Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 9 mars 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 17 ter, amendements 30 102 239

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

La régularisation pour raison médicale concerne actuellement les étrangers gravement malades qui ne peuvent effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine.

S'interroger sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé est dénué d'intérêt si l'on ne prend pas soin de vérifier qu'il y aura accès. En effet, dans l'immense majorité des pays, les traitements existent, mais ils sont réservés à une élite. Les obstacles financiers, l'état sanitaire de ces pays, le nombre réduit de médicaments disponibles, l'insuffisante formation des professionnels de santé, l'absence de prise en charge et de suivi excluent de fait la majorité de la population d'un traitement approprié.

Si le traitement existe mais est inaccessible en pratique, les conséquences sont tout aussi inéluctables que s'il n'existe pas : aggravation de la pathologie, augmentation de la morbidité et de la mortalité. Refuser le droit au séjour à des étrangers gravement malades vivant en France au motif que le traitement requis par leur état de santé existe dans leur pays d'origine alors qu'ils ne peuvent en bénéficier pour des raisons prévisibles, revient à engager leur pronostic vital.

La suppression du droit au séjour des personnes vivant en France et atteintes d'une maladie dont l'évolution risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité conduirait à deux types de situations.

Certaines repartiront ou seront renvoyées dans leur pays d'origine malgré le risque de mort à plus ou moins brève échéance. La responsabilité de la France serait alors engagée, à la fois directement – traitement cruel, inhumain ou dégradant – et plus globalement en matière de désengagement dans la lutte contre les pandémies, ce qui aggravera encore son image au niveau international.

D'autres resteront en France en situation de très grande précarité, tributaires des aides caritatives, sans possibilité d'autonomie professionnelle, dans une situation d'insécurité administrative préjudiciable à un suivi médical de qualité. Il en résultera des complications et des surcoûts hospitaliers inévitables en cas de prise en charge tardive. Un tel scénario est notamment en contradiction totale les programmes de santé publique de prévention et dépistage précoce en matière de VIH, d'hépatite ou de cancer.

Le risque évoqué d'attirer des étrangers venant d'un pays où l'assurance maladie est moins favorable qu'en France se fonde sur une grave erreur de l'exposé des motifs qui omet tout simplement de préciser que le droit au séjour concerne seulement l'étranger « résidant habituellement en France ».

La procédure actuelle n'a rien à voir avec la notion de « visa sanitaire » et n'est pas destinée à autoriser l'entrée en France de personnes malades résidant à l'étranger. La migration pour raison médicale reste une exception, l'immense majorité des personnes concernées ayant découvert leur maladie à l'occasion d'un examen médical pratiqué en France alors qu'ils y résidaient déjà.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 17 ter.

Nous ne sommes pas les seuls à la demander. Trois éminents professeurs – le professeur Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine en 2008, le professeur Jean-François Delfraissy, chef de service au CHU de Bicêtre, et Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, ont lancé, sur le site Rue 89, un appel qui vous aurait convaincu, si vous l'aviez lu – ce que je vous invite à faire –, de la faute que vous vous apprêtez à commettre. Ils concluent ainsi cet appel : « L'injustice et la discrimination ne sont pas de bonnes stratégies en matière de santé. En tant que médecins et chercheurs, acteurs de la lutte contre le sida et du droit à la santé, nous n'acceptons pas le recul éthique, médical, social, juridique et politique que constitue cet amendement. Nous demandons aux parlementaires de considérer nos arguments rationnels et, tout comme les sénateurs l'ont fait en février dernier, de rejeter l'article 17 ter du projet de loi “Immigration intégration, nationalité”. » Tentez, mes chers collègues, de les écouter !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion