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Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 16 mars 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Bignon, député, président de l'Agence des aires marines protégées :

Nos ambitions et les engagements que nous avons pris nous obligent en effet à disposer de moyens considérables. À terme, pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés, l'Agence des aires marines protégées devrait employer 400 personnes, sachant que chaque parc marin nécessite environ 25 agents. Dans le domaine maritime, l'action particulièrement dynamique de l'État se heurte aux principes de la Révision générale des politiques publiques. Toutefois, l'Agence échappe à celle-ci dans la mesure où elle est en phase d'expansion, tandis que tous les autres établissements publics subissent plutôt une réduction. Certes, cette expansion n'est pas aussi forte que l'on voudrait, mais nous avons tout de même obtenu 45 équivalents temps plein supplémentaires.

La contrainte nous oblige toutefois à réfléchir différemment. On peut imaginer un système dans lequel les services de l'État mutualiseraient davantage leurs moyens et se répartiraient mieux les tâches concernant le littoral, la mer territoriale, la zone économique exclusive, etc. Même si une telle évolution se heurte à des habitudes ou à ce que les psychologues appellent des pulsions de territoire et si la contrainte est par conséquent insuffisamment desserrée, nous n'avons pas abandonné l'objectif de créer dix parcs marins – et ce en vrai, pas seulement sur le papier !

Madame Gaillard, de telles initiatives ne se cantonnent pas aux débats d'experts. La création d'un parc marin est une démarche typique de développement durable, dans la mesure où elle s'inscrit dans le temps et implique la concertation des acteurs. Elle requiert une analyse des enjeux, ce qui impose de mettre autour de la table tous les gens concernés. Ainsi, dans le cas du parc des Trois estuaires, la première réunion de grande concertation a réuni 250 personnes, et tous les enjeux étaient représentés, depuis la protection écologique jusqu'à l'activité économique – y compris le clapage ou l'énergie éolienne. Une vraie percolation s'est produite à cette occasion.

Certes, tout cela n'est pas suffisant. Mais l'appropriation des enjeux par la population prend beaucoup de temps – même si le Grenelle de la mer a été l'occasion de progrès fantastiques.

Rome ne s'est pas faite en un jour. L'image que les Français ont du Conservatoire du littoral, installé depuis vingt-cinq ans dans notre paysage politico-administratif, n'est pas la même que celle de l'Agence des aires marines protégées, dont l'existence est beaucoup plus récente. Toutefois, nous essayons d'avoir une vraie politique de communication, en nous appuyant sur des personnes compétentes comme Catherine Chabot, devenue journaliste après avoir été navigatrice, et qui siège à notre conseil d'administration. Nous avons aussi traduit en shimaoré l'ensemble de la discussion relative au parc marin de Mayotte, afin que les habitants du plus petit village du lagon puissent se sentir concernés. Si nous ne l'avions pas fait, il eût été difficile de parler de concertation alors que 90 % des Mahorais ne parlent pas le français. De même, nous avons eu recours à la diffusion de messages télévisés. Je ne prétends pas que tout le monde maîtrise désormais les enjeux, mais cette appropriation par la population, nous avons essayé de l'obtenir, ce qui implique un travail considérable.

Monsieur Lesterlin, il est certain qu'à Mayotte, la terre représente un problème essentiel. Dans cette île de 375 kilomètres carrés, où vivent au moins 200 000 habitants, il n'existe qu'une seule station d'épuration. Le coût de développement du réseau d'assainissement a été estimé à un milliard d'euros ; 100 millions ont été débloqués pour une première tranche. La mangrove pourrait d'ailleurs jouer un rôle biologique intéressant en matière d'épuration, comparable au lagunage en Europe. Des études sont en cours sur ce sujet.

Après s'être fait attribuer la vasière des Badamiers, à Petite Terre, le Conservatoire du littoral a effectivement construit un chemin d'accès à cette mangrove. Mais le débat sur les mérites respectifs du bois et du béton a bien eu lieu avant de faire le choix de ce dernier. En réalité, le bois imputrescible n'existe pas. Immergé, le bois reste intact, mais dès lors qu'il est à la fois en contact avec l'eau et avec l'air, il finit toujours par pourrir. En outre, il a besoin d'un entretien. Enfin, à Mayotte, où le combustible est rare, du bois laissé à portée des habitants finit rapidement en bûchettes destinées à la cuisine ! Pour toutes ces raisons, l'emploi du béton, matière techniquement inerte, a paru préférable. Comme tout parti technique, celui-ci peut être discuté, mais de trop longs débats seraient vains.

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