Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christophe Bouillon

Réunion du 24 mars 2011 à 15h00
Proposition de résolution sur le climat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'augmentation moyenne des températures est aujourd'hui un fait. Personne ne le conteste sérieusement. Le climat se dérègle, les multiples événements climatiques extrêmes de ces dernières années nous le prouvent. Nous savons que nous devons chacun, à notre niveau, agir au plus vite. Sans grossir le trait, nous pouvons même parler d'une véritable urgence climatique.

La France, à l'instar d'autres pays européens, s'est notamment engagée à réduire ses émissions d'au moins 20 % à l'horizon 2020. Alors que le Grenelle de l'environnement annonçait, en 2007, des lendemains prometteurs en termes de réalisation des engagements pris par la France sur la scène européenne et internationale pour lutter contre le changement climatique, force est de constater que le Gouvernement a, depuis, revu sa copie. Comme beaucoup nous y avions cru, et nous sommes aujourd'hui déçus. D'évidence, le Gouvernement ne soutient plus la transition énergétique devant permettre une division par quatre des émissions françaises d'ici à 2050. Les données portées à notre connaissance suggèrent même que celles-ci suivent malheureusement une tendance à la hausse car, en l'état actuel, elles sont nécessaires à la satisfaction des besoins français.

Je voudrais évoquer la situation du secteur du bâtiment. Nous savons qu'il est le plus gros consommateur d'énergie de notre pays : il représente 43 % de la consommation d'énergie totale finale et 123 millions de tonnes de CO2 par an, c'est-à-dire 25 % des émissions nationales.

Le Grenelle 1 fixait un objectif très ambitieux : la réduction de 38 % des consommations énergétiques du parc d'ici à 2020. Les outils et les moyens déployés ne sont malheureusement pas à la hauteur de l'enjeu. Preuve en est le constat du Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique : les émissions du secteur résidentiel et tertiaire sont en hausse. Elles ont augmenté de 10 % entre 1990 et 2008. Il est en de même de la consommation d'énergie du secteur. Si la politique gouvernementale de réduction du bilan carbone des bâtiments n'est pas suffisamment volontaire, il est à craindre que les objectifs globaux du Grenelle ne soient pas atteints.

Certes, la généralisation des bâtiments neufs à basse consommation semble sur la bonne voie, bien que les retards s'accumulent. Ainsi, le démarrage de la réglementation thermique – RT 2012 – pour les bâtiments publics et pour les bâtiments tertiaires ne sera effectif qu'à l'automne 2011, et principalement pour les zones ANRU. Il faudra attendre 2013 pour que les bâtiments à usage d'habitation principale soient concernés. Pourquoi ne pas appliquer dès 2012 à l'ensemble des bâtiments cette nouvelle réglementation thermique ? Nous savons que, dans ce domaine, les collectivités territoriales ont un rôle capital à jouer. Le rapport Jarlier rappelait, par exemple, que les bâtiments communaux représentent les trois quarts de la consommation d'énergie des communes. Il y a donc là un formidable gisement d'économies. La question qui se pose alors est de savoir comment financer ces travaux. Je rappelle à cet égard le refus de la majorité d'adopter l'amendement du groupe socialiste au projet de loi Grenelle 2, qui visait à étendre le bénéfice des éco-prêts à taux zéro aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale. Il faut reconnaître que l'exigence de performance énergétique globale de 50 kilowattheures par mètre carré et par an pour le logement collectif constitue une avancée. Néanmoins, pourquoi attendre 2015 ?

Un autre enjeu doit être souligné : celui de la rénovation thermique des bâtiments existants. C'est la clé d'une réduction significative des consommations et des émissions. Il existe en France aujourd'hui trente-deux millions de logements. C'est là que doit porter l'essentiel des efforts. Les engagements du Grenelle ont d'ailleurs acté « un chantier de rénovation énergétique radical des bâtiments existants ». Cela s'est traduit, dans l'article 5 de la loi Grenelle 1, par un objectif de réduction des consommations d'énergie d'au moins 38 % d'ici à 2020 avec, en conséquence, une rénovation complète, financée par l'État, d'au moins 400 000 logements chaque année à compter de 2013. Or, en 2010, seuls 150 000 logements ont été concernés. Et rien n'indique que l'on fera mieux en 2011. Les outils actuellement mis en place poussent à faire de la rénovation à des seuils insuffisamment ambitieux, ignorant de fait d'énormes gisements d'économies d'énergie, impossibles à récupérer une fois les travaux effectués.

Au lieu de mettre en oeuvre un prêt à taux zéro universel, il aurait été beaucoup plus pertinent de prévoir un crédit d'impôt visant à faire baisser le coût des nouvelles technologies dans le domaine de l'efficacité énergétique, complémentaire à un éco-PTZ efficace.

Par ailleurs, j'insiste sur le fait qu'il aurait été intéressant de revoir le prêt de la Caisse des dépôts et consignations pour les travaux de rénovation énergétique, notamment en direction des logements sociaux. Il y a 4,5 millions de logements sociaux aujourd'hui. Or, on ne compte que 115 000 rénovations entreprises à ce jour. Comment dès lors atteindre les objectifs sans donner un véritable coup d'accélérateur dans ce domaine ?

Enfin, le Grenelle de l'environnement concluait qu'il fallait lancer un plan de recrutement, de formation et de qualification des professionnels du bâtiment, plan intégrant la performance énergétique, la réduction des gaz à effet de serre, l'adaptation climatique et la qualité sanitaire intérieure. Malheureusement, l'article 6 de la loi Grenelle 1 a rapidement calmé cet enthousiasme : il est seulement question d'incitation et non pas d'obligation. Cela est de mauvais augure au vu de la crise économique. Je rappelle que la filière du bâtiment représente 4 millions d'emplois en France et que l'on estime le potentiel de création d'emplois à 20 000 dans le cadre de la rénovation.

Avant de conclure, un mot sur la question de la précarité énergétique qui doit, elle aussi, être au coeur de nos préoccupations : 13 % des ménages sont concernés, soit 3,4 millions de foyers. Agir sur les bâtiments est non seulement bon pour réduire les émissions et les consommations, mais aussi bon pour le pouvoir d'achat. Or nous sommes dans l'attente d'un véritable plan national contre la précarité énergétique.

Le secteur du bâtiment offre de belles perspectives de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, mais il faut avoir une volonté forte dans ce domaine. Agir dans le secteur du bâtiment, c'est aussi le moyen de développer les énergies renouvelables, notamment le solaire et la biomasse. Mais les reculades de ces derniers mois en matière d'énergie solaire ont cassé l'élan.

Madame la ministre, un collègue l'a rappelé : un président a dit un jour que la maison brûle et que nous regardons ailleurs ; aujourd'hui, la maison est toujours mal isolée, elle brûle toujours trop d'énergie : il ne faut pas perdre de temps et regarder la réalité en face. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion