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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 24 mars 2011 à 15h00
Débat sur la question climatique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Dans ce débat, il a souvent été question d'orientations générales. Or il ne faut pas oublier qu'il y a un enjeu très important devant nous : je veux parler de la mise en place de la troisième phase du marché européen de quotas d'émissions. Je m'en tiendrai donc, quant à moi, aux interrogations soulevées à cet égard, tant dans notre pays que sur le plan européen.

Évacuons d'emblée le problème de la pertinence de ce dispositif. Certes, il a été décidé à une époque où la crise financière ne s'était pas encore produite et que les questions relatives aux mécanismes spéculatifs n'étaient pas encore posées. Y a-t-il de la bonne et de la mauvaise spéculation ? Est-on capable de distinguer l'une de l'autre ? Il peut y avoir un paradoxe à créer un marché sur les quotas d'émissions – certes avec un objectif vertueux – tout en s'interrogeant sur la régulation des marchés des matières premières, qui ont par ailleurs dérapé.

Quoi qu'il en soit, nous sommes engagés dans ce processus, qui n'est d'ailleurs pas exclusif d'autres dispositifs – je pense notamment à la mise en place d'une taxe carbone, au niveau national comme au niveau européen.

Madame la ministre, d'ici à 2013, la France sera confrontée à une difficulté : elle n'a pas suffisamment de quotas d'émissions. Peut-être a-t-elle sous-évalué ses besoins ou a-t-elle été trop généreuse dans l'allocation des quotas ? Aujourd'hui, en tout cas, elle doit racheter des quotas. Une telle opération coûtera cher. Le Sénat avait étudié une solution que le Gouvernement avait laissé passer, mais sans se faire trop d'illusions : elle consistait à anticiper la mise aux enchères d'une partie des quotas. C'était évidemment en contradiction avec les engagements que nous avons pris ; la Commission n'aurait donc sans doute pas approuvé ce choix et, du reste, le Conseil d'État a annulé cette disposition.

La question est donc de savoir comment le Gouvernement va faire face à cette situation. J'aimerais, madame la ministre, que vous nous donniez des précisions. J'ai cru comprendre que cela portait sur 400 millions d'euros, ce qui n'est pas totalement anecdotique, surtout dans la situation de nos finances publiques. Avez-vous des pistes ?

Le second point que je souhaite aborder est de nature européenne. Il s'agit du bon fonctionnement de ce marché. Là aussi, il y a un certain nombre d'interrogations : le rapport de M. Gonnot, rendu au nom de la mission d'information présidée par Philippe Martin, s'était fait l'écho des sérieux dysfonctionnements. D'abord, ce fut une fraude à la TVA, qui portait sur des sommes importantes – plusieurs milliards d'euros. Il y en a eu ensuite d'autres plus subtiles : si j'ai bien compris, on a vendu des quotas d'émissions qui n'auraient pas dû se trouver sur le marché. Ces derniers jours encore, deux places ont interrompu les cotations et suspendu les transactions sur les quotas d'émissions.

Il y a donc de réels dysfonctionnements. D'où ces questions au Gouvernement : quelles informations celui-ci peut-il nous donner sur la manière dont la sécurisation va se faire pour les opérateurs ? Quelles sont les propositions de la France dans ce domaine ?

Une piste, évoquée notamment par le rapport Charpin, consisterait à centraliser l'organisation des enchères. Aujourd'hui, il y a sept places sur lesquelles il est possible d'échanger des quotas d'émissions. Où en est cette idée ? Une telle centralisation permettrait sans aucun doute d'améliorer la transparence et le contrôle.

En tout état de cause il est clair que si l'Europe ne surmonte pas ces difficultés récurrentes, elle aura du mal à faire face en 2013 à la mise en place définitive du mécanisme. Il faut donc impérativement que des décisions soient prises. Là encore, j'aimerais que le Gouvernement nous donne des précisions.

Au départ, les pays européens n'étaient pas très favorables à un dispositif de ce type : ils étaient plutôt enclins à défendre une taxation du carbone. C'est au fil des négociations, avec les États-Unis notamment, que l'Europe s'est décidée à le mettre en place. Le paradoxe est que les États-Unis se sont retirés de la négociation et que l'Europe se retrouve avec ce système, et tenue de le mettre en place ! Reste qu'il est permis de s'interroger. Les doutes doivent être levés car ce dispositif se traduirait par une extrême volatilité des prix, qui ne serait pas tenable, au premier chef pour les opérateurs du marché. Il faut donc que celui-ci soi régulé, faute de quoi je crains qu'il n'atteigne pas les objectifs que nous lui avons assignés.

Telles sont les questions que je voulais vous poser à l'occasion de ce débat. Le sujet que j'ai abordé n'est pas très présent dans le débat public et dans l'actualité, mais le problème va désormais se poser très rapidement pour l'Europe et le Gouvernement français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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