À travers les réponses aux questions qui ont été posées, c'est la totalité de la politique maritime que l'on peut passer en revue. Cela illustre bien le fait que parler de la mer implique nécessairement d'évoquer une politique intégrée, prenant en compte et mettant en cohérence la totalité des facteurs, et établissant des liaisons fonctionnelles entre les différentes approches sectorielles.
La France s'enorgueillit à juste titre de l'étendue de son espace maritime, le deuxième du monde, que le programme Extraplac tend encore à agrandir – même si l'extension du plateau continental ne donne pas les mêmes droits qu'une zone économique exclusive. Mais tout cela ne sert à rien si nous ne sommes pas capables de protéger ces espaces, de les mettre économiquement en valeur et, d'abord, d'assurer une recherche efficace.
Pour la surveillance des zones économiques, la France s'est dotée, depuis le comité interministériel de la mer du 9 décembre 2009, d'une nouvelle organisation, la Fonction garde-côtes. Celle-ci ne consiste pas, comme on le dit souvent, à assurer une meilleure coordination et une meilleure mutualisation des moyens entre les différentes administrations qui interviennent en mer. Il s'agit de bien autre chose : à partir du constat selon lequel nous avons une politique maritime permettant de déterminer les priorités de l'action de l'État en mer, l'objectif est de regarder comment, de façon globale et non par administration, la totalité des moyens d'action de l'État peut être mise au service de ces priorités. Cela peut par exemple se traduire par un dialogue entre les administrations qui possèdent des moyens d'agir en mer et celles qui, tel le ministère de l'agriculture et de la pêche, ont des responsabilités, mais pas de moyens. C'est au sein du comité directeur de la Fonction garde-côtes que sont examinés les besoins de ces administrations et que sont recherchés les moyens d'y répondre.
Autre exemple : une réflexion est en cours, associant l'Agence des aires marines protégées et quatre ou cinq autres administrations, sur la manière de protéger le parc naturel de Mayotte et des Glorieuses. Dans la mesure où cette étendue considérable, située au nord du Canal de Mozambique, se situe dans une zone de piraterie, les moyens classiques de surveillance ne peuvent en effet plus y opérer. L'idée est donc d'organiser une unité polyvalente, armée par des équipages de la Marine nationale, et capable d'assurer des missions de présence, de surveillance et toute autre mission liée à la préservation d'une aire marine protégée.
On me demande souvent s'il n'aurait pas été préférable de créer un corps de gardes-côtes, à l'instar de ce qui existe aux États-Unis. Mais comme l'a reconnu lui-même le chef d'état-major de la marine américaine, venu étudier nos pratiques, la force dont il dispose a beau être puissante – l'effectif de l'US Cost Guard est à peu près l'équivalent de celui de la Marine nationale française –, cela ne résout pas une question fondamentale, à savoir qui détermine les missions prioritaires. Or, grâce à notre organisation interministérielle – la fonction garde-côtes est placée directement sous l'autorité du Premier ministre –, nous sommes en mesure de répondre à cette question.
En ce qui concerne les moyens de recherche, la France fait partie des rares pays au monde capables de développer une océanographie de grand large, et pas seulement une océanographie côtière. Elle est également un des rares pays comptant des entreprises en mesure d'intervenir dans les grands fonds marins pour en exploiter les ressources.
Il reste que notre pays ne se tournera jamais suffisamment vers la mer sans une sensibilisation de l'ensemble de sa population à ces questions. Les Français ont de la mer une vision romantique, nourrie par les exploits des navigateurs solitaires, mais peu d'entre eux ont une connaissance véritable du milieu marin, de ses enjeux économiques et de l'importance de l'outre-mer. C'est la raison pour laquelle un chapitre entier de la stratégie nationale pour la mer et les océans est consacré aux moyens de susciter chez les Français la passion de la mer. Une grande partie des préconisations concerne l'éducation initiale des jeunes, car c'est à partir de connaissances précises que cette passion pourra être partagée par nos concitoyens.
Comme j'ai pu m'en apercevoir lors de rencontres internationales, notre organisation administrative concernant la mer est regardée avec beaucoup d'attention par nos partenaires. Si un ministère – celui de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet – est plus particulièrement chargé de ce domaine, l'existence d'un organe de coordination interministérielle est essentielle dans la mesure où, je le répète, les questions liées à la mer ne peuvent être traitées de façon sectorielle. Le secrétariat général de la mer donne donc à la France la capacité de réaliser des synthèses sur les questions maritimes et de trouver rapidement des positions communes entre les différentes administrations intervenantes. Ainsi, chaque prise de position de notre pays devant une instance internationale fait l'objet d'une préparation systématique en amont, afin de prendre en compte les besoins, les priorités, les enjeux portés par les différents ministères concernés – lesquels sont en effet une quinzaine.
Cette organisation administrative se matérialise par la tenue périodique de comités interministériels de la mer, présidés par le Premier ministre. Le dernier en date, qui s'est tenu en décembre 2009, a permis des avancées importantes, puisqu'il a permis à la France de mettre pour la première fois sur la table un document de politique maritime.
J'en viens à la question de la protection de l'environnement contre les effets de certaines activités humaines. Tout d'abord, les dégazages volontaires sont de plus en plus rares au large des côtes françaises. On ne peut que s'en réjouir, même si cela ne signifie pas qu'ils ne puissent avoir lieu ailleurs. La législation pénale dont la France s'est dotée est réellement dissuasive, et l'effort de surveillance aérienne consenti par la Marine nationale et par les douanes conduit donc rarement à dérouter un bateau pour ce motif.
Je ne dispose pas d'informations directes sur les forages menés au large de la Guyane, mais soyez assurés que nous sommes très attentifs au retour d'expérience qui pourra être retiré de la catastrophe du Golfe du Mexique. Je me rendrai d'ailleurs la semaine prochaine aux États-Unis pour obtenir des détails sur l'action qui a été menée et sur les mesures envisagées en matière de recherche offshore.
M. Boënnec a eu raison de souligner l'importance de la gouvernance pour une bonne gestion des zones côtières. C'est la raison pour laquelle a été mis en place un Conseil national de la mer et des littoraux, décliné en conseils de façade, et dont le secrétariat sera assuré conjointement par la DATAR, par le Commissariat général au développement durable – en raison de leurs compétences respectives en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement – et par le Secrétariat général de la mer. Notre préoccupation est de structurer la gouvernance et l'action administrative en matière de zones côtières, mais aussi d'action de protection de l'océan, afin d'harmoniser les différents découpages et notamment de faire coïncider les documents stratégiques de façade avec ceux réclamés dans le cadre de la directive cadre sur le milieu marin. À défaut, les efforts réalisés seraient illisibles pour la population et pour les élus.
En Méditerranée, où une simple zone de protection écologique s'étendait jusqu'à présent au large de nos côtes, la zone économique exclusive nous permettra d'exercer la totalité de nos droits jusqu'à 200 milles. Si nous ne l'avons pas créée auparavant, c'est parce que dans cette mer, les choses sont rendues plus compliquées par le fait que l'on se heurte très vite aux voisins. Cela étant, notre initiative a été accueillie par les autorités espagnoles et italiennes comme une bonne occasion de reprendre les discussions sur la définition des limites de souveraineté, discussions qui avaient fini pas s'ensabler. La délimitation précise de cette zone fera l'objet d'un décret du Gouvernement français, puis d'une déclaration devant les Nations unies.
Quant au projet concernant les bouches de Bonifacio, la décision appartient à l'Organisation maritime internationale. En effet, par définition, la libre circulation dans un détroit international ne peut être remise en cause. En passant outre, nous risquerions de subir des mesures de rétorsion dans d'autres détroits du même type. En revanche, la création d'une zone maritime de protection nous permettra de prendre, conjointement avec nos partenaires italiens, un certain nombre de mesures – telles que l'institution d'une déclaration préalable pour le passage de bateaux transportant des cargaisons dangereuses ou, pour certaines catégories de navires, l'obligation de recourir au pilotage – susceptibles d'améliorer la protection du site tout en garantissant la liberté de circulation.