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Intervention de Jacques Valax

Réunion du 5 avril 2011 à 21h30
Garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Valax :

Dans ces conditions, je le souligne d'emblée, nous refuserons de voter ce texte non abouti qui manque cruellement de vision générale et ne répond qu'imparfaitement aux attentes des citoyens et des acteurs de la justice.

Tout d'abord, vous avez refusé de nous écouter. Dès février 2010, il y a plus d'un an, le groupe socialiste avait déposé une proposition de loi visant à modifier le régime de la garde à vue. Cette PPL demandait à votre gouvernement de prendre en considération les recommandations européennes. Nous vous rappelions que les incidents se multipliaient, que les tensions étaient vives entre policiers et magistrats, autour de deux lectures différentes de la jurisprudence de la Cour européenne. Vous ne nous avez pas écoutés.

D'ailleurs, à l'époque, le président de la Cour européenne, Jean-Paul Costa, avait déclaré – et je l'avais cité – que les États ne devaient pas attendre que les justiciables déposent des recours à Strasbourg pour réviser leurs droits en matière de garde à vue. Il était donc déjà urgent, voire impératif, de modifier la législation française afin qu'elle se conforme enfin au principe du procès équitable énoncé à l'article 6 de la Convention européenne.

Ensuite, vous persistez à ne pas accepter certains de nos amendements, et c'est regrettable.

Faute d'une véritable réforme du code de procédure pénale intégrant les nouveaux principes du procès équitable ou, à défaut, d'une réforme du statut du parquet qui permettrait de préciser les rôles de chacun – dont le Gouvernement et sa majorité ne veulent a priori pas entendre parler –, il devient nécessaire, lors de cette deuxième lecture, de prendre en considération quelques-unes de nos remarques.

Il est certain – car je veux être positif – que le projet présente, en théorie du moins, de réelles avancées.

La première, chacun d'entre nous le reconnaîtra, concerne la présence de l'avocat. Je sais que cela ne plaît pas à notre collègue Jean-Paul Garraud mais, désormais, l'avocat sera présent à la fois pendant les auditions et durant les confrontations. Il pourra accéder à quelques pièces du dossier qui lui donneront une information sur les faits reprochés à la personne gardée à vue.

De même, vous rétablissez le droit à conserver le silence. Vous affirmez aujourd'hui qu'il s'agit d'un élément essentiel de votre texte, alors que vous disiez à l'époque que cela posait problème. Comme l'indiquait dernièrement le sénateur Alain Anziani, le rétablissement du droit au silence est un hommage rendu au gouvernement Jospin.

Au delà de ces quelques avancées, il est évident que ce texte est loin d'apporter toutes les assurances que nous réclamions.

Le Conseil national des barreaux soutient depuis longtemps, à juste titre, que la réforme du ministère public est inévitable. Les conditions de nomination des membres du parquet doivent être alignées sur celles des magistrats du siège. Dans l'attente de cette réforme, tout le processus de la garde à vue, de la décision qu'il instaure à celle qui la prolonge, en passant par toutes les phases de son déroulement, doit nécessairement être contrôlé par le juge du siège, qui devra nécessairement être saisi sur demande écrite et strictement motivée du procureur de la République.

Enfin, vous refusez, monsieur le garde des sceaux, de reconnaître que les moyens manquent. La mise en oeuvre de cette nouvelle procédure exige à l'évidence plus d'OPJ, plus de procureurs, plus de JLD. Elle ne peut être juste qu'au prix d'une profonde réforme de l'aide juridictionnelle, dont il n'est pas question aujourd'hui, et d'une augmentation appropriée du tarif des honoraires de l'avocat.

Vous avez évoqué 80 millions d'euros de dotations supplémentaires. Or je constate que, dans le projet de loi de finances, seulement 15 millions d'euros sont prévus pour l'instant. J'espère que vous pourrez nous confirmer qu'un collectif budgétaire apportera le solde manquant.

Qui plus est, ce texte ne prend pas en compte les réalités du terrain et les différentes contraintes à venir. L'organisation de la police et de la justice pour les gardes à vue de nuit n'est pas évoquée. De même se pose la question des gardes à vue d'attente, décidées parce que l'officier de police ou de gendarmerie de permanence n'a pas les moyens de traiter les dossiers qui rentrent et que le substitut du procureur de la République doit nécessairement, après une journée de travail, se reposer. C'est la réalité, la vie de tous les jours.

Nous n'avons pas davantage réfléchi à l'organisation des barreaux. Pourront-ils répondre aux demandes d'assistance lors des gardes à vue ? Comment pourront s'organiser les petits barreaux, dont je parlais l'autre jour, s'agissant de la multipostulation ?

Il n'est pas non plus prévu de donner des moyens à la police, qui aura besoin de procéder à plus d'enquêtes pour recueillir davantage de preuves tangibles, car nous passons de la culture de l'aveu à celle de la preuve.

Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas voter ce texte. Il y a aujourd'hui trop d'incertitudes, trop d'hésitations, et les moyens apportés à la réforme sont insuffisants. Ce texte ne répond donc pas à nos préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupeSRC.)

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