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Intervention de Didier Quentin

Réunion du 16 mars 2011 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur :

Issue d'un texte déposé sur le bureau du Sénat par M. Richard Tuheiava, sénateur de la Polynésie française, la proposition de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis a été adoptée à l'unanimité par le Sénat en première lecture, le 27 janvier dernier. Cette initiative avait, par ailleurs, été relayée à l'Assemblée nationale par une proposition de loi contenant le même dispositif, déposée le 19 octobre 2010 par notre collègue Bruno Sandras, député de la Polynésie française.

Si les quarante-huit communes polynésiennes avaient été reconnues dans le statut de 1996 comme des acteurs à part entière aux côtés de l'État et de la collectivité de Polynésie française, l'article 6 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française en a fait des « collectivités territoriales de la République », qui « s'administrent librement dans les conditions prévues par la Constitution ».

Le plein exercice de leurs compétences ne pouvant se concevoir sans une fonction publique dédiée et adaptée aux réalités insulaires, dans le respect du droit général de la fonction publique, le législateur organique a posé en 1994, puis en 2004, le principe de la création d'un véritable statut pour les agents des communes polynésiennes.

Dans cette perspective, l'ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française a constitué une première étape dans la mise en place de la fonction publique communale polynésienne. Mais, faute de publication des actes réglementaires nécessaires à son application, elle est restée lettre morte. Or, dans le même temps, le droit commun de la fonction publique a été profondément réformé, rendant ainsi obsolètes certaines des dispositions de l'ordonnance du 4 janvier 2005. L'enjeu est donc clair : il s'agit bien d'actualiser le statut de cette future fonction publique locale, au regard des évolutions intervenues depuis six ans et dans le respect des particularismes locaux.

La reconnaissance des compétences dévolues aux communes polynésiennes s'est accompagnée du projet de mise en place d'une fonction publique dédiée, dont le principe, acté par le Parlement dès 1994, a été rappelé en 2004 par le législateur organique. L'article 11 du statut a habilité le Gouvernement à étendre par voie d'ordonnance aux communes polynésiennes et à leurs groupements les dispositions législatives des première partie – il s'agit des dispositions générales –, deuxième partie, relative aux communes, et cinquième partie, relative à la coopération intercommunale, du code général des collectivités territoriales, en procédant aux adaptations rendues nécessaires par les particularités de ces communes insulaires.

Depuis 2007, l'État a donc mis fin à la tutelle qu'il exerçait sur les communes de Polynésie française. En effet, ces dernières étaient auparavant toujours soumises aux dispositions du code des communes dans la rédaction que la loi du 29 décembre 1977 leur avait rendue applicable. Pendant trente ans, aucune des grandes lois intervenues en matière de décentralisation ne leur avait été appliquée, ce qui a créé d'importantes distorsions entre le droit commun des communes et le régime antérieur toujours applicable aux communes polynésiennes.

Cependant, ces communes restent handicapées par la faible part de leurs ressources propres. Les seules ressources fiscales à leur disposition sont les centimes additionnels qu'elles peuvent lever sur trois impôts territoriaux – la contribution sur les licences, la taxe sur les propriétés bâties et les patentes –, et une taxe sur l'électricité. Il en résulte que les transferts peuvent constituer jusqu'à 99 % des ressources des petites communes et représentent 60 % de celles de la ville de Papeete.

Élaborée sur le modèle du statut de la fonction publique territoriale, l'ordonnance du 4 janvier 2005 définit les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires et le cadre général de l'organisation de la fonction publique, notamment la structure des carrières et les conditions d'accès.

Ce statut a vocation à s'appliquer « aux personnes nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative » des quarante-huit communes existantes en Polynésie, des syndicats de communes – actuellement au nombre de huit mais dont plusieurs sont en cours de création –, des établissements publics de coopération intercommunale – actuellement la seule communauté de communes des Marquises –, des établissements publics à caractère administratif relevant des communes – aucun n'aurait encore été créé en Polynésie française – et du centre de gestion et de formation créé par l'ordonnance afin de gérer le recrutement, les carrières, la concertation et la formation des futurs fonctionnaires.

La « fonction publique des communes de Polynésie » a donc vocation à intégrer non pas les seuls agents communaux, mais l'ensemble des 4 547 agents actuellement employés par ces personnes publiques sous des statuts disparates, après création des cadres d'emplois correspondants.

Ces dispositions sont restées lettre morte faute de parution des décrets et arrêtés du Haut-commissaire de la République en Polynésie française nécessaires à son application. Les agents communaux restent ainsi employés sous des régimes divers – code du travail polynésien, convention collective des agents non fonctionnaires, statuts communaux –, dans des conditions peu satisfaisantes tant pour les intéressés que pour leurs employeurs.

Préalablement à la rédaction des textes d'application, une première concertation a été conduite entre le Haut-commissaire, les représentants des maires, réunis au sein du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF) et les organisations syndicales locales. Elle a abouti en 2006 à la signature d'accords de la fonction publique communale. Une seconde concertation a été menée en 2008 et 2009 en lien avec le ministère chargé de l'Outre-mer pour finaliser la rédaction des projets de décret. Il est apparu que le temps écoulé et certaines inadéquations avec la situation des agents déjà en poste dans les collectivités et établissements rendaient difficile l'aboutissement du processus.

Afin de concrétiser des dispositions inscrites dans la loi il y a dix-sept ans, le Parlement est aujourd'hui conduit à prendre l'initiative d'actualiser et de moderniser une ordonnance prise il y a six ans et modifiée depuis de façon marginale par deux lois successives, dont les dispositions n'ont jamais été mises en vigueur.

Le Sénat a modifié la majeure partie des articles de la proposition de loi initiale. À cet égard, je tiens à saluer la qualité du travail réalisé par M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois du Sénat, qui a poursuivi l'actualisation de l'ordonnance du 4 janvier 2005 et son alignement sur le droit commun de la fonction publique, tout en s'attachant au respect des spécificités locales.

Cette proposition de loi, issue du travail des élus communaux, exprime un consensus local sur la nécessité d'aboutir, s'agissant d'une avancée promise par l'État depuis 1994. Elle a fait l'objet le 13 janvier dernier, de la part de la commission permanente de l'Assemblée de la Polynésie française, d'un avis favorable assorti de réserves mineures.

Avec les améliorations apportées par le Sénat, et sous réserve des modifications essentiellement rédactionnelles que je vais vous proposer, cette proposition de loi actualise efficacement l'ordonnance de 2005. Son adoption devrait permettre à une fonction publique des communes de Polynésie française de voir le jour au cours de l'année 2011.

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