Cette proposition de loi a le mérite de remettre au coeur du débat la question des perturbateurs endocriniens, qui nous impose de reconsidérer l'approche traditionnelle de la notion de toxicité, fondée sur la prise en considération d'une dose mesurable produisant des effets immédiats. Avec les perturbateurs endocriniens, nous observons en effet que des doses très faibles, voire infinitésimales, peuvent induire des effets très retardés, qui peuvent en outre se cumuler, en un effet « cocktail » de plusieurs substances.
Je regrette donc que seuls les biberons aient été concernés par la loi du 30 juin 2010, la majorité ayant voté contre l'extension de l'interdiction de l'utilisation du bisphénol A à l'ensemble des contenants alimentaires, en particulier à ceux destinés aux femmes enceintes et aux bébés. Ce texte réglerait évidemment le problème… Cela étant, les contenants alimentaires ne représentent qu'une faible part des applications du bisphénol A. Est-il utile d'interdire l'usage de celui-ci dans les pare-chocs des voitures ? La question mérite au moins d'être posée.
En ce qui concerne les phtalates, des mesures d'interdiction ont déjà été prises à l'échelle européenne pour certaines catégories. Se pose aujourd'hui le problème de l'utilisation d'autres catégories, notamment les DEHP, dans les dispositifs médicaux – poches, tubulures. Il semble cependant qu'elles présentent un intérêt particulier pour la conservation. Pour le moment, l'INSERM ne considère donc pas que les risques soient supérieurs aux avantages.
J'observe par ailleurs que certains perturbateurs endocriniens n'appartiennent pas aux catégories de produits visées par le texte.
Certains de nos collègues ont déposé un amendement proposant d'étendre l'interdiction d'utilisation posée par le texte au bisphénol A. Cette interdiction générale me semble inadaptée. Je vous propose plutôt de déposer à nouveau, lors de notre réunion au titre de l'article 88, l'amendement repoussé lors de la discussion de la loi du 30 juin 2010, qui étendait la mesure à l'ensemble des contenants alimentaires. J'attire votre attention sur le fait que l'argument de l'inexistence de substituts pour l'industrie est tombé, puisque Nestlé et Danone assurent désormais que leurs petits pots pour bébés ne contiennent plus de bisphénol A. Peut-être la majorité acceptera-t-elle donc de revoir sa position.
Permettez-moi enfin de vous faire part des résultats d'une étude que présentait hier une équipe du CHU de Montpellier – à laquelle appartient notamment le Professeur Sultan – sur le caractère transgénérationnel des conséquences du distilbène chez l'homme, et non plus seulement chez le rat. Le distilbène est une molécule très proche du bisphénol – il semble même que l'on ait hésité entre les deux pour la prévention des fausses couches. Cette étude met en évidence des troubles neuro-psychiques et des dysgénésies sexuelles 8 à 40 fois plus fréquents que la moyenne chez les petits-enfants des femmes ayant pris du distilbène durant leur grossesse. Nous avons désormais suffisamment d'arguments scientifiques, me semble-t-il, pour mettre un terme à l'exposition à cette substance des femmes enceintes et des jeunes au stade de la puberté. Saisissons donc l'occasion que nous offre ce texte !