Il est relativement facile de porter à 20 % la part des zones sous juridiction française classées en aires marines protégées : il suffit d'en créer deux nouvelles dans le Pacifique. En métropole, ce taux est déjà de 11 %, et les 20 % seront atteints dès que le sanctuaire Pelagos sera également reconnu comme aire maritime protégée. Cela étant, nous n'aurons pas réglé pour autant le problème des espaces situés au large et non couverts par le réseau Natura 2000, ni celui de la création des parcs marins, qui permettent une gestion et une protection plus globales de l'espace. Bref, le problème n'est pas la quantité, mais la qualité des aires. L'objectif de 20 % donne une idée de nos ambitions ; le classement des Marquises et de la mer de Corail suffirait pour l'atteindre, mais cela ne serait certainement pas satisfaisant.
En ce qui concerne l'application de Natura 2000 en mer, nous n'en sommes qu'au début, et il reste à définir précisément les objectifs de protection. Qu'il s'agisse de construction d'éoliennes, d'extraction de granulats ou de clapage, le classement en zone Natura 2000 implique certes d'évaluer les incidences de ces projets mais, dans la mesure où sont concernées des espèces déjà protégées par le droit français, de telles évaluations seraient de toute façon obligatoires. Le fait d'être en mer, un milieu où l'on ne voit rien, ne change rien à l'affaire ! De même, à terre, des bestioles figurant sur la liste des espèces protégées ont parfois coûté très cher à des promoteurs autoroutiers…
J'en viens à la relation entre terre et mer. Par définition, une aire marine protégée ne préserve pas la mer des pollutions terrestres, sauf s'il s'agit d'un parc marin : le conseil de gestion est alors amené à se prononcer sur toute activité soumise à autorisation et pouvant avoir un effet notable sur le milieu marin. Cela explique pourquoi la demande d'extension récemment déposée par un élevage porcin situé sur le bord de la mer d'Iroise, et qui requiert un avis conforme en raison de la taille de l'exploitation, devrait prochainement être soumise au conseil de gestion du parc. L'instruction est en cours, mais l'affaire a déjà entraîné une polémique, certains jugeant inconcevable que les responsables d'un parc marin puissent donner leur avis sur ce qui se passe dans les bassins versants. Or cela n'a justement rien d'inconcevable. Et nous aurons accompli un grand progrès le jour où les intérêts marins seront également défendus lors de débats concernant des activités terrestres.
Dans cette affaire d'élevage porcin, on notera que les objectifs du parc marin sont tout simplement ceux du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, même si le dossier est défendu en l'espèce par le conseil de gestion du parc, et non par la commission locale de l'eau.
Enfin, il est vrai que la constitution d'aires protégées en haute mer pose un problème juridique. Mais à la limite, les problèmes commencent dès qu'on met les pieds dans l'eau au-delà de la laisse de basse mer. Même dans la mer territoriale, on ne peut pas tout faire : c'est parce que la France ne pouvait pas réglementer la circulation maritime dans les bouches de Bonifacio qu'elle a décidé de créer une « zone maritime particulièrement vulnérable ». De même, dans certaines zones de droits historiques, la politique commune des pêches s'applique également en deçà de la limite des 12 milles.
En mer, les législations et les approches sont interdépendantes. Dans la mesure où la Convention des Nations unies sur le droit de la mer prévoit une obligation de protection, y compris en haute mer, des pays sont en droit de délimiter des aires marines protégées : c'est ce qui a été fait dans le cadre des conventions OSPAR et de Barcelone. Mais pour réglementer, il est nécessaire d'obtenir l'accord de l'Organisation maritime internationale ou des organisations régionales de pêche. La chose est donc complexe, mais pas infaisable. Le problème vient plutôt d'un défaut d'organisation que d'un manque de textes juridiques.