Nathalie Kocziusko-Morizet ayant fait le point sur les causes de l'accident – et les responsables de la sûreté nucléaire et les industriels y reviendront sûrement –, je commencerai par me féliciter de cette audition qui contribue à l'effort de transparence que nous devons à nos concitoyens, et qui a été entrepris dès samedi, quand Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons réuni tous les acteurs de la filière nucléaire et rendu publiques l'ensemble des informations en notre possession. Depuis, l'ASN, l'IRSN et le Gouvernement informent sans relâche nos concitoyens. Je le déclare solennellement, nous diffusons toute l'information que nous avons, sans rien travestir. Cette audition en est la meilleure preuve.
Nous voulons aussi assurer de la solidarité de la France et de la communauté internationale le gouvernement japonais qui a demandé, le 14 mars, l'activation de la convention internationale sur l'assistance en cas d'accident nucléaire. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) est désormais compétente pour coordonner l'assistance internationale avec les efforts japonais sur les sites nucléaires. Nous avons donc demandé immédiatement à l'Autorité de sûreté nucléaire de préparer la contribution technique de notre pays, en liaison étroite avec les différents ministères, avec les exploitants et avec les industriels dont je salue les efforts. J'ai entendu les déclarations d'Anne Lauvergeon, présidente d'Areva, et celles d'Henri Proglio, PDG d'EDF, qui annonçait ce matin la mobilisation de moyens robotiques et de stocks de bore pour stopper les réactions nucléaires, ainsi que celle de leurs équipes. Une importante réunion se tiendra à l'ASN à dix-sept heures, avec pour objectif de faire une proposition d'assistance qui soit à la hauteur de notre savoir-faire.
Nous voulons tous que la France tire les enseignements de cette catastrophe. Son choix de l'énergie nucléaire remonte à plus d'un demi-siècle et il me semble – j'ai conscience de parler à un moment particulièrement sensible – qu'il est pertinent pour quatre raisons principales. Premièrement, il assure partiellement l'indépendance énergétique de notre pays, ce qui, dans ces temps d'instabilité internationale, ne doit pas être négligée. Deuxièmement, les prix des autres énergies disponibles, du pétrole notamment, augmentent et ils resteront élevés en toute hypothèse. Notre parc nucléaire, qui permet aux Français de bénéficier d'une électricité 40 % moins chère qu'ailleurs en Europe, est à ce titre un élément de la compétitivité de notre pays. Troisièmement, l'énergie nucléaire est la moins émettrice de gaz à effet de serre, dont la réduction est une priorité du Grenelle de l'environnement. Quatrièmement, la France dispose non seulement d'un parc de cinquante-huit réacteurs et d'un exploitant dont les références en matière de sûreté sont solides, mais aussi de capacités industrielles et de compétences reconnues partout dans le monde.
Mais ce choix en faveur de l'énergie nucléaire a pour contrepartie indissociable une exigence absolue en matière de sûreté. La loi sur la transparence et la sécurité nucléaire de 2006 a doté la France d'une organisation et d'outils puissants. Le premier de ceux-ci est l'Autorité de sûreté nucléaire, autorité administrative indépendante qui mérite en effet son titre de « gendarme » du nucléaire. Elle contrôle les sites et peut imposer aux exploitants des prescriptions qui peuvent aller jusqu'à la fermeture en cas de risque grave. L'ASN s'appuie sur l'expertise pointue de l'IRSN qui surveille la radioprotection sur notre territoire. La France a fait de la transparence un des fondements de sa sûreté nucléaire. Le moindre incident ou dysfonctionnement, aussi minime soit-il, est signalé automatiquement à l'ASN. Celle-ci évalue et qualifie son importance et le rend public dans des délais extrêmement courts. Le Gouvernement a également mis en place, en application de la loi de 2006, le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire présidé par Henri Revol, ici présent. Cet organe collégial permet notamment d'améliorer l'information du grand public. Ainsi, notre système de sûreté et d'information est robuste et reconnu dans le monde entier pour son excellence technique, pour son intransigeance, pour son indépendance et pour sa transparence.
Armés de ces outils, nous devons désormais faire toute la lumière sur l'accident japonais et, surtout, en tirer toutes les conséquences pour notre propre parc. Comme l'a annoncé hier le Premier ministre à l'Assemblée nationale, il sera procédé en toute transparence à une revue complète de la sûreté de chaque réacteur au regard des événements du type séisme ou inondation, et à la lumière du drame de Fukushima. Les résultats seront rendus publics et les prescriptions de l'ASN seront systématiquement prises en compte. La revue portera notamment sur le risque sismique, sur le risque d'inondation, sur le risque de rupture des moyens de refroidissement – lequel constitue le point faible des installations japonaises – et sur les outils qui, comme le récupérateur de corium que nous avons prévu pour l'EPR, permettent de faire face aux situations extrêmes de fusion totale ou partielle du coeur d'un réacteur.
Pour tirer les leçons de la catastrophe, la France n'agira pas seule. Elle souhaite faire partager son exigence et entraîner la communauté internationale vers plus de sûreté. C'est pourquoi elle apporte son plein soutien à la démarche d'évaluation de la sûreté des centrales engagée au niveau européen, et intensifiera ses efforts pour élever et harmoniser les normes de sûreté au niveau européen et international, conformément aux engagements pris lors de la conférence de Paris sur le nucléaire, en mars 2010.
Pour conclure, je veux souligner que l'association du public à nos choix énergétiques est un facteur essentiel de notre démocratie. Le Gouvernement écoutera avec attention les propositions faites pour améliorer notre système énergétique. À l'initiative du Président de la République, il réunira, aussi dans les prochaines semaines, les ministres de l'économie et de l'énergie du G20 pour examiner ensemble les grandes questions relatives à la politique énergétique.