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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 24 mars 2011 à 15h00
Proposition de résolution sur le climat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Un jour, il faudra bien régler le passif.

En laissant toujours plus le soin de régler l'enjeu climatique au seul marché et aux principaux agents économiques et financiers – dont nous ne connaissons que trop bien l'éthique –, sur la base de leur responsabilité en matière d'intérêt général climatique, nous avons le plus sûr moyen de nous écarter des objectifs de réduction prônés par le GIEC.

Il ne faut d'ailleurs pas être grand clerc pour faire le constat des renoncements majeurs qui se sont concrétisés à Copenhague comme à Cancùn. Et la conférence de Durban fin 2011 poursuivra sans nul doute sur le même chemin du renoncement. « Si le climat était une banque, vous l'auriez déjà sauvé », lançait Hugo Chavez à Copenhague. Cruelle lucidité !

Pourtant, madame la ministre, c'est sur ce chemin du renoncement, de l'inefficacité climatique et de l'irresponsabilité environnementale que se complaît malheureusement notre pays.

Ainsi, en janvier dernier, lors de votre audition devant la commission du développement durable, qui portait précisément sur les suites du sommet de Cancùn et la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, vous aviez fait l'éloge des avancées de ce sommet.

La première de ces avancées, c'était, je vous cite, « la confiance retrouvée dans un système de négociation onusien ébranlé par la conférence de Copenhague ». Alors que la maison ne cesse de brûler, vous conviendrez que cet acte de foi ne pèse pas lourd en termes de réduction d'émissions !

La seconde avancée tout aussi majeure pour répondre à l'urgence climatique, c'est la création d'un Fonds vert pour les pays du Sud afin de financer les mesures d'adaptation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un fonds vert qui devait s'élever, je vous cite à nouveau, « à 100 milliards de dollars annuels attendus à l'horizon 2020 dont l'essentiel devra provenir de financements innovants ». Et vous ajoutiez : « La période d'engagement du protocole de Kyoto s'achève fin 2012. Si aucune suite ne lui est donnée d'ici là, nous n'aurons plus d'instrument contraignant. La disparition des plafonds risque de conduire à un effondrement du marché du carbone, sur lequel nous misons pour le financement. Bref, sans contrainte, il n'y a plus de marché carbone, et sans marché du carbone, il n'y a plus de moyens ni de possibilité d'associer les pays du Sud ; c'est l'ensemble d'un système, certes imparfait, mais qui a le mérite d'exister, qui s'effondre. »

En écoutant ces propos, cette fois clairvoyants, de Mme la ministre, vous conviendrez, chers collègues, que la réussite de ce fonds virtuel est plus qu'hasardeuse.

Venons-en aux grandes avancées nationales contenues dans les deux lois Grenelle.

À plusieurs reprises, vous avez souhaité, madame la ministre, remettre à la commission du développement durable un point précis sur les avancées en termes de traduction réglementaire. La majorité des décrets sont-ils aujourd'hui publiés ?

Mais surtout – j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler – les engagements du Grenelle sont devenus de plus en plus malléables au fil du temps, alors même que les moyens alloués par l'État pour les atteindre se réduisent comme peau de chagrin.

Ainsi, quand je vous ai interrogée, en janvier, sur la baisse induite par la RGPP du nombre des emplois publics pour contrôler le respect des engagements ou pour permettre aux communes de vérifier sur le terrain la réalité des informations sur la rénovation énergétique des bâtiments, vous m'avez répondu que vous étiez « au travail » sur ces questions. Où en êtes-vous de cette tâche colossale ?

Nous le voyons, le principe général de soumission de la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre au seul marché montre aujourd'hui toutes ses contradictions, au niveau international comme à l'échelle nationale. Non seulement nous nous éloignons des objectifs impératifs fixés par le GIEC, mais toutes les dérives sont également encouragées : détournement des marchés carbone, délocalisation des émissions européennes dans les pays du Sud avant réimportation des productions, démantèlement des outils indispensables que sont les services publics comme le fret SNCF, fuite en avant sur la production d'agrocarburants, perte de capacités en matière de recherche publique.

Si je me réjouis, naturellement, de l'interpellation du Gouvernement, par la présente résolution, sur ses engagements non tenus, je crois qu'au-delà ce sont les principes mêmes, le socle idéologique qui sous-tend toutes les mesures du Grenelle de l'environnement qu'il faut réinterroger.

Le fossé entre les effets d'annonce et les résultats concrets, les aberrations visibles entre les objectifs et les politiques publiques sont autant d'éléments qui doivent nous convaincre de la nécessité d'une tout autre politique environnementale. Assez de communication flatteuse et sans effet !

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