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Intervention de Hubert Carré

Réunion du 16 mars 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins :

Je voudrais d'abord excuser notre président, M. Pierre-Georges Dachicourt, qui a été empêché.

Le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins est un organisme professionnel chargé de représenter et de défendre les intérêts des pêcheurs et des aquaculteurs.

On a trop tendance à l'oublier, le pêcheur – l'homme – est une composante de la biodiversité. Mais, bien évidemment, il l'exploite aussi. La pêche française, ce sont 15 000 marins à temps plein et 7 000 navires, 4 500 en métropole et 2 500 dans les départements d'outre-mer. Chaque pêcheur fait en outre vivre à terre trois à quatre personnes, au sein d'une filière qui va de la construction du navire à la transformation et à l'expédition du poisson.

Dans le monde, trois milliards d'individus dépendent de la pêche pour 15 % de leurs protéines journalières. En effet, contrairement à ce que laissent entendre certains discours tenus depuis le Grenelle de la mer, le pêcheur ne détruit pas la biodiversité : il la transforme en nourriture.

Le contexte réglementaire de cette transformation est strict. Le pêcheur n'est plus un homme libre, qui peut travailler comme il l'entend : la pêche est régie par des conventions internationales, telles que les conventions ICCAT, pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, ou CAMELAR, déjà mentionnée, pour la conservation des ressources vivantes de l'Antarctique. L'Union européenne a également mis en place, en 1983, une politique commune de la pêche, dont la réforme est en cours. Cette politique visait à l'origine à répartir la richesse halieutique entre États membres. Au fil du temps, on a mis de plus en plus l'accent sur la gestion et sur la protection de la ressource, le marathon de fin d'année du conseil des ministres répartissant les quotas entre les pêcheurs des États membres. On peut être assuré que la nouvelle politique qui sera arrêtée à la fin de 2012 visera à préserver la biodiversité…

L'activité du pêcheur est également contrainte par la réglementation française, qui décline les décisions de Bruxelles et qui se traduit par des contrôles en mer et à terre, mais aussi par une réglementation professionnelle, dont l'origine, en Méditerranée, remonte aux prud'homies du xive siècle. On le voit, les pêcheurs savent prendre l'initiative !

Et ils continuent. C'est ainsi que le Comité national a pu effectuer un recensement des bonnes pratiques : chacun de nos professionnels, connaissant par expérience le milieu marin, a son idée sur la façon de protéger la ressource. Malgré certaines divergences circonscrites, ils ne sont du reste pas en désaccord avec les scientifiques, notamment avec ceux de l'IFREMER. Ils sont conscients qu'ils n'ont aucun intérêt à détruire la biodiversité et que la richesse qu'ils sauvegardent aujourd'hui est celle qu'ils retrouveront demain. Simplement, il est parfois difficile d'intégrer dans les modèles mathématiques développés par les scientifiques, en particulier par les scientifiques européens, l'expérience des professionnels, empirique et qui remonte à la nuit des temps. Les changements climatiques perturbent beaucoup l'appréhension de la ressource. Depuis quatre ans, nos amis hollandais, qui pêchaient traditionnellement du maquereau et du hareng, remontent du rouget barbet.

Autre initiative, les « contrats bleus », qui visaient à répondre à une situation de crise en 2005 et 2006, permettent de lancer des programmes d'échantillonnage et d'observation en mer. Ils ont ainsi abouti à une coévaluation, avec l'IFREMER et avec le Comité national, de certains stocks, dont celui de l'anchois, grâce aux pêcheurs de La Turballe et du Croisic.

Les pêcheurs ont aussi été des acteurs du Grenelle de l'environnement – leur participation au Grenelle de la mer s'est heurtée à plus de difficultés – et ils ont été et continuent d'être parties prenantes dans la création des aires marines protégées – Pierre-Georges Dachicourt est vice-président de l'Agence – et des parcs naturels marins – celui de la mer d'Iroise n'a pu être créé que grâce à leur accord.

Dans l'ensemble, malgré des réticences possibles ici ou là, les pêcheurs ne sont donc pas opposés au mouvement en faveur de la protection de nos côtes. Simplement, ils constatent qu'ils doivent désormais composer avec de nouveaux usages, comme les programmes d'éolien en mer ou l'extraction de granulats, et ils rappellent que, comme cela a été dit, il ne sert à rien de protéger la biodiversité dans la limite des douze milles nautiques ou de la ZEE si l'on ne règle pas la question des pollution telluriques. Les pêcheurs, les ostréiculteurs et les aquaculteurs sont les premiers à pâtir de celles-ci. Nous avons d'ailleurs porté plainte contre X il y a un mois : certaines pollutions, dites orphelines, continuent en effet à affecter les estuaires et la zone côtière proche, entraînant des interdictions de commercialiser les produits de la mer.

Enfin, pour revenir à la réforme de la politique commune de la pêche, je note que la commissaire européenne en charge de la pêche, Mme Maria Damanaki, a mis la barre très haut en posant que les activités de pêche ne devaient plus produire de rejets. Or, les pêcheurs ne peuvent rapporter à terre la totalité de leurs captures, certaines d'entre elles n'étant pas commercialisables faute d'atteindre la taille marchande, ou étant interdites de pêche.

Le débat devient éthique : il se déplace de la préservation de la ressource halieutique vers celle de la biodiversité ainsi que vers l'économie de la ressource en nourriture. Ce beau défi sera relevé par les pêcheurs, qui montreront qu'ils sont les premiers acteurs de la protection de la biodiversité.

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