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Intervention de pasteur Bernard Delannoy

Réunion du 30 mars 2011 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

pasteur Bernard Delannoy :

L'accompagnement pastoral de nos coreligionnaires militaires, notamment en opération, a toujours été une préoccupation majeure du protestantisme. En 1854, les églises protestantes ont réuni 72 000 francs-or pour l'envoi de 10 pasteurs au sein du corps expéditionnaire qui allait conduire la guerre de Crimée et deux aumôniers protestants ont trouvé la mort en 1856 devant Sébastopol. Ce n'est qu'en 1859 que le ministre de la Guerre a décidé que les aumôniers protestants auraient les mêmes droits et prérogatives que leurs homologues catholiques.

Le mandat confié par la Fédération protestante de France aux pasteurs de ce ministère spécialisé est la prolongation du ministère pastoral dans des lieux inaccessibles aux Églises. Il est donc en parfaite adéquation avec la priorité fixée par les armées, l'accompagnement spirituel des forces sur les théâtres d'opérations.

Ma désignation par la Fédération protestante de France auprès du ministre ne s'est effectuée qu'après accord de mes collègues, qui m'ont donc porté à cette position.

Le protestantisme étant divers – mes collègues sont issus d'environ quinze courants protestants différents – il m'appartient de faire respecter l'équilibre au sein de l'aumônerie.

46 % à 48 % des Français ne se déclarent plus comme catholiques romains et les armées reflètent globalement cette sociologie. Le champ de notre mission est donc très vaste.

Sur les théâtres d'opérations, nous sommes souvent sollicités par presque tout le personnel sur de nombreux points, pas toujours d'ordre spirituel mais qui témoignent souvent d'un mal-être de populations fragilisées par leur travail. Du fait de son statut très particulier, c'est souvent vers l'aumônier qu'on se tourne, quelle que soit sa religion, pour évoquer des difficultés liées à la famille, à un divorce, à la mort à donner ou à recevoir mais aussi à d'autres fragilités. Par exemple, en Afrique, un militaire m'a déclaré qu'il avait été envoûté. J'ai été fréquemment réveillé en pleine nuit par des militaires qui voulaient se suicider avec leur arme de service. Les aumôniers évitent ainsi de nombreux suicides.

Ils aident les militaires à mettre des mots sur leurs maux. Ni psychologue, ni assistante sociale, ni père ou mère, ils sont un peu tout cela à la fois. La proximité de leur vie avec celle des militaires leur permet connaître les questions qu'ils se posent.

Il y a dans les armées 28 à 30 aumôniers protestants à plein temps, auxquels il faut ajouter 19 bénévoles, 22 aumôniers de la réserve opérationnelle, 8 civils desservants et un aumônier mis à notre disposition par le ministère de l'Intérieur en application du Concordat. Au total, les aumôniers représentent 34 ETPT.

Ce chiffre est très modeste, des aumôniers devant être présents en permanence sur les cinq théâtres d'opérations. Pour remplir cette mission, il faut 15 aumôniers par an. Or, il est également nécessaire d'accompagner les marins sur les navires ainsi que les gendarmes, qui sont en permanence en « opération intérieure ». Les gendarmes ne sont jamais sûrs de ressortir vivants d'une cave et c'est au quotidien qu'ils ramassent des cadavres sur les routes. La proximité de la mort est aussi difficile à gérer pour eux que pour les autres militaires. Or il n'y a que de deux aumôniers pour la gendarmerie.

Outre l'aide aux personnes, l'aide au commandement fait partie des tâches des aumôniers. C'est grâce à l'aumônerie protestante qu'a été créée l'aumônerie catholique, protestante et musulmane de Côte d'Ivoire. Certains de ces aumôniers sont venus en France. Le chef d'état-major de Côte d'Ivoire étant fils de pasteur, après l'affaire de Bouaké où huit militaires français sont morts, c'est l'aumônerie protestante qui a permis la restauration des liens diplomatiques.

Les aumôniers mènent aussi des recherches théologiques, sur la laïcité dans les armées ou sur l'éthique. Notre faible nombre ne nous permet cependant pas d'avancer aussi rapidement que nous souhaiterions.

Le colloque « Dire la guerre, penser la paix » est en préparation en collaboration avec la faculté de théologie de Strasbourg. En effet, la pensée de la « guerre juste » n'est plus fonctionnelle : les guerres ne sont plus celles d'Augustin ou de Thomas d'Aquin. C'est pourquoi nous devons aujourd'hui nous demander quelle action conduire, non pas pour une « guerre juste », mais pour une « paix juste ».

Les réductions d'effectifs nous imposent des choix difficiles. Je suis ainsi contraint de fermer le poste de Tahiti (il nous est en effet aussi demandé d'être présents auprès des forces prépositionnées et de souveraineté).

Enfin, le fait que la limite d'âge des aumôniers ait été portée à 66 ans (contre de 58 à mes débuts) pose problème. En effet, la population des aumôniers va vieillir, aux dépens de leurs capacités opérationnelles, alors qu'il leur est demandé d'être plus particulièrement présents sur les théâtres d'opérations. Je vais donc devoir casser des contrats et pénaliser des aumôniers qui subiront une réduction de leur pension de 5 % par annuité non effectuée. Les aumôniers ont donc l'impression que la reconnaissance qu'ils sont en droit d'espérer n'est pas toujours au rendez-vous.

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