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Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 6 avril 2011 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Vautrin, co-rapporteur :

Je vous remercie monsieur le Président. Plus de deux ans et demi après le vote de la LME, il était temps de faire un nouveau bilan de la LME et, avec Jean Gaubert, nous avons choisi de traiter spécifiquement un certain nombre de sujets qui sont les soldes flottants, l'Autorité de la concurrence, les délais de paiement et la négociabilité. Plusieurs sujets ne seront donc pas abordés : ainsi, vous reconnaîtrez avec nous que tout ce qui concerne le Livret A nous semble relever davantage de la Commission des finances ; un bilan de l'auto-entrepreneur a par ailleurs déjà été effectué et même présenté à notre Commission il y a quelques mois. Quant à l'urbanisme commercial, il a fait l'objet d'une proposition de loi déposée par notre ancien président Patrick Ollier et qui a, pas plus tard que jeudi dernier, été débattue en séance publique au Sénat ; il nous a donc paru opportun de ne pas troubler de quelque manière que ce soit le processus législatif actuellement en cours et dont nous savons que Michel Piron, notre rapporteur sur ce sujet, le suit avec la plus extrême attention. Enfin, je suis tout à fait d'accord avec vous Monsieur le Président en disant que, pour Jean Gaubert et moi, il ne se passe pas un seul instant lorsque nous travaillons sur ce sujet sans que nous n'ayons également une pensée pour notre ami Jean-Paul Charié, dont nous savons effectivement combien il s'était investi sur ce texte.

Avant que Jean Gaubert ne vous parle plus particulièrement des relations entre fournisseurs et distributeurs et de tout ce qui concerne les négociations commerciales, je vais aborder dans un premier temps les autres thèmes évoqués dans ce rapport.

Comme l'ont illustré les quatre grands objectifs poursuivis par la LME, comme le sous-entend également l'appellation même de cette loi, il s'agit d'un texte de nature à toucher l'ensemble de notre économie. Contrairement à l'impression qu'on a parfois pu avoir, la LME ne concerne pas seulement le secteur agro-alimentaire même si, ne nous en cachons pas, les relations entre fournisseurs et distributeurs sont essentielles et sont fortement affectées par ce texte.

C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à traiter d'un sujet important, les échos dans la presse en témoignent, qui est celui des « soldes flottants ». Les soldes flottants, actuellement codifiés à l'article L. 310-3 du code de la consommation, désignent une période complémentaire de soldes d'une durée globale de deux semaines que les magasins peuvent utiliser à n'importe quel moment de l'année soit d'un seul tenant, soit sous la forme de deux semaines séparées. L'idée pouvait sembler séduisante à première vue, mais ces soldes ont suscité une forte opposition à tel point que l'ancien secrétaire d'État au commerce et à l'artisanat, M. Hervé Novelli, a été conduit à en demander l'évaluation. À notre tour, nous avons entendu différentes personnes sur ce sujet qui ont, de manière quasi unanime, souhaité leur disparition. Dans leur immense majorité, elles ont souligné la perturbation supplémentaire que les soldes flottants peuvent entraîner à l'égard du consommateur, déjà placé au milieu d'un véritable tourbillon de soldes, de promotions, de déstockages, de ventes privées qui se multiplient par les voies traditionnelles mais également, de plus en plus, par le biais d'Internet. À ce titre, nous pensons qu'il pourrait être utile de procéder à une analyse sociologique et économique du dispositif, mais aussi d'effectuer une analyse globale des soldes, quelle que soit la modalité retenue (soldes effectuées chez un détaillant, sur Internet…) avant de déterminer s'il convient ou non de supprimer le dispositif des soldes flottants. Il convient également de préciser qu'une idée qu'avait émise en son temps la FCD et qui consistait à conserver les soldes flottants tout en raccourcissant encore la durée des soldes traditionnels n'a trouvé aucun écho, certains détaillants ayant fait état du fait que les soldes de cette année avaient mal commencé mais qu'ils s'étaient rattrapés sur les dernières semaines, cette période correspondant à une véritable habitude de consommation qui leur semble donc intéressante de garder. Quant aux grands magasins, notamment ceux situés sur le Boulevard Haussmann, ils n'ont visiblement pas besoin des soldes flottants, pouvant sans difficulté fonctionner sur leur propre système de promotions.

Sujet qui concerne également l'ensemble de l'économie, celui des délais de paiement, dont chacun ici connaît l'importance pour le financement des entreprises, notamment de nos PME. Les précédents rapports relatifs à la LME avaient déjà souligné, même si celui de l'Assemblée nationale avait un peu plus critique que celui du Sénat, la réussite de la LME en ce domaine puisque les délais de paiement ont baissé de 11 jours en moyenne. Cela dit, Jean Gaubert et moi nous interrogeons sur l'évolution de la réglementation. En effet, les accords dérogatoires qui, ce n'est pas négligeable, concernent tout de même 20 % de notre économie, sont appelés à disparaître au 1er janvier 2012 ; par ailleurs, une harmonisation communautaire est en cours puisqu'une directive sur ce sujet datant du mois de février dernier devra être transposée dans notre droit interne avant le 16 mars 2013. Or, cette dernière prévoit, tout en fixant à 60 jours le délai de paiement de droit commun, qu'il pourra y être librement dérogé si les parties en conviennent. Que faut-il entendre ainsi ? Si la France fait des efforts pour diminuer les délais de paiement, la réglementation européenne autoriserait-elle davantage de liberté en la matière ? Si des entreprises ou des secteurs font des efforts pour passer au délai de 60 jours ou de « 45 jours fin de mois » tels que fixés par la LME, cela signifie-t-il que leurs efforts seront vains puisqu'il pourra y être dérogé à l'avenir ? En outre, connaissant les rapports du faible au fort qui existent dans le domaine commercial, peut-on penser un seul instant qu'un petit fournisseur refusera, au risque de se voir déréférencé, de déférer à la demande d'un distributeur qui souhaitera adopter des délais de paiement supérieurs à 60 jours ? Sur cette question, nous avons regretté que l'Observatoire des délais de paiement, pas plus que le Gouvernement d'ailleurs, n'aient pu nous éclairer sur ce point en dépit de nos sollicitations puisque, visiblement, leur réflexion n'a pas encore débuté sur ce sujet. Autant de raisons pour lesquelles nous devons, ici à l'Assemblée nationale, absolument anticiper ce que seront demain les délais de paiement dans notre réglementation afin de ne pas nous laisser surprendre et de ne pas contraindre inutilement des branches qui auraient fait des efforts de manière inutile. Il existe par exemple des secteurs qui connaissent de véritables difficultés pour adopter le délai légal (secteurs du jouet, du jardinage, ceux qui vendent des produits à rotation lente). Enfin, il semble que la doctrine ne soit pas totalement unanime pour savoir si les dispositions relatives aux délais de paiement doivent ou non s'appliquer aux fournisseurs étrangers : si tel n'est pas le cas, les facilités offertes en termes de délais de paiement risquent de favoriser les concurrents étrangers et de pénaliser nos propres entreprises. Il convient donc d'y être parfaitement attentif.

Autre sujet qui a attiré notre attention, celui de l'Autorité de la concurrence. Nous savons tous ici, pour avoir travaillé sur la LME ou pour avoir entendu ici, à diverses reprises, M. Bruno Lasserre nous parler de l'institution qu'il préside avec, que l'Autorité de la concurrence est aujourd'hui une institution incontournable. Actuellement codifiée aux articles L. 461-1 et suivants du code de commerce, l'Autorité de la concurrence a retenu notre attention à au moins deux égards. D'une part, il s'agit d'une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs extrêmement importants aujourd'hui, qu'il s'agisse des nouveaux contrôles qui lui ont été dévolus (je pense naturellement au contrôle des opérations de concentration qui, rappelons-le pour mesurer le chemin parcouru, relevait auparavant du ministre de l'économie), de sa capacité à s'autosaisir ou de sa capacité à se pourvoir en cassation contre une décision de la Cour d'appel de Paris qu'elle n'approuverait pas. D'autre part, il s'agit d'une institution qui subit de profonds changements en ce qui concerne notamment sa politique de sanctions. Chacun se souvient ici du coup de tonnerre lorsque la Cour d'appel de Paris, dans l'affaire dite du « cartel de l'acier », avait ramené l'amende de 570 millions d'euros prononcée par l'Autorité à 75 millions d'euros ! Tirant les enseignements de ces différents épisodes, l'Autorité de la concurrence a engagé une profonde réflexion sur sa manière d'agir : on ne peut que l'en féliciter. On ne pouvait donc que s'y intéresser dans le cadre de ce rapport. Nous avons retenu deux pistes intéressantes de réflexion à ce sujet. La première concerne la formation des magistrats en matière économique qui doit impérativement être renforcée, notamment s'ils ont vocation à connaître du contentieux de la régulation économique, préconisation qu'avait faite l'ancien premier président de la Cour de cassation Guy Canivet dans un rapport paru il y a quelques années. La seconde, qu'observe naturellement dès à présent l'Autorité de la concurrence, concerne le respect du contradictoire qui doit présider à l'ensemble des procédures et contentieux afférents à la matière concurrentielle ; l'Autorité doit notamment veiller à ne pas analyser des problèmes locaux à travers un prisme qui soit seulement national, je pense notamment au rapport rendu sur l'affiliation des magasins indépendants.

Avant de laisser la parole à Jean Gaubert pour l'entendre nous donner les grands enseignements que ce contrôle a pu nous apporter sur les relations entre fournisseurs et distributeurs, je souhaiterais préciser deux points. D'une part, la totalité des personnes que nous avons auditionnées souhaitent, sans exception aucune, ne pas rouvrir le chantier législatif de la LME. Il convient de préserver au mieux la stabilité législative. D'autre part, les acteurs souhaitent également que la notion de « déséquilibre significatif » dont le Conseil constitutionnel a confirmé la conformité à la Constitution le 13 janvier dernier, soit désormais concrétisée : il appartient maintenant au juge de dire, au gré des affaires qu'il devra examiner, quelle en est la signification profonde. Étant là aux portes de la négociabilité, je laisse maintenant la parole à mon co-rapporteur, Jean Gaubert.

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