Votre volonté, monsieur le rapporteur, est – je l'affirme – de restreindre la possibilité de rester sur le territoire français et d'accéder aux soins. Vous prétextez un prétendu revirement jurisprudentiel du Conseil d'État, mais je conteste vos propos. Le Conseil d'État – je vais vous le démontrer – n'a fait que réaffirmer la volonté des gouvernements successifs.
Au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998, le ministre de l'intérieur écrivait ceci dans une circulaire : « La possibilité pour l'intéressé de bénéficier ou non du traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine dépend non seulement de l'existence des moyens sanitaires adéquats, mais encore des capacités d'accès du patient à ces moyens. » Voilà ce que disait le ministre de l'intérieur qui avait défendu le projet de loi !
Cette circulaire, datée du 12 mai 1998, non seulement n'a jamais été rapportée, mais a été confirmée et réaffirmée par les ministères de l'intérieur et de la santé le 30 septembre 2005, le 23 octobre 2007 et le 29 juillet 2010. Les ministres de la santé ont confirmé jusqu'en 2010 l'interprétation donnée par le ministre de l'intérieur de 1998. C'est de cette manière que la loi de 1998 a été appliquée pendant douze ans.
C'est à l'occasion d'un contentieux né de sa contestation par un ministre de l'intérieur que le Conseil d'État a été amené à rappeler cette interprétation. Le rapporteur public avait ainsi indiqué que le ministre de l'intérieur, en refusant, dans le cas d'espèce, que fussent prises en considération les possibilités effectives d'accès aux soins dans le pays d'origine, avait pris une position contraire aux instructions données par ses propres services sur le fondement de la loi en vigueur.
Il y a donc une loi et une circulaire qui ont été appliquées pendant douze ans. Elles l'ont notamment été par un certain nombre de ministres de la santé depuis 2005 et jusqu'au mois de juillet 2010. C'est parce qu'il s'est trouvé, une fois, qu'un ministre de l'intérieur a dérogé à cette ligne qu'un contentieux est né. Le Conseil d'État lui a alors rappelé les obligations qui résultaient de la circulaire interprétative.
Les arrêts du Conseil d'État n'ont donc rien ajouté ni changé. Ils n'ont fait que rappeler les exigences de la circulaire que différents ministres, dont ceux de la majorité actuelle, ont appliqué. C'est pourquoi j'affirme, sans jugement de valeur – nous n'en portons pas –, sans remettre en cause la générosité dont notre pays croit devoir faire preuve ici ou là, que vous cherchez aujourd'hui à restreindre les droits des personnes malades qui demandent à rester sur le territoire national pour des raisons de santé. Vous considérez qu'il n'incombe pas à notre pays de faire droit à ces demandes, et voilà pourquoi vous allez voter ce texte. Pour notre part, c'est simple, nous pensons le contraire.