Nous avons des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ! Nous nous rendons compte des situations.
Permettez-moi, monsieur le pasteur, de ne pas être d'accord avec vous sur les concepts de « guerre juste » et de « paix juste ». Si un combat était asymétrique, c'était bien celui mené par le gouvernement libyen, qui tirait à l'arme lourde contre sa population, en appuyant ses troupes au sol avec de l'aviation. Il me semble qu'en Libye, nous sommes dans une intervention juste et légitime.
Le rapport à la mort me paraît essentiel dans la vie du soldat. Or la très longue période de paix que nous avons connue depuis la fin de la guerre d'Algérie, en 1962, a déshabitué nos soldats de la mort. Nos interventions réussissaient rapidement au prix de quelques blessés tout au plus. Les morts étaient rares.
Cela dit, qui se préoccupe des 3 000 à 5 000 morts que nous comptons chaque année sur les routes, dont la plupart sont des jeunes ? Inversement, la mort de jeunes au combat ou dans des actions de guerre suscite une émotion très forte. C'est donc le rôle non pas des « padre », mais des politiques et surtout des militaires d'avertir les jeunes, hommes ou femmes, qu'ils vont embrasser un métier qui n'est semblable à nul autre, parce qu'il lui est inhérent de délivrer la mort, de la recevoir ou de faire perdre l'intégrité physique.
Pendant des siècles, le monde de la société civile et celui des armées s'interpénétraient : les grands-pères, pères, oncles avaient été soldats ; il y avait une accoutumance à la violence. Les gens de ma génération ont vu des unijambistes, des mutilés des dernières guerres mondiales. Aujourd'hui les jeunes embrassent la carrière de soldat avec une légèreté dont il faut les dissuader. Moi qui organise des signatures de contrats dans ma mairie, je le leur dis, ainsi qu'à leurs familles. C'est mon devoir.