Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur la question climatique qu'a demandé le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et auquel je me réjouis de participer, est loin d'être insignifiant : en ce domaine, nos efforts sont certes importants, mais ils doivent en permanence être mis sous tension, car c'est d'eux que dépend la prise en compte de la réalité climatique et énergétique tant nationale qu'internationale.
La crise environnementale n'est qu'une facette d'un développement effréné, sans règles. Nos concitoyens commencent à se rendre compte que ce mode de développement est condamné et que, si nous restons inactifs, nous irons dans le mur. À très court terme, si nous ne faisons pas tout pour l'endiguer, l'inexorable réchauffement climatique entraînera d'immenses désastres.
Au président Roosevelt, qui lui demandait ce qu'il pensait de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill répondit : « Absurde ! » Il voulait dire qu'elle aurait pu être évitée sans difficulté à de nombreuses reprises, mais que la communauté internationale avait préféré fuir ses responsabilités et fermer les yeux.
Les récentes catastrophes climatiques – de la tempête Xynthia, qui a frappé chez nous, aux sécheresses et inondations qui ont sévi dans le monde en 2010 – nous ont rappelé à quel point il était urgent d'agir. Les drames humanitaires, dus aux colères de la Terre que nous avons provoquées, ne cesseront de se multiplier tant que nous ne nous donnerons pas les moyens de les éviter, car ils peuvent l'être en grande partie. Cela relève de notre seule responsabilité.
Notre planète a toujours connu des catastrophes naturelles, mais les phénomènes auxquels nous sommes confrontés sont nouveaux. Les conséquences de ces catastrophes sont de plus en plus dramatiques, en raison de l'accroissement de la population, de sa concentration dans les zones urbaines et des activités humaines poussées à outrance qui n'ont pas tenu compte des conséquences qu'elles peuvent avoir sur l'environnement. Aujourd'hui, nous le savons, la modification globale du climat engendre une augmentation du rythme des catastrophes climatiques. Comment ne pas être frappé par les analyses de plus en plus sombres sur les conséquences de la fonte de la banquise ou par certaines études récentes qui prévoient, pour la fin du siècle, une augmentation du niveau de l'océan entre 80 centimètres et 2 mètres ?
Les instruments économiques qui doivent être mobilisés pour lutter contre le changement climatique et limiter ses conséquences sur nos sociétés sont plus que jamais au coeur de nos réflexions et de nos actions. Cependant, ils ne nous dispenseront pas d'engager une réflexion plus large sur le type de développement que nous voulons substituer à cette croissance aveugle et sans limites. Il faudra que nos concitoyens intègrent ce changement de modèle de société et que l'ensemble des acteurs approfondissent les conditions matérielles de sa réussite.
Sans attendre, nos politiques économiques de lutte contre le changement climatique se concentrent sur deux types d'actions : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation de nos sociétés au changement climatique. S'il n'est pas possible d'éviter le changement climatique qui se produira au cours des deux ou trois prochaines décennies, il est en revanche possible de ne pas contribuer à un emballement non maîtrisé du climat et d'éviter la catastrophe. Il est également nécessaire et essentiel d'adopter au plus vite des mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de renforcer nos facultés d'adaptation, en minimisant leurs coûts. La France l'a parfaitement compris et s'y engage pleinement. Notre pays, qui avait pris beaucoup de retard sur le plan environnemental ces dernières décennies, est désormais à la tête du peloton des nations développées, contribue à entraîner l'Europe et à faire du continent européen le moteur d'une nouvelle régulation mondiale. L'espoir est dorénavant dans notre camp et je voudrais remercier l'ensemble de nos collègues, notamment ceux de l'opposition, qui ne se sont pas trompés en votant la loi Grenelle 1.
Selon les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, pour limiter la hausse des températures moyennes de la planète à moins de deux degrés par rapport aux niveaux de l'ère préindustrielle, il faudrait que les émissions des pays industrialisés diminuent de 20 à 40 % d'ici à 2020, et de 80 à 95 % d'ici à 2050.
Est-ce possible ? Oui, si nous changeons radicalement nos modes de consommation, si nous privilégions la qualité de vie à la quantité de biens de consommation, si nous sommes attentifs au respect des ressources et matières premières, notamment énergétiques, et si nous poursuivons notre développement en nous fondant sur des objectifs partagés, au service de l'épanouissement de tous les êtres humains. Aujourd'hui, ces questions environnementales provoquent une remise en question de notre modèle économique dans sa totalité, ainsi que de notre pensée.
Les objectifs de réduction des émissions des pays industrialisés pour 2020 sont inscrits dans la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, signée à Cancùn, et un dispositif d'enregistrement et de vérification des actions des pays en développement a été mis en place. Je souligne à cet égard l'action menée par notre ministre, notamment à Cancùn. L'objectif de limiter à long terme l'augmentation de la température globale à deux degrés est également inscrit dans cette convention Climat.
La nécessité, fixée par l'accord de Copenhague, d'atteindre au plus vite le pic des émissions est reprise par le texte.
Le fonds vert pour le climat, qui a pour objet de soutenir les projets, les programmes et les politiques des pays en développement, a été créé, ainsi que les organes de sa gouvernance.
Un comité pour l'adaptation aux effets du changement climatique a été institué pour guider les actions des pays en développement.
Enfin, un mécanisme de lutte contre la déforestation a été créé.
Ces résultats permettent d'envisager avec confiance qu'un accord visant à ouvrir une deuxième période du protocole de Kyoto soit conclu lors de la conférence de Durban en 2011.
Cette conférence conforte l'engagement et la détermination de la France, qui entend faire de sa politique climatique et de sa participation à la négociation climatique mondiale l'une de ses priorités stratégiques. Je rappelle combien la politique de notre pays en la matière est essentielle. Nous devons devenir le moteur de l'Europe en matière environnementale et climatique, et l'Europe, géant économique, doit pouvoir réguler le monde dans ce domaine. Encore faut-il que les Européens et les Français en aient conscience et que nous continuions à agir avant qu'il ne soit trop tard.
La France respectera les engagements financiers pris à Copenhague : 412 millions d'euros par an au titre du programme de financements précoces, avec des versements qui s'échelonneront jusqu'en 2012.
L'image vertueuse de notre pays en termes d'émissions de gaz à effet de serre est largement reconnue au plan international. Mme la ministre l'a souligné il y a quelques instants.
Dans le domaine des transports, premier secteur en termes d'émission de CO2, le parc automobile de la France est l'un des plus sobres d'Europe. La mise en place du bonus-malus automobile a permis de réduire les émissions des véhicules neufs de 149 à 130 grammes par kilomètre entre 2007 et 2011. Ainsi, la moyenne des émissions des véhicules neufs vendus en France en 2009 est la plus faible d'Europe.
Le Grenelle de l'environnement a également décidé d'un plan d'investissement très ambitieux en faveur des modes de transports propres, qu'aucun maire de grande ville, qu'il soit de gauche ou de droite, ne saurait renier.
Dans le domaine du bâtiment, qui se caractérise par le deuxième plus mauvais bilan carbonique, la nouvelle réglementation thermique élaborée pour le neuf permettra une division par trois des consommations par rapport aux normes actuelles. Dans l'existant, le Grenelle prévoyait un vaste chantier de rénovation qu'il faudra suivre de façon attentive ; ce sujet est complexe et nécessitera peut-être d'autres outils incitatifs. Je ne doute pas, chers collègues, que nous saurons ensemble les forger.
Qui peut donc douter, dans ces conditions, que nous atteindrons les objectifs que nous nous sommes fixés à Kyoto ?
J'ai bien à l'esprit le débat qui anime actuellement la Commission européenne et que relaient un certain nombre de ministres en charge de l'environnement. Certains, et je m'en félicite, réclament une diminution de 30 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020. Il convient d'élever le niveau de nos ambitions, mais en tenant compte des efforts déjà réalisés.
Il est sans doute légitime de mesurer l'impact de cet objectif de 30 % sur la compétitivité de notre industrie, car tout cela est évidemment important. Cela suppose également d'obtenir des engagements comparables des autres pays grands émetteurs de gaz à effet de serre. Nous vous soutiendrons, madame la ministre, sur cette ligne.
Dans le domaine de l'énergie, nous ne pourrons pas faire l'économie d'un grand débat national, qui devrait, à mon sens, être confié à un organisme indépendant, la commission nationale du débat public. Qui parmi nos concitoyens a conscience des enjeux ainsi que des contraintes futures ? Qui mesure réellement l'ampleur de la métamorphose actuelle de notre société ? Comment faire, enfin, de la crise que nous vivons une réelle opportunité ? En chinois, le mot « crise » est la juxtaposition de deux autres mots : « danger » et « opportunité ». Le danger est de ne rien faire ou de croire que le destin nous entraîne vers un avenir irrémédiablement sombre. L'opportunité consiste à anticiper le danger et à construire un futur différent, auquel nous ne pensions pas mais qui, finalement, se révélera salvateur.
Nous ne disposons pas encore de toutes les clefs pour ouvrir les portes de ce nouveau monde. Certaines sont encore fermées par des combinaisons difficiles à décoder. Cependant, des idées s'imposent, qui, il y a quelques années, auraient fait passer ceux qui s'en revendiquaient pour de doux illuminés : nouvelle gouvernance mondiale, règles environnementales aux frontières, instance mondiale de l'environnement contrepoids à l'OMC, Europe plus politique, responsabilité sociale et environnementale des entreprises, commerce équitable, financement du développement et de l'adaptation des pays pauvres par une taxe mondiale, diminution de la consommation énergétique, taxation des poids lourds, 10 % de réserves dans les océans, objectifs partagés entre chasseurs, agriculteurs et ONG, nouvelle démocratie, développement plus équilibré. Aujourd'hui, grâce notamment aux efforts de la France, qui oserait nous accuser de rêver ?
Mes chers collègues, notre pays, à travers son histoire, a su prouver à maintes reprises sa capacité à mesurer les enjeux auxquels il était confronté et à prendre les décisions qui s'imposaient. Le monde de demain est-il plus incertain qu'entre 1914 et 1917 ou entre 1940 et 1943 ? Je ne le pense pas. L'enjeu climatique est indéniablement l'un des principaux enjeux de ce XXIe siècle naissant Nous avons pris acte de cette menace de bouleversement et agi non seulement pour les Français mais pour les populations du monde entier, en montrant le chemin à suivre.
Dans une société aussi internationale et globalisée que celle dans laquelle nous vivons, il est essentiel de préserver notre planète : c'est elle qui, grâce à sa composition intrinsèque, ses mécanismes naturels et sa biodiversité, nous permet de vivre.
L'être humain dispose d'une des plus belles richesses qui existe : sa conscience. Le réchauffement climatique est aujourd'hui entré dans nos consciences. J'ai confiance dans notre capacité de réflexion et d'action, sur le climat comme, d'ailleurs, dans tous les autres domaines liés aux autres risques environnementaux, économiques et sanitaires. Il suffit que nous nous en donnions progressivement les moyens, et que nous partagions ces moyens. Entre une croissance effrénée sans règles et une décroissance sans horizon, nous continuerons à nous donner les moyens de trouver l'équilibre nécessaire pour un développement économique au service de tous les hommes et la préservation notre environnement. Tout simplement parce que nous n'avons plus le choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)