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Intervention de Jean Proriol

Réunion du 5 avril 2011 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Proriol, rapporteur :

Je ne reviendrai pas sur le diagnostic. Je rappellerai qu'il y a déjà eu dans ce domaine plusieurs rapports intéressants que je vous invite à lire, si ce n'est déjà fait. J'en citerai au moins trois, tout en relevant qu'ils sont globalement convergents. Tout d'abord, celui de Jean-Pierre Hauet, au titre de la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), établit un diagnostic de l'état des réseaux et présente une comparaison européenne fort intéressante. Ce rapport est sorti suite aux tempêtes de 1999 et du 24 février 2009. Le deuxième rapport a été rédigé par Gilles Bellec, ingénieur des Mines, mandaté par le ministère de l'Industrie. Cet ingénieur explique que la moyenne tension, que l'on appelle « HTA », est centrale en matière de qualité, car c'est sur cette portion du réseau que 80 % des coupures sont décomptées. Moins de 10 % de celles-ci sont provoquées par des défaillances sur le réseau en basse tension, la différence étant due au réseau de transport. Sur la moyenne tension, les coupures viennent principalement de sa partie aérienne, encore très importante, puisqu'elle est longue de 360 000 kilomètres. On voit donc bien sur quel segment du réseau nos efforts devront porter.

Le rôle des acteurs est un peu compliqué dans notre système français. Quatre acteurs principaux sont en jeu : la maison mère, EDF, sa filiale détenue à 100 %, ERDF qui est gestionnaire de la distribution, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'autorité de régulation, et les collectivités territoriales, qui ont titre d' « autorités organisatrices de la distribution ».

On constate immédiatement qu'une filiale qui dépend à 100 % d'une maison mère est forcément dans la dépendance, bon gré, mal gré. Cela est évident dans le choix des investissements. Par contre, les autorités concédantes, qu'il s'agisse de syndicats d'électrification ou de collectivités qui sont de grandes communes (par exemple, la Ville de Paris), ont plus de latitudes pour décider de leurs investissements puisqu'elles sont décentralisées, à la différence d'ERDF qui est centralisée au niveau national. Il y a donc deux niveaux d'intervention qui devraient coopérer davantage qu'ils ne le font actuellement. Le rapport Bellec indique que les autorités concédantes sont des acteurs très dynamiques sur le plan financier. Ses auteurs les accusent cependant de privilégier les investissements finançant la descente des 4 fils nus de nos bourgs et de nos villages dans les fourreaux des tranchées – autrement dit de construire des réseaux souterrains, non pas toujours pour des raisons de sécurité mais pour des raisons d'esthétique. Mais l'on ne voit pas pourquoi nos compatriotes ruraux pourraient supporter les toiles d'araignée que sont les fils qui traversent nos places publiques alors que dans le monde urbain, il y a bien longtemps que tout cela a été enterré. On peut se demander si un tel reproche est bon ou mauvais ; toujours est-il que c'est parce qu'on a enterré les réseaux dans nos collectivités que l'on souffre beaucoup moins des coupures sur la basse tension. On ne peut pas nous reprocher de l'avoir fait tout en refusant de reconnaître que l'on y a gagné, y compris en termes de sécurité, même s'il faut parfois freiner le souhait des habitants lorsque le jeu n'en vaut pas la chandelle. Dans ses conclusions, le rapport Bellec préconise, pour sécuriser le réseau de distribution électrique, d'enfouir le réseau en moyenne tension. Actuellement, c'est ERDF, et non les collectivités concédantes, qui est en charge de ce réseau et qui doit pouvoir conduire en ce domaine une stratégie d'investissements à long terme, sans pour autant sacrifier la basse tension à la haute tension.

Il y a quatre segments : la production, le transport, la distribution et la fourniture. Depuis quelques années, on peut s'adresser à ERDF, qui a le monopole de la distribution et qui doit garantir une bonne qualité de service, non seulement pour les clients finaux, mais également pour les fournisseurs, que ce soit EDF ou des sociétés privées.

Enfin, le troisième rapport est celui de la CRE qui constate au cours des dernières années une augmentation de la durée moyenne de coupure, dont les autorités concédantes se sont souvent inquiétées. Elle conclut en disant que les investissements dans les réseaux sont nécessaires et qu'il faut privilégier les réseaux de haute tension, renouveler ou remplacer les réseaux aériens ou à fils nus, tout en résorbant les points noirs qui sont le plus souvent situés au niveau des derniers mètres de réseau aboutissant dans nos hameaux. La CRE préconise donc un dialogue renouvelé entre le gestionnaire des réseaux (ERDF) et les autorités concédantes.

Venons-en à présent à nos propositions.

Nous partons du constat que le « critère B », l'indicateur utilisé pour mesurer le nombre de coupures ne nous paraît pas toujours assez significatif. Il correspond au temps de coupure moyen toutes causes confondues (TCC) : jusqu'à l'an 2000, il a baissé, puis il s'est mis à augmenter et a désormais atteint une certaine stabilité. Nous pensons qu'il faut aussi mesurer la situation des « extrêmes » pour résoudre les problèmes auxquels ils font face : la mesure des disparités géographiques en matière de qualité de l'alimentation en électricité est le parent pauvre de la statistique électrique française ! Nous pourrions nous inspirer, par exemple, de l'ancien « critère G », qui mesurait l'alimentation des usagers les moins bien desservis. Nous proposons un système permettant de mesurer de façon plus précise les écarts moyens là où il y a le plus de difficultés. Un tel indicateur est d'autant plus nécessaire que, désormais, le critère B acquis a une consistance juridique à travers le dispositif de régulation incitative de la qualité instauré par la CRE.

La proposition n° 2 vise à contraindre l'actionnaire EDF à accorder à sa filiale, ERDF, des moyens suffisants pour résorber les inégalités territoriales en matière de qualité de l'électricité. Il n'est pas normal que la trajectoire d'investissements d'ERDF soit systématiquement inférieure à celle du TURPE.

Trois solutions ont été examinées.

La première vise à soumettre le programme d'investissement du gestionnaire du réseau de distribution à l'approbation du régulateur, ce qui revient à étendre le régime en vigueur pour le réseau de transport au cas de la distribution. Cette solution présente un avantage : les investissements réalisés correspondraient effectivement à la trajectoire d'investissements prévue par le TURPE. Les montants consacrés au rétablissement de la qualité ne seraient plus une variable d'ajustement. Elle présente aussi un inconvénient : la mission a estimé que cette solution octroyait à la CRE un pouvoir trop important ; les collectivités territoriales doivent être associées aux décisions en matière d'investissement.

La seconde vise à approfondir le dispositif de « régulation incitative de la qualité » introduit par la CRE dans le TURPE. Cela présente deux inconvénients : d'abord, la CRE se fonde pour l'instant sur le seul « critère B » pour définir les objectifs à atteindre par le gestionnaire du réseau, ce qui n'incite pas celui-ci à améliorer la situation des points extrêmes ; en outre, là encore, cela transfère à la CRE un nouveau pouvoir, sans que les collectivités territoriales puissent être associées à l'élaboration du dispositif.

La mission est donc favorable à une troisième option : le renforcement du « dispositif qualité ». Une telle mesure donnerait aux collectivités territoriales un moyen d'action réel envers le gestionnaire du réseau si celui-ci ne remplissait pas ses obligations en matière de qualité. Cela passe par deux évolutions du cadre réglementaire. D'une part, un rehaussement des seuils fixés par l'arrêté d'application du 18 février 2010 : le dispositif réglementaire ne se contentera pas de garantir un niveau de qualité « plancher », mais contraindra le gestionnaire du réseau de distribution à s'inscrire dans une perspective d'amélioration de la qualité. D'autre part, la publication du décret prévu par le III de l'article 21-1 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, permettant aux collectivités concédantes d'obliger le concessionnaire à remettre entre les mains d'un comptable public une somme qui sera restituée après constat du rétablissement du niveau de qualité.

Les propositions n° 3, 4 et 5 ont pour objet de conforter la place centrale des autorités concédantes dans le service public de la distribution de l'électricité.

La proposition n° 3 vise à achever la départementalisation, processus qui est déjà bien engagé. Le regroupement des collectivités concédantes profite à l'ensemble des parties prenantes car le niveau départemental est plus adapté que la maille concessive lorsqu'il s'agit de gérer le réseau de distribution. Deux moyens doivent être soutenus : le dispositif d'incitations financières mis en place par le FACE pour favoriser le regroupement des autorités concédantes ; la mise en oeuvre des « conférences départementales » introduites par la loi NOME. Celles-ci permettront d'établir un dialogue réel entre les autorités concédantes et le gestionnaire du réseau, sous l'autorité du préfet. Elles devront également faciliter la communication d'informations entre les parties. Les collectivités concédantes manquent encore trop souvent de données sur l'état de leurs concessions.

La proposition n° 4 part du constat selon lequel les collectivités concédantes ne sont pas associées à la discussion tarifaire et à la programmation des investissements. Et on leur reproche ensuite de procéder à des investissements qui n'étaient pas prévus !

C'est pourquoi la mission préconise que le Conseil du FACE élabore un document de portée nationale, nommé « stratégie nationale pour le réseau de distribution », avant que ne soit fixé le TURPE.

Enfin, la proposition n° 5 vise à préserver les moyens financiers dont disposent les collectivités concédantes pour investir. Outre les programmes du FACE, qui se révèlent indispensables au maintien de l'état du réseau basse tension, les taxes locales sur la fourniture d'électricité doivent servir au financement des travaux d'électrification.

Le produit des taxes locales sur l'électricité s'est élevé à 1,7 milliard d'euros en 2009, dont seulement 420 millions d'euros prélevés directement par les syndicats d'électricité. La différence dépend du bon vouloir des communes ou des départements, qui peuvent ou non l'affecter au réseau.

La mission considère donc que, dans un contexte d'augmentation des prix de l'énergie, les contributions acquittées par le consommateur doivent aller aux réseaux. Nous proposons que la moitié, au moins, des taxes locales sur la fourniture d'électricité prélevées par les départements et les communes soit affectée à des travaux d'électrification.

Enfin, la proposition n° 6 soulève le problème de l'endettement du gestionnaire du réseau de distribution.

L'endettement peut constituer une solution intéressante pour financer des investissements de long terme.

Mais EDF refuse qu'ERDF s'endette, car le taux effectif de rémunération des investissements par le TURPE serait inférieur au taux de 7,25 % affiché par la CRE. Par ailleurs, ce taux de 7,25 % ne vaut que pour la période tarifaire courante, rien ne dit qu'il sera maintenu à ce niveau. Or, un plan d'investissements se met en oeuvre sur une durée supérieure à quatre ans.

L'objet de cette proposition est d'attirer l'attention du régulateur sur ces questions. Le tarif doit offrir de la visibilité et de la sécurité aux investisseurs.

L'équilibre historique sur lequel a été construite la distribution publique de l'électricité repose sur le maintien conjoint de la péréquation nationale et du régime des concessions à la française. Les autorités européennes nous ont indiqué qu'il n'était pas menacé, et l'on ne peut que s'en réjouir. La mission souhaite réaffirmer le rôle central des collectivités locales, qui ont reçu, par la loi du 15 juin 1906, toujours en vigueur, la propriété du réseau de distribution. Pour qu'elles continuent d'apporter une contribution importante au réseau, il est essentiel de préserver les ressources dont elles disposent, c'est pourquoi nous sommes attachés au maintien des programmes du FACE.

Cette mission a également mis en valeur la complexité des mécanismes de financement au sein du groupe EDF. Si la gestion du réseau de transport d'électricité ne reçoit aucune critique, les relations financières entre EDF et ERDF sont à clarifier. Il apparaît que la nouvelle direction d'ERDF, qui a accentué le redressement des efforts en faveur du renouvellement du réseau, se heurte à l'insuffisance des moyens dont elle dispose pour investir.

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