Déposé le 5 mars 2011 par : M. Mamère, Mme Buffet, M. Muzeau, M. Braouezec, M. Vaxès, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Brard, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Yves Cochet, M. Desallangre, M. Dolez, M. Gosnat, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gremetz, M. Lecoq, M. Daniel Paul, Mme Poursinoff, M. de Rugy, M. Sandrier.
Supprimer cet article.
La proposition revient dans l'esprit et dans la pratique à supprimer le dispositif législatif de 1998. La régularisation pour raison médicale concerne actuellement les étrangers gravement malades qui ne peuvent effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine.
S'interroger sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé est dénué d'intérêt si l'on ne prend pas soin de vérifier qu'il y aura accès. En effet, dans l'immense majorité des pays, les traitements existent, mais ils sont réservés à une élite : les obstacles financiers, l'état sanitaire de ces pays, le nombre réduit de médicaments disponibles, l'insuffisante formation des professionnels de santé, l'absence de prise en charge et de suivi exclut de fait la majorité de la population d'un traitement approprié. Si le traitement existe mais est en pratique inaccessible, les conséquences d'une exceptionnelle gravité sont aussi inéluctables que s'il n'existe pas : aggravation de la pathologie, augmentation de la morbidité et de la mortalité. Refuser le droit au séjour à des étrangers gravement malades qui vivent en France au motif que le traitement requis par leur état de santé existe dans le pays de renvoi revient à les renvoyer vers la mort si, pour quelques raisons prévisibles que ce soit, ils ne peuvent en bénéficier.
La suppression du droit au séjour des personnes vivant en France et atteintes d'une maladie dont l'évolution risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité conduirait à deux types de situations :
- certaines repartiront ou seront renvoyées dans leur pays d'origine malgré le risque d'une mort à plus ou moins brève échéance : la responsabilité de la France serait alors engagée, à la fois directement (traitement cruel, inhumain ou dégradant) et plus globalement en matière de désengagement dans la lutte contre les pandémies, ce qui aggravera encore son image au niveau international ;
- d'autres resteront en France en situation de très grande précarité, dépendantes des aides caritatives, sans possibilité d'autonomie professionnelle, dans une situation d'insécurité administrative préjudiciable à un suivi médical de qualité, avec pour conséquences des complications et surcoûts hospitaliers inévitables en cas de prise en charge tardive, ceci notamment en contradiction totale des programme de santé publique de prévention et dépistage précoce en matière de VIH, des hépatites ou encore les cancers.
Certains points dans l'exposé sommaire sont discutables :
- la décision du CE du 7 avril 2010 évoqué, loin d'élargir le dispositif, n'a fait que rappeler l'objectif de la loi. En rappelant à l'administration que devait être pris compte l'accès effectif aux soins pour les personnes, la loi donne aux préfets les moyens d'éviter qu'aucune mesure d'éloignement ne puisse signifier une condamnation à mort, faute de traitement disponible pour l'étranger malade dans son pays d'origine. La décision du CE n'est donc pas de nature à modifier profondément le nombre de cartes de séjour délivrés et à faire peser une « obligation déraisonnable au système de santé français ». Rappelons que selon les dernières données disponibles, fin 2008, le nombre d'étrangers régularisés pour raison médicale était de 28 460 personnes, ce qui représente 0,8% des 3 500 000 étrangers en France.
- le jugement de la CEDH cité établit que l'expulsion par la Grande-Bretagne d'une jeune femme séropositive ougandaise, en stade sida, atteinte d'un cancer et dont l'espérance de vie était réduite à quelques mois en l'absence de traitement, vers un pays où moins d'une personne séropositive sur deux n'a accès aux anti-rétroviraux n'était pas contraire à la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Il est pourtant indéniable que la décision britannique a bien précipité la mort de cette jeune femme. Souhaitons-nous, alors même que la CEDH ne fait qu'établir des normes minimales, que de telles décisions soient prises en France ?
Le risque évoqué « d'attirer des étrangers venant d'un pays où l'assurance maladie est moins favorable qu'en France » se fonde sur une grave erreur de l'exposé des motifs, qui oublie de préciser que le droit au séjour concerne seulement l'étranger « résidant habituellement en France ». La procédure actuelle n'a rien à voir avec la notion de « visa sanitaire », et n'est pas destinée à autoriser l'entrée en France de personnes malades résidant à l'étranger. La migration pour raison médicale reste une exception, l'immense majorité des personnes concernées ayant découvert leur maladie à l'occasion d'un examen médical pratiqué en France alors qu'ils y résidaient déjà.
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