Monsieur le député, M. le garde des sceaux, qui n'a pu se rendre disponible, m'a prié de l'excuser auprès de vous et de répondre en son nom à votre question.
La motivation des arrêts d'assises fait l'objet de débats de longue date. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Cour de cassation a jugé, le 5 octobre 2009, que l'absence de motivation des arrêts d'assises ne constitue pas un vice de procédure. La Cour de cassation estime en effet que l'ensemble des réponses que les magistrats et jurés donnent, en leur âme et conscience, aux questions qui leur sont posées, tient lieu de motifs aux arrêts de la cour d'assises statuant sur l'action publique.
Dès lors que sont assurés l'information préalable sur les charges fondant l'accusation, le libre exercice des droits de la défense et la garantie de l'impartialité des juges, les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme relatives au droit à un procès équitable sont satisfaites. Cette interprétation est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui n'a jamais condamné le système français de la cour d'assises.
Dans un arrêt « Taxquet contre Belgique » du 13 janvier 2009, la Cour européenne a certes jugé que l'absence de motivation d'un arrêt rendu par une cour d'assises belge constituait une violation du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Cependant, cette affaire a fait l'objet d'un nouvel examen par la Grande chambre de la Cour le 21 octobre 2009 ; et le 16 novembre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu son arrêt et condamné la Belgique.
La Cour de Strasbourg a cependant affirmé que la Convention n'impose pas que les jurés donnent les raisons de leur décision. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne s'oppose pas à ce qu'un accusé soit jugé par un jury populaire, même dans le cas où son verdict n'est pas motivé, dès lors qu'il bénéficie de garanties procédurales lui permettant de comprendre le verdict qui a été rendu. Cet arrêt n'a donc pas pour effet de remettre en cause le système français de la cour d'assises.
Le Conseil constitutionnel a, quant à lui, été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'absence de motivation des arrêts d'assises. Cette affaire a été examinée le 15 mars par le Conseil constitutionnel, qui a mis sa décision en délibéré au 1er avril.
Lors de l'audience devant le Conseil constitutionnel, le Gouvernement a fait valoir que le mode spécifique de motivation des arrêts d'assises sous forme de réponses à des questions n'est contraire ni à la Constitution ni aux grands principes issus du droit européen, en raison des nombreuses garanties qui entourent la procédure criminelle, à savoir l'instruction obligatoire de l'affaire, le résumé des éléments à charge et à décharge dans l'ordonnance de mise en accusation lue à l'audience, la possibilité de récuser les jurés, l'oralité des débats et la possibilité d'interjeter appel. L'addition de ces garanties permet à l'accusé de comprendre les raisons qui ont conduit à sa condamnation.
Au vu de ces éléments et sous réserve de la décision à venir du Conseil constitutionnel, une adaptation de notre procédure pourrait certes être envisagée, mais aucune norme interne ou supranationale n'impose de modifier le dispositif actuel. Considérant que l'initiative prise par le président de la cour d'assises du Pas-de-Calais était contraire à l'état du droit, le procureur général près la cour d'appel de Douai a interjeté appel de l'arrêt d'acquittement, une juridiction ne pouvant ainsi créer de nouvelles règles de procédure pénale sans enfreindre le principe de l'égalité entre les citoyens et surtout ignorer la règle de séparation des pouvoirs.