Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Cochet

Réunion du 24 mars 2011 à 15h00
Débat sur la question climatique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

C'est un exercice de réflexion auquel je vous engage, madame la ministre, chers collègues.

En gros, cette convention climatique existe depuis 1992. Le sommet prévu l'an prochain sera en fait un « Rio plus 20 ». Par ailleurs, le protocole de Kyoto continuera-t-il d'exister au-delà de 2012 ? Apparemment, vous y travaillez, madame la ministre, mais certains sont plus réticents, parce qu'ils savent ce qu'est la contrainte internationale : certains pays sont fiers et disent qu'ils n'ont pas besoin de tribunaux environnementaux pour leur dire ce qu'ils doivent faire. Ils assurent que s'ils s'engagent, ils tiendront leur parole, mais ils ne veulent pas être surveillés de l'extérieur.

Finalement, le protocole de Kyoto, la convention climatique, Cancùn et tout le reste, cela consiste à s'adresser à des milliards d'émetteurs de gaz à effet de serre – en gros, à tous les habitants du monde qui, bon an mal an, qu'ils le veuillent ou non, émettent des gaz à effet de serre : il n'est qu'à penser au milliard de voitures qui roulent sur le globe ou aux centrales au fioul. Tout le monde brûle, d'une manière ou d'une autre, des combustibles fossiles. Ce sont donc des milliards de gens qu'il faut convaincre, par des politiques publiques, mais aussi par des incitations individuelles, de baisser leurs émissions et notamment de brûler moins de combustibles fossiles.

Il pourrait y avoir une autre manière de faire : cela consisterait à renverser la perspective en s'adressant seulement à une centaine de personnes, ce qui pourrait avoir le même effet. Plutôt que de s'adresser au consommateur, c'est-à-dire à l'aval, pourquoi ne pas s'adresser à l'amont du carbone, c'est-à-dire aux producteurs de combustibles fossiles. Entre les pays de l'OPEP et les vendeurs de gaz et de charbon, ils ne sont guère qu'une centaine,peut-être 150 ou 200, mais pas plus. Il faudrait tenter de les convaincre qu'ils pourraient vendre et exporter raisonnablement du gaz, du charbon et du pétrole – qui est l'énergie fossile la plus utilisée –, mais dans le cadre onusien.

Mme Ostrom, prix Nobel d'économie, qui s'occupe des biens publics mondiaux, a écrit un très beau livre traduit récemment en français. Elle se demande pourquoi, s'agissant du pétrole, voire de tout le sous-sol – car la déplétion ne concerne pas uniquement les fossiles, mais aussi les minerais, les minéraux et les métaux –, on ne pourrait pas mettre en place un protocole amont, et non plus un protocole aval comme celui de Kyoto, obligeant les producteurs à une certaine mesure, à une relative sobriété d'extraction, de production, de vente et de diffusion. Ce serait peut-être aussi efficace : cela s'adresserait à beaucoup moins de monde, s de personnes, mais il s'agit de personnages puissants. Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite, par exemple », pourrait s'étonner que vous lui demandiez que son pétrole devienne un bien public mondial géré par l'ONU ! (Sourires.) Mais pourquoi pas ?

J'ai déjà fait la publicité d'un livre dans la première partie de mon exposé ; j'en ai publié un autre voilà six ans, où je parle du protocole de déplétion, qui place en amont les fossiles et en aval les gaz à effet de serre. Après tout, l'atmosphère peut être considérée comme un bien public mondial géré par l'ONU ; pourquoi donc le pétrole et tous les combustibles fossiles, ne seraient-ils pas des biens publics mondiaux gérés par l'ONU ? Pour commencer, cela permettrait à tous les pays d'avoir un peu de pétrole, car à voir la façon dont les cours augmentent et le prix qu'atteint le baril à New York, on peut se demander comment un villageois du Burkina fera fonctionner le dispensaire avec un générateur diesel lorsque le gazole coûtera deux ou trois euros le litre ! Il y a là un réel problème humanitaire. Pourquoi ne pas renverser la perspective, en s'adressant plutôt aux producteurs qu'aux consommateurs que nous sommes tous ? Et pourquoi ne pas confier la gestion de l'énergie à l'ONU ? Peut-être pourriez-vous réfléchir à ces hypothèses, madame la ministre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion