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Intervention de Jean-Yves Perrot

Réunion du 16 mars 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean-Yves Perrot, président-directeur général de l'IFREMER :

Notre institut, l'un des établissements publics les plus intégrés au monde dans le domaine des sciences marines, a longtemps travaillé au profit de la biodiversité marine comme M. Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. Les choses ont bien changé, mais il reste que cette biodiversité reste très méconnue, du fait de sa difficulté d'accès comme de sa richesse extrême, sans commune mesure avec celle de la biodiversité terrestre.

Compte tenu des promesses qu'elle recèle, l'IFREMER s'emploie à relever le défi en mettant un zèle égal à l'accomplissement des trois missions qui lui sont assignées : faire progresser la connaissance scientifique, venir en appui aux politiques et à la décision publiques, contribuer au développement de l'économie maritime de notre pays.

Nous pouvons nous appuyer pour cela sur un certain nombre d'évolutions positives. En application de la directive cadre sur la stratégie du milieu marin, on va cerner cette année l'état des eaux maritimes sous juridiction européenne en vue de définir ensuite le « bon état écologique » auquel il s'agira de parvenir d'ici à 2020. L'initiative internationale IPBES (Intergovernmental science-policy platform on biodiversity and ecosystem services) vise à créer pour la biodiversité l'équivalent de ce qu'est le GIEC pour le changement climatique. Enfin, les deux exercices du Grenelle de l'environnement et du Grenelle de la mer ont contribué à faire prendre conscience de l'intérêt qui s'attache à une meilleure connaissance de la biodiversité maritime.

L'IFREMER a fait de la connaissance, de la caractérisation et de la préservation de la biodiversité marine un des axes de son plan stratégique à l'horizon 2020, et l'un des objectifs de son contrat quadriennal pour la période 2009-2012. Soixante pour cent des services écologiques sont à ce jour considérés comme détériorés. Or le bien-être de l'humanité, voire ses capacités de survie, dépendent des niveaux de conservation de la biodiversité. C'est pourquoi tous nos travaux sont marqués par le souci de faire progresser la connaissance de celle-ci.

Ainsi, l'évaluation des stocks de poisson, l'une des activités traditionnelles de l'IFREMER en tant qu'héritier de l'ancien Institut des pêches maritimes, est désormais menée selon une approche globale, écosystémique. Il en va de même s'agissant de nos travaux sur l'aquaculture ou encore sur l'exploitation des ressources minérales – non seulement les granulats marins mais aussi les terres rares, devenues aujourd'hui un enjeu stratégique. Ces activités doivent aujourd'hui se concilier ave la protection de la biodiversité marine et c'est dans cet esprit que, par exemple, nous avons conduit, l'an dernier, dans le cadre d'un partenariat public-privé avec le BRGM, Technip et Areva, une première campagne dans la zone de Wallis-et-Futuna : il s'est agi de caractériser les éléments de ressources minérales mobilisables pour notre économie de demain en même temps que de dresser un état zéro de la biodiversité locale, destiné à servir de référence afin que les interventions ultérieures n'altèrent en rien le milieu.

Traditionnellement, la biodiversité a été appréhendée en fonction d'une approche naturaliste, incarnée notamment par le Muséum national d'histoire naturelle. Aujourd'hui, chacun est conscient que cette approche est dépassée. Il faut réinventer notre projet scientifique en cette matière. Nous devons commencer par écarter de la biodiversité deux menaces : celle de la ghettoïsation, qui réserverait la maîtrise du sujet à quelques spécialistes aussi isolés que compétents, et celle de l'incantation. Pour cela, nous devons nous attacher à deux grandes questions. En premier lieu, en dépassant le discours sur la sixième extinction des espèces, il nous faut observer, au besoin créer les conditions de la résilience du milieu naturel. En second lieu, il nous faut enrichir ce projet scientifique d'éléments économiques, en caractérisant et évaluant les services écosystémiques que la biodiversité, notamment marine, rend aux hommes et en intéressant les producteurs et consommateurs que nous sommes tous à la sauvegarde et à la protection, dans la durée, de cette biodiversité. Les contrats bleus des pêcheurs sont un bon exemple de cette liaison entre enjeux écologiques et enjeux économiques.

L'IFREMER, dans son domaine propre, s'efforce aussi de développer des outils d'information qui soient des outils de référence à la fois pour le grand public et pour les décideurs politiques : c'est le cas des systèmes d'information en halieutique et sur la nature et les paysages, ainsi que de la base de données Quadrige, retenue par le ministère de l'écologie comme la base de référence sur la qualité des eaux marines. J'ajoute que de tels outils doivent être interopérables, afin que les grands établissements publics puissent mettre en commun leurs données.

Je veux aussi insister sur l'importance des partenariats et du travail en réseau. Pour cela, nous pouvons compter sur le Muséum national d'histoire naturelle, mais aussi sur la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, d'institution encore récente mais dont la vocation est d'associer des partenaires publics et privés – des établissements de recherche et des entreprises.

Nous travaillons désormais aussi dans un cadre européen, qu'il s'agisse de la flotte scientifique ou d'outils tels qu'ERA-net BiodivERsA.

Enfin, nous devons aussi intéresser nos concitoyens à la connaissance et à la protection de la biodiversité marine. Il serait souhaitable, par exemple, que nous arrivions à créer en ce domaine l'équivalent de l'Observatoire d'ornithologie du Muséum d'histoire naturelle.

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