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Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 29 mars 2011 à 17h00
Commission des affaires économiques

Pierre Lellouche, secrétaire d'état auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur :

Vos nombreuses interventions sont révélatrices de l'importance que constitue pour notre pays l'enjeu du commerce extérieur. Nous sommes parfois capables de débattre à l'infini de questions secondaires et sans importances, qui finissent par occulter les véritables priorités telles que notre stratégie industrielle et l'avenir de nos emplois. Quoi qu'il en soit, je constate pouvoir compter sur vous pour être les relais efficaces de ces sujets de préoccupation majeurs.

M. François Loos a abordé de nombreux points. Tout d'abord, je suis heureux que l'Alsace se soit mise au guichet unique. À propos de la possibilité d'exporter des services en Chine, je voudrais tout d'abord noter que le marché de l'assurance s'y développe à des taux qui dépassent les 30 % par an et que la présence étrangère se situe aujourd'hui dans ce secteur à moins de 1 %. C'est l'un des enjeux de la négociation à l'OMC, qui concerne aussi le secteur bancaire. L'aide à l'investissement à l'étranger n'est pas vraiment un problème : j'aurais tendance à dire que nous grands groupes y parviennent très bien. Notre action prioritaire consiste plutôt à attirer en France des investissements étrangers, ce à quoi oeuvre l'agence française des investissements internationaux (AFII). 40 % des emplois français à l'export sont en effet apportés par des groupes étrangers. Nous recevions ce matin avec Christine Lagarde des représentants d'entreprises japonaises installées sur notre territoire, qui nous ont tenu un discours très intéressant s'agissant de l'attractivité française : ils n'aiment pas trop les 35 heures et, d'une manière générale, les contraintes en matière de charges mais ce qu'ils apprécient chez nous, c'est la créativité et la capacité de travail de nos concitoyens. Comme quoi, il n'y a pas de fatalité à notre déficit commercial à condition de mieux valoriser nos atouts, ce sont des entreprises très compétitives qui l'affirment ! Je reviendrai plus tard sur la question du vin, également abordée par François Loos ; les terres rares sont incluses dans la négociation commerciale en cours et la question de la banane est derrière nous. Sur le front agricole de Doha, nous ne bougerons plus et la Commission européenne est sur la même ligne.

Nous pourrions consacrer toute une réunion à l'impact des récents événements au Japon sur les contrats nucléaires. J'ai quelques idées sur le sujet, qui concerne du reste tout autant mon collègue chargé de l'industrie mais il est bien tôt pour se prononcer. Je peux néanmoins vous faire part de mon expérience d'étudiant aux États-Unis, à la fin des années 1970, lors de l'accident de Three Mile Island, qui était une fusion du coeur dans la cuve de confinement, c'est-à-dire d'un niveau bien moindre que l'accident de Fukushima : depuis cette date, il n'y a pas eu un seul réacteur nucléaire de construit… Vous parliez d'impact sur la filière, il y en aura un sans contestation possible mais cela ne veut pas dire pour autant que cette filière est condamnée. Un grand travail d'explication est nécessaire, préalable à un choix démocratique portant sur les options énergétiques de la France. Nous devons nous y préparer et nous y travaillons d'ores et déjà. Au passage, la crise nucléaire actuelle renforce plutôt le choix technologique de l'EPR, avec sa double coque et son réceptacle renforcé.

Sur la « guéguerre » entre Airbus et Boeing, le constat est simple : tout le monde a subventionné, tout le monde a été condamné par l'OMC mais il y a un léger décalage dans le temps des procédures et des condamnations. Nous souhaitons simplement, en accord du reste avec la Commission européenne, que nous ne nous infligions pas à nous-même des sanctions qui déséquilibreraient le secteur, pendant la période où les Américains attendent à leur tour d'être condamnés. La négociation euro-américaine sur la politique industrielle en matière aéronautique doit permettre d'éviter ces sempiternels débats sur les subventions, d'autant que nous ne sommes plus seuls au monde : la Chine, le Brésil, le Canada, la Russie s'y mettent aussi et nous ne devons pas l'oublier !

Les relations avec le Mercosur constituent un vrai sujet pour l'agriculture française et il nous faut demeurer très vigilant car les mandats de négociation ont été donnés avant l'explosion de ces pays sur le plan agricole.

M. François Brottes a parlé de relance par la consommation. Il faut garder à l'esprit que dans nos sociétés ouvertes, les mesures d'encouragement à la consommation ne peuvent faire l'objet de discrimination entre les différentes productions. En clair, vous ne pouvez pas empêcher une Mercedes d'être vendue à la place d'une Peugeot ! Un mécanisme de type « prime automobile » ne contribuera donc pas seulement à aider les constructeurs nationaux. De même, je n'ai rien contre la promotion des énergies renouvelables, mais je préférerais qu'on crée la filière industrielle qui va avec ! Mon action n'est donc pas séparable d'une réflexion d'ensemble sur la politique industrielle.

Sur le plan fiscal, les effets de la TVA sociale sont indiscutables à court terme mais neutre à moyen terme. Cela dit, le domaine de la fiscalité dépasse largement le cadre de mes attributions ministérielles. Je ne m'y aventurerai donc pas davantage.

Sur les VIE, je ne demande pas mieux qu'on en multiplie le nombre par dix, comme l'a encore souhaité monsieur François Brottes ; encore faut-il trouver les entreprises qui acceptent de les porter. Or, que constate-t-on aujourd'hui ? Il y a 60 000 demandes en attente et seulement 6 500 postes ouverts à l'étranger.

En réponse à monsieur Jean Dionis du Séjour, j'assume totalement le choix promotionnel de la campagne « So French, so good » : d'abord parce que figure en toutes lettres, en dessous de cet intitulé, la mention « repas gastronomique français » ; ensuite parce que j'ai été frappé du contraste entre une l'autosatisfaction qui s'est manifestée lors de l'annonce du classement par l'Unesco de la cuisine française, et d'autre part la réalité des chiffres, soit la chute d'un tiers en dix ans des parts de marché de notre industrie agroalimentaire. Je suis ravi d'avoir lancé ce débat et que d'autres aujourd'hui s'en emparent car nos filières agroalimentaires ont absolument besoin de s'organiser pour acquérir une visibilité internationale sous l'égide d'un « Pavillon France ». Prenez l'exemple du vin français : vous trouverez dans les salons mondiaux un emplacement consacré aux productions italiennes, un autre aux productions espagnoles, et au milieu de tout cela plusieurs « tribus gauloises » disséminées. Je le répète, il faut réorganiser nos filières en direction de l'export. Il n'y a pas de contradiction à vendre à l'étranger à la fois du Bourgogne et du Bordeaux. Remarquez qu'on retrouve le même problème dans le même ferroviaire : nous avons récemment réussi en Floride à avoir trois sociétés françaises en compétition dans trois consortiums différents… Un pays de 60 millions d'habitants, avec en face de lui des mastodontes d'un milliard de personnes, ne peut se payer le luxe d'afficher de telles divisions ! Pour revenir donc à l'usage d'un slogan anglais, je le revendique dès lors qu'il nous permet d'être compris partout dans le monde et qu'il s'accompagne bien entendu d'une traduction. J'invite aussi la grande distribution française implantée à l'étranger à mettre dans ses rayons des produits français. Ayons tous ce réflexe d'essayer de « vendre français » !

En réaction à l'intervention de monsieur Jean Gaubert, j'ai bien conscience de disposer de très peu de temps devant moi, d'être en quelque sorte en CDD. Mon travail consiste à mettre l'export français sur de bons rails, à mener une mission pédagogique qui, couplée à des dispositifs efficaces, finira par donner des résultats à long terme. Vous m'avez fait le crédit d'un certain volontarisme, j'insiste sur le fait qu'il s'agit de patriotisme économique mais pas de protectionnisme. Je n'y vois du reste aucune contradiction avec notre engagement européen, qui ne pose pas les mêmes dilemmes à nos partenaires.

Monsieur Michel Raison a eu tout fait raison de souligner la lourdeur et la complexité de nos procédures administratives : c'est pour cette raison que je me bats en faveur du guichet unique. Par ailleurs, je redis que le volet agricole de la négociation à l'OMC est derrière nous ; nous attendons aujourd'hui des concessions sur l'industrie et les services. Nous travaillons aussi sur la question du coût du travail dans le domaine agricole, et sur le différentiel de compétitivité entre la France et l'Allemagne. La FNSEA et son président Xavier Beulin se sont également saisis du problème à différents niveaux : les manoeuvres d'appoint, les abattoirs, etc.

En réponse à madame Frédérique Massat, la Cour des comptes tient exactement mon discours s'agissant de la dispersion des efforts et des moyens qui leur sont alloués. Elle fait le constat que le maillage régional est aujourd'hui trop lâche, pas assez proche des entreprises. La loi confiant cette responsabilité aux présidents de région, c'est à eux de réorganiser le niveau local avec les présidents de chambres régionales. À sa question sur l'effort de l'État pour encourager la sous-traitance à l'export, je répondrai par un chiffre : ce sont 20 milliards d'euros qui y ont été consacrés l'an dernier. Il n'est pas question d'exiger des quotas de PME sous-traitantes de la part des grandes entreprises mais de veiller, au cas par cas, à l'environnement économiques des entreprises qui sollicitent des aides. Il faut toujours un juste équilibre entre la persuasion et le degré d'incitation. Quoi qu'il en soit, je ne veux plus aller inaugurer des projets en partie financés par le contribuable et où il n'y a que la maîtrise d'oeuvre qui soit française. Je renvoie, à titre d'exemple, à la stratégie des entreprises japonaises ou allemandes qui intègrent des éléments clés dans la chaîne de production, en particulier les machines.

Monsieur Jean-Pierre Nicolas m'a interrogé sur le financement bancaire. Nous avons jusqu'à présent travaillé sur les dispositifs publics (Oséo, Coface, Ubifrance), il faut désormais nous occuper du financement par les organismes privés, dans une logique de réciprocité.

Je félicite monsieur Jean-Louis Gagnaire de son état d'esprit, « pas naïf et combatif ». S'agissant du qualificatif d'armée mexicaine, je ne le reprends pas à mon compte mais il n'est pas totalement dénué de fondements. Sur les représentations à l'étranger, l'État ne demande pas mieux que de s'entendre avec les régions, en particulier avec Rhône-Alpes. Mutualisons nos efforts sans oublier qu'in fine c'est le contribuable français qui les paye.

Monsieur Francis Saint-Léger a évoqué l'organisation des filières : j'ai déjà abordé le sujet mais j'en profite pour insister sur le fait qu'on ne pourra pas réformer l'export sans politique industrielle et sans volonté au sein des filières. Cessons de créer des sous-filières, des sous-spécialités qui atténuent notre force de frappe !

Le récit que nous a fait monsieur William Dumas de cette usine délocalisée après avoir été démantelée n'est malheureusement pas un cas isolé. Il faut considérer l'outil industriel comme la propriété des Français et tout faire pour empêcher sa dispersion. En revanche, vous m'avez parlé d'une marque « Sud de la France » pour le vin du Languedoc, j'ai envie de vous répondre : « Et pourquoi pas une marque France, tout simplement ? ». Je peux vous assurer que le consommateur chinois ne connaît qu'un seul drapeau, celui de la France, et qu'il n'en distinguera le cas échéant que les très grands crus, qui n'ont pas besoin de nous pour assurer leur promotion, comme l'industrie du luxe du reste. Attardons-nous un moment sur cet exemple intéressant : l'industrie du luxe fait vivre effectivement de nombreux sous-traitants français, avec des salariés payés convenablement ; elle a su se réinventer à partir d'un continuum de valeurs, en mettant en avant le savoir-faire français. C'est de cela que nous devons nous inspirer !

En réponse à madame Annick Le Loch qui m'interrogeait sur l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne, j'ai eu une longue conversation avec l'ancien chancelier Schroeder d'où il ressort que son pays a su faire dix ans avant nous les réformes nécessaires, avec un gouvernement de gauche. À la même époque, nous faisions les 35 heures… Nous pourrions discuter à l'infini des avantages comparés de nos deux systèmes économiques mais je vous invite quand vous voulez à venir avec moi constater à l'étranger le déploiement de l'appareil productif allemand, c'est fort instructif et nous devons avoir pour objectif de nous hisser au même niveau.

J'ai déjà répondu à monsieur Jean-René Marsac sur l'implication du système bancaire dans le financement des PME. S'agissant de l'accord entre Ubifrance et Atedef, à propos duquel Pascale Got m'a interrogé, notre objectif consiste à mieux faire connaître l'expertise et le savoir-faire français à l'étranger, dans les pays émergents. Derrière l'expertise en matière d'État de droit, il y a des opportunités à saisir pour les entreprises françaises. Les marchés d'ingénierie sont absolument stratégiques, qu'il s'agisse de l'informatique, des réseaux d'eau et d'électricité, de l'éclairage public ou encore du modèle du partenariat public-privé. Je sais que le modèle des PPP a été critiqué en France mais quand d'autres pays s'y mettent afin de financer leurs équipements collectifs à moindres frais pour le contribuable, nous devons exporter notre expérience en matière de services, dont l'industrie pourra aussi bénéficier.

Enfin, je me garderai bien de répondre à la question de monsieur Daniel Fasquelle sur le tourisme, secteur qui n'est pas dans mes attributions et qui relève de M. Frédéric Lefebvre.

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