Il est hors de question que la proposition de loi soit à l'origine d'une régression sociale. D'ailleurs, elle ne remet en cause ni le SMIC, ni le niveau de protection sociale.
Nous considérons, quant à nous, monsieur le ministre, que notre texte est compatible avec le droit européen. Tout d'abord, elle reprend les exonérations du 9 mars 2010. Alors de deux choses l'une : ou bien elles sont eurocompatibles, et nos arguments étant les mêmes, ils sont tout aussi valables ; ou bien elles ne le sont pas. Mais, quoi qu'il en soit, vous ne maintiendrez pas les exonérations sur les saisonniers si vous ne les élargissez pas, ne serait-ce que parce que, sinon, il y aura un transfert massif des permanents vers les saisonniers qui sera source de précarité. Bruxelles aura alors beau jeu de nous rendre responsables de la précarisation du statut des ouvriers agricoles.
La protection sociale est ensuite, en l'absence d'harmonisation, de la compétence des États membres. La Cour de justice l'a confirmé en 2005. Si le dispositif est qualifié d'aide d'État, Charles de Courson et moi estimons qu'il est eurocompatible, comme le sont les 11 milliards d'aides distribués à d'autres secteurs de l'économie. Si le ministre prenait la responsabilité de signaler ce mécanisme comme aide d'État, il serait facile de défendre le dossier car c'est la France qui est victime d'une distorsion de concurrence. Je vois mal la Commission nous refuser cette aide quand les Espagnols ont des cotisations agricoles spécifiques et que les Allemands font des contrats de prestations de service. Je persiste donc, notre proposition de loi est eurocompatible.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que l'extension des exonérations aux permanents créerait de l'inquiétude parmi les agriculteurs. Au contraire ! Ils l'attendent.
Quant à la « taxe poissons », le Gouvernement a défendu devant le Parlement qu'elle était eurocompatible, alors que Charles de Courson, en particulier, affirmait le contraire. D'après les analyses fouillées auxquelles nous avons procédé, elle l'est bel et bien parce qu'elle n'est pas une TVA bis, du fait qu'elle n'est pas prélevée à chaque étape du circuit de distribution. On peut discuter sur le terrain politique, mais pas sur le plan juridique.
Pour limiter l'impact sur les consommateurs, nous avons choisi une assiette très large et un taux très faible. Bien malin celui qui saurait exactement comment la taxe serait répercutée. La grande distribution nous a déclaré qu'elle ventilerait entre producteurs, consommateurs et marges. En tout état de cause, le moment n'est-il pas enfin venu de cesser d'arbitrer toujours en faveur des consommateurs, et jamais des producteurs ?
Pour en venir à la protection sociale, son financement est assuré chez nous à hauteur de 72 % par les cotisations sur le travail et de 28 % par l'impôt. Des pays comme l'Allemagne ou le Danemark prouvent que l'on peut faire des choix très différents. Et un rééquilibrage est à mon avis inéluctable.
Je remercie Bernard Reynès de ses propos qui montrent que le diagnostic fait l'unanimité sur cette question hypersensible et qu'il faut agir. Si les agriculteurs demandent des aides en trésorerie, ils réclament surtout à cor et à cris de pouvoir se battre à armes égales. Je suis d'accord pour travailler avec Bernard Reynès et M. le ministre d'ici au 14 avril, mais qu'ils sachent que je ne soutiendrai pas un texte qui tiendrait sur un timbre-poste. Comme il faut un geste significatif en faveur de la compétitivité des agriculteurs français, nous devons au moins nous entendre sur une ligne politique. Enfin, notre initiative contribue à donner de l'élan au mouvement lancé par Bernard Reynès et vous-même, monsieur le ministre, et qu'il faut amplifier. J'appelle donc mes collègues à voter, pour vous aider et envoyer un signal déterminé car il s'agit d'un enjeu crucial pour nos agriculteurs.