européens pour la circonstance, mais représenteraient en réalité des activités industrielles extérieures à l'Union européenne, ne nous permettant pas de garantir dans le temps la sécurité de notre approvisionnement, même si, à court terme, par le jeu d'une concurrence superficielle et mal comprise, elles bénéficieraient d'un avantage prix.

En ce qui concerne les transferts intracommunautaires, le texte propose d'instaurer un principe de liberté encadrée du commerce et de l'industrie, de supprimer le dispositif des autorisations d'importation et de transit, mais de le remplacer par un contrôle à la fois a priori et a posteriori, par le biais de trois types de licences de transfert. Les premières sont des licences individuelles, concernant à la fois l'entreprise, le matériel et le destinataire. S'y ajouteraient des licences globales, qui offriraient à un exportateur européen établi en France la possibilité d'expédier pour une durée déterminée des matériels de guerre et matériels assimilés spécifiques. Nous définirions un troisième type de licence, dite générale, concernant des matériels moins sensibles.

Le bénéfice qu'en retireront les entreprises est évident : elles auront des règles prévisibles, certaines, qui leur permettront d'accéder à l'ensemble des États membres.

Au-delà des transferts intracommunautaires, nous avons souhaité que l'ensemble de nos exportations puisse bénéficier d'une simplification, et d'une rénovation d'un dispositif extrêmement ancien, puisqu'il remonte à 1939. Il reposait sur un principe général de prohibition des exportations d'armements, atténué par un système complexe de licences d'exportation se déclinant en plusieurs étapes. Chacune représentait parfois un processus administratif extraordinairement difficile à franchir, en particulier pour les industriels qui n'avaient pas une taille et des services administratifs et juridiques suffisants.

Le projet de loi propose donc de fusionner les deux étapes de l'agrément préalable, pour la négociation et la signature du contrat, et de l'autorisation d'exportation. Nous aurions ainsi une seule licence. Elle serait naturellement suivie d'une seconde licence pour le passage de frontière, permettant de contrôler la réalité physique de l'exportation pour vérifier la réalité des engagements. Les professionnels voient ce système comme une simplification.

J'évoquais le caractère spécifique de l'industrie de l'armement, de la sécurité et de la défense. C'est la raison pour laquelle, dans la directive concernant la concurrence et les appels d'offres en matière de défense et de sécurité, nous nous sommes efforcés de créer un dispositif juridique permettant d'introduire non pas une préférence communautaire ou un contrôle national, mais de tenir compte d'impératifs nationaux. Nous ne sommes pas dans le domaine du discrétionnaire et de l'aléatoire, le projet de loi que nous vous présentons a d'ailleurs été rudement négocié avec les services de la Commission européenne. Grâce aux divers dispositifs que je vais vous présenter, nous pensons pouvoir utilement concilier le principe de l'appel d'offres auquel nous invitait la directive avec un contrôle tenant compte du caractère spécifique des biens de défense et de sécurité.

Le texte a été modifié en ce sens au Sénat, par des amendements gouvernementaux discutés en commission et adoptés en séance. Ainsi, certains agents du ministère de la défense seront habilités à effectuer des contrôles au sein des entreprises, lesquelles seront obligées de donner aux agents habilités un libre accès à l'ensemble des informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission. En adaptant un dispositif dont la rédaction initiale paraissait un peu maladroite, nous avons également prévu que, avant d'engager des poursuites, le procureur de la République saisi d'une infraction en matière de contrôle de l'importation, de l'exportation ou du transfert de matériels de guerre, devra demander l'avis du ministre de la défense.

Ce texte prévoit également la mise en place d'un mécanisme de certification des entreprises souhaitant recevoir des produits liés à la défense, afin de vérifier la fiabilité de leur organisation interne. Nous avons donc la certitude qu'un haut niveau de sécurité sera maintenu dans ce secteur d'activité difficile.

Par ailleurs – et c'est très important, comme nous le prouve l'actualité –, toute autorisation ou certification pourra être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée, notamment dans le cas d'un brusque changement du contexte international.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion