La prolongation de la garde à vue est un moment clé du déroulement de la garde à vue. C'est en effet à ce stade que se noue le chantage qui consiste à persuader la personne gardée à vue que, si elle parle, si elle dit ce que les policiers ont envie d'entendre, elle sortira, alors que, si elle ne le dit pas, elle restera vingt-quatre heures de plus, voire davantage encore, et que la question d'une éventuelle détention provisoire sera posée. Et cela n'a rien d'une petite affaire, si l'on songe au déroulement des gardes à vue abusives.
C'est souvent à ce moment que s'exerce la pression psychologique, parce que les personnes gardées à vue sont fatiguées et que les enquêteurs le savent. C'est à ce moment-là qu'elles sont tentées de dire n'importe quoi pour éviter de passer une nuit supplémentaire en cellule. C'est donc à ce stade qu'il faut garantir certaines libertés publiques pour éviter ensuite drames et traumatismes.
Puisque l'on construit quelque chose de nouveau, nous pourrions créer d'autres garanties, en confiant cette compétence au juge des libertés. Vous savez comme moi que le juge des libertés n'est jamais bien méchant : dans la procédure judiciaire, il est rare qu'il aille à l'encontre du procureur ou des enquêteurs. Il s'agit simplement d'être cohérent et de garantir un certain nombre de libertés et de droits de la défense.
Beaucoup de nos collègues disent vouloir favoriser le travail des enquêteurs. Or il faut bien voir que le plus terrible, pour eux, c'est qu'on les amène à considérer que la garde à vue est le seul instrument qui leur permette d'obtenir une solution à leurs problèmes. C'est la raison pour laquelle le désespoir les gagne quand, quelques mois après, ils se rendent compte que tout leur travail n'a servi à rien : le parquet transmet le dossier au juge d'instruction, qui défait toute la procédure préalable. De nombreux enquêteurs, parce qu'ils ne comprennent pas ce genre de situation, s'en prennent aux juges d'instruction, considérant qu'ils ne respectent pas les besoins de l'enquête.
Toute la question est de changer la nature du travail des enquêteurs. C'est en dressant certaines barrières que nous y parviendrons. Nous éviterons ainsi ce qui est malheureusement le lot commun de nombreux enquêteurs et d'officiers de police judiciaire : considérer que, par la pression, ils pourront faire craquer les personnes gardées à vue et que, une fois les aveux mis sur le papier, l'affaire sera close pour se rendre compte, quelques mois plus tard, qu'il n'en est rien.
La garantie apportée par la présence de l'avocat et par l'intervention du juge des libertés est une construction nouvelle qui permettrait d'obtenir de meilleurs résultats en matière de sanction.