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Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 24 mars 2011 à 15h00
Débat sur la question climatique

Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

…alors même que l'on sait que la rigidité du marché du logement est un des problèmes qui pèsent, par ailleurs, sur l'emploi en France. Mais cela sera vraisemblablement nécessaire pour aller plus loin dans la grande transformation qui est en cours.

Un mot aussi sur le levier de la consommation. Il peut accélérer la mutation de notre économie, mais aussi redonner de la compétitivité au « made in France ». J'ai la conviction que le fait d'actionner ce levier, ce qui revient en fait à encourager la relocalisation des produits et à utiliser des circuits courts, est aussi un moyen de redonner du lustre à la production nationale et de réorienter vers elle – donc vers l'emploi en France – un certain nombre de nos consommations.

Je voudrais parler des actions menées dans le transport, l'industrie ou l'agriculture, qui poursuivent les mêmes objectifs. Je confirme ici à Didier Gonzales, qui l'évoquait tout à l'heure, que nous explorons tous les gisements de réduction des émissions. J'aurais souhaité développer ce point, mais compte tenu de la teneur des interventions, il vaut mieux que je me concentre maintenant sur les négociations internationales.

Les derniers accords en date sont ceux de la conférence de Cancún. Celle-ci a d'ailleurs été importante en elle-même car le simple fait d'avoir un accord a permis de restaurer la confiance nécessaire à la coopération internationale qui – disons-le – était entamée après la réunion de Copenhague.

Cancún a donc été un succès, mais bien évidemment beaucoup reste à faire. Cancún est non pas la fin de l'histoire des négociations climatiques, mais seulement une étape utile.

Le plus important – le plus difficile aussi – sera sans doute de rapprocher les besoins globaux, tels que les définissent les scientifiques, et les actions menées au niveau national et local, qui, pour l'heure, sont très nettement insuffisantes. J'ai bien noté, à ce propos, la citation que faisait Yves Cochet tout à l'heure de la dernière interview de Nicholas Stern, qui se fait l'écho d'une dure réalité : celle de l'urgence qu'il y a à agir.

Pour renforcer le niveau d'ambition collectif, nous pourrons nous appuyer sur la décision prise à Cancún de fixer une date pour le pic des émissions, à laquelle s'ajoute un objectif global de réduction des émissions pour 2050. Ce dernier point est important : on se donne une cible tout en décrivant le chemin pour y arriver.

Nous pourrons valoriser les positions de l'Europe, qui est en pointe sur cette question, et aussi montrer l'exemple, avec l'élaboration d'une feuille de route à cette échéance. Bertrand Pancher le disait : nous devons être le moteur de l'Union européenne. La France se veut à la pointe de cette négociation et du dispositif engagé, aussi bien par ses actions que par les objectifs ambitieux qu'elle porte.

Au niveau européen, on l'a dit, le débat portera essentiellement sur le relèvement de l'objectif de réduction d'émissions européen, aujourd'hui fixé à 20 %. La France y prendra sa part. Renforcer l'objectif de réduction des émissions à court terme permettrait d'acquérir un avantage compétitif évident : ce serait prendre de l'avance dans l'entreprise de transformation profonde de notre économie.

Par ailleurs, comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, si nous repoussions à l'après-2020 une trop grande partie de l'effort, l'objectif d'une réduction des émissions de 80 % à 95 % en 2050 en deviendrait plus coûteux. Pour autant, nous devons nous mettre d'accord sur la bonne manière d'augmenter cet objectif pour 2025 et de le faire passer de 20 % à 25 % ou 30 %. Sur ce sujet, les effets d'annonce sont contre-productifs.

Si l'Union européenne choisit d'aller plus vite que ses partenaires vers l'objectif commun, elle devra se prémunir contre les risques de fuites de carbone qui se feraient au détriment de ses objectifs environnementaux. Nous devons travailler sur la façon dont cet objectif pourrait être poursuivi selon les secteurs d'activité. Ce travail est engagé ; la France se veut porteuse de propositions au niveau européen.

Nous continuons par ailleurs – et je fais ici écho à une remarque de Geneviève Gaillard – à soutenir le principe d'une contribution carbone européenne qui permettra de donner un prix au carbone. Nous avons demandé à la Commission de présenter sans attendre son nouveau projet de directive sur la taxation de l'énergie. La majorité a suffisamment montré, même si elle prêchait parfois dans le désert, combien elle était motivée par cet objectif. S'il n'a pas été encore possible de l'atteindre au niveau national, nous continuons à le porter, y compris au niveau européen.

Un deuxième grand chantier a été évoqué, celui des financements innovants. À Copenhague et à Cancùn, nous avons promis 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 pour l'atténuation et l'adaptation des pays en développement. La France a fait de la mise en place de ces financements une des priorités de sa présidence du G20, et le Président de la République a confié une mission à Bill Gates sur les financements du développement.

Des financements innovants existent déjà, notamment dans le domaine des transports, avec l'expérience, sur une base volontaire, d'UNITAID, mais ces financements ne sont pas à la hauteur des besoins. Nous avons d'ores et déjà identifié plusieurs pistes à explorer et nous comptons avancer durant l'année 2011 sur ce dossier.

Des débats sont en cours au sein des organisations mondiales compétentes que sont l'Organisation maritime internationale et l'Organisation de l'aviation civile internationale, pour la mise en place de permis d'émission sur le transport aérien et maritime et d'un prélèvement sur ce permis d'émission qui permettrait d'abonder le Fonds vert. Christine Lagarde et moi-même avons saisi les responsables de ces organisations pour qu'ils aillent de l'avant, en lien avec les travaux du G20. Les émissions de ces secteurs ont été laissées à l'écart par le protocole de Kyoto. Il y a là une occasion à saisir de les ramener dans le champ des négociations tout en levant des fonds pour pouvoir financer nos engagements et atteindre nos objectifs en matière de réduction des émissions.

La diminution des subventions aux énergies fossiles, nécessaire pour rendre compétitives les énergies renouvelables, pourrait également permettre de financer des actions en faveur du climat. C'est une des pistes que nous explorons.

Des facilités d'assurance contre le risque climatique pourraient également être mises en place. C'est une piste moins « grand public », un peu plus complexe. Elles permettraient de faire face aux événements climatiques extrêmes dont les travaux scientifiques montrent que la fréquence va augmenter en lien avec le changement climatique.

D'autres idées existent, comme une fiscalité adaptée sur la forêt, sans préjudice évidemment de la taxe sur les transactions financières, portée par le Président de la République et qui est peut-être aujourd'hui la plus avancée, même si les oppositions sont nombreuses au niveau international. Je ne détaillerai pas toutes les propositions, vous connaissez le projet d'utilisation des recettes des enchères carbones ou, dans une tout autre direction, le projet d'une taxe sur le tabac.

De mon point de vue, toutes ces pistes doivent être poussées, d'une part, parce que nous aurons probablement besoin de plusieurs d'entre elles – il sera difficile de trouver 100 milliards de dollars à horizon 2020 avec une seule ressource –, d'autre part, parce que c'est en jouant de l'un contre l'autre et en poussant tout de concert qu'on a les meilleures chances d'arriver in fine à un résultat.

Un mot sur le partenariat REDD + pour répondre à Philippe Plisson même s'il n'est plus là pour l'entendre.

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