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Intervention de Jean-Louis Schilansky

Réunion du 23 mars 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières :

L'UFIP regroupe l'ensemble des sociétés qui opèrent en France dans les domaines de l'exploration et de la production de pétrole et de gaz, du raffinage et de la distribution. Outre Total, qui est la société la plus importante dans notre pays, elle a pour adhérents les filiales de groupes internationaux comme Esso, BP, Shell, des raffineurs indépendants comme INEOS, Petroplus et LyondellBasell, ainsi que les sociétés qui opèrent en France et produisent du pétrole brut et du gaz.

Je vous proposerai, en introduction de cette audition, une description du contexte actuel.

Le pétrole représente 36 % des sources d'énergie primaire en France, soit une proportion à peu près équivalente à la moyenne mondiale. La particularité de la France est que le nucléaire y représente 38 % de l'énergie primaire, contre 5 % dans le monde. Autre grande différence, la part du charbon n'est que de 4 % en France contre 28 % dans le monde.

L'approvisionnement de notre pays en pétrole brut est très diversifié, se répartissant de façon assez équilibrée entre le Moyen-Orient, l'Afrique, les pays de l'ex-CEI et la mer du Nord. Au sein des 32 % que représente l'Afrique, la production Libyenne s'élève à 15 % ; c'est notre deuxième source d'approvisionnement, juste derrière la Russie et devant la Norvège et l'Arabie Saoudite.

Au niveau mondial, l'évolution de la demande pétrolière est en étroite corrélation avec la croissance économique. En 2008 et en 2009, on a assisté pour la première fois à une chute de la demande mondiale ; celle-ci a connu ensuite une reprise dans le courant de l'année 2010. Dans le même temps, la capacité de production a continué d'augmenter, ce qui a provoqué les mouvements de prix que l'on sait : une flambée du baril en 2008 – le prix a atteint environ 150 dollars durant l'été –, due, d'une part, au resserrement de l'écart entre la capacité de production et la demande et, d'autre part, à la perception par les marchés d'un risque important pour l'approvisionnement de la planète en pétrole, puis une chute tout aussi vertigineuse au moment de la crise, le prix du baril descendant à environ 40 dollars. Depuis le début de 2009, le pétrole brut n'a cessé de monter, passant de 40 dollars le baril à 95 dollars à la fin de 2010 sous l'effet de la reprise économique mondiale. Cette hausse s'est accélérée ces derniers mois, les événements d'Afrique du Nord portant le prix du baril à son cours actuel de 115 dollars.

Le renforcement de l'euro par rapport au dollar a joué le rôle d'amortisseur de cette hausse. L'euro, qui était proche de la parité avec le dollar il y a dix ans, vaut aujourd'hui près de 1,42 dollar, si bien que nous n'avons pas subi autant que les États-Unis les effets de l'augmentation des prix pétroliers.

Il existe trois niveaux de marchés pétroliers.

Le premier, le marché du pétrole brut, est un marché mondial dont les trois places principales sont New York, Londres et Dubaï. Il est largement régulé par le cartel de l'OPEP qui, moyennant la mise sur le marché de quantités déterminées, obtient à peu près les prix qu'il souhaite. Bien que l'OPEP représente un tiers environ des capacités mondiales de production, c'est la seule entité qui dispose d'une flexibilité – tous les autres pays sont au maximum de leur production – et peut exercer une régulation, pour des raisons tant économiques que politiques, en augmentant ou en diminuant la quantité de pétrole produit. Il faut également savoir que les compagnies internationales, dont on parle beaucoup, ne représentent que 12 % des quantités produites. Ce sont majoritairement les pays ou les sociétés nationales de production qui alimentent le marché : Saudi Aramco est de très loin la plus grosse compagnie pétrolière au monde.

Le deuxième marché, celui des produits raffinés, est un marché régional. Le principal marché européen est celui de Rotterdam. New York et Singapour sont les deux autres grandes places. Le marché étant totalement libre, sans aucune régulation, les revenus des raffineurs dépendent de l'écart entre le prix du pétrole brut et le prix qu'ils obtiennent pour les produits raffinés.

Le troisième marché est celui de la distribution, que connaissent tous les consommateurs.

J'insiste sur le fait que les opérateurs intervenant sur ces trois marchés ne sont pas nécessairement les mêmes. Certains sont présents à tous les niveaux mais de nombreux autres n'exercent que dans un seul ces segments.

J'en viens à la consommation en France depuis 1973. Dans les années 1980, la chute considérable de la demande de produits pétroliers a correspondu à l'accroissement des capacités nucléaires et à la fin de la production d'électricité à partir de fioul lourd. La consommation est passée de plus de 100 millions de tonnes dans les années 1970 à 75 millions en 1985. On a constaté une certaine reprise au cours des années suivantes. Mais, en définitive, le niveau de consommation en 2010 est comparable à celui de 1980. En d'autres termes, la consommation française de produits pétroliers n'a pas augmenté depuis plus de 30 ans. La croissance économique que nous avons connue dans cette période est déconnectée de la demande pétrolière. Ce mouvement se perpétue aujourd'hui. Entre 2009 et 2010, cette demande a baissé de 1,7 %.

La consommation de gazole représente aujourd'hui plus de 40 % de la consommation française et elle continue d'augmenter – + 2,1 % entre 2009 et 2010 –, du fait de la diésélisation du parc automobile – 75 % des voitures neuves immatriculées en France sont des diesels – et de l'importance des transports routiers. En revanche, d'autres produits sont en décroissance : ainsi, la consommation d'essence sans plomb 95 a baissé de 6,2 % entre 2009 et 2010, par exemple. Ce déséquilibre de la demande nous conduit à importer du gazole – 16,7 millions de tonnes en 2010, essentiellement en provenance de Russie – et à exporter l'essence que nos raffineries produisent en excédent – 4,6 millions de tonnes, notamment vers les États-Unis.

Nous avons analysé la composition du prix de différents produits pétroliers au moment du dernier pic de prix, le 11 mars dernier. Celui de l'essence sans plomb 95 – 1,51 euro le litre à la pompe – se répartit en 51 centimes correspondant au prix du pétrole brut, 3 centimes de marge brute de raffinage, 11 centimes de marge de distribution, 61 centimes de taxe intérieure sur les produits pétroliers – TIPP – et de 25 centimes de TVA sur le prix du produit hors taxes et sur la TIPP. Les taxes représentent donc 57 % du prix du produit. L'écart de prix entre le gazole et le sans plomb à la pompe tient essentiellement à la différence de TIPP, la structure étant par ailleurs comparable.

Par ailleurs, plusieurs facteurs ont provoqué l'augmentation des prix au 1er janvier 2011 indépendamment du prix du brut : l'extension aux carburants du système des certificats d'économie d'énergie, pour 1 centime d'euro par litre environ ; l'effet biocarburants, pour à peu près 1,5 centime, en raison notamment du renchérissement du coût de la matière première ; enfin, l'augmentation de la part régionale de la TIPP dans certaines régions...

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