Avis favorable à l'amendement 86 , sous réserve des sous-amendements n° 115 et 116 du rapporteur.
Si vous le permettez, je souhaite revenir sur la sectorisation psychiatrique. Monsieur Blisko, vous avez souhaité que soient clairement définies des aires géographiques sur lesquelles s'exerce la mission « soins sans consentement », qui propose aux malades soit des soins intra-hospitaliers, soit des soins extra-hospitaliers, soit une continuité des deux. Vous proposez pour cela de faire un lien entre l'autorisation accordée au titre de la mission de service public et la participation à la sectorisation psychiatrique.
D'ailleurs, l'exposé des motifs de l'amendement n° 69 , qui n'a pas été défendu par M. Préel, mettait en lumière les nombreuses acceptions du secteur psychiatrique, et il est nécessaire de revenir sur chacune d'entre elles.
Tout d'abord une précision : la loi du 21 juillet 2009 a substitué au système d'agrément de l'établissement de santé recevant une personne hospitalisée sans son consentement la notion de soins sans consentement comme mission de service public. Aux termes de l'article L.6112-2 du code de la santé publique, la mission de service public peut être exercée indifféremment par un établissement public ou un établissement privé, dès lors que cet établissement remplit l'ensemble des conditions de cette mission. Le statut juridique de l'établissement n'implique pas automatiquement la capacité de celui-ci à remplir ou ne pas remplir de telles missions. Je vous rappelle que c'est l'ARS qui confie les missions de service public aux établissements. La mise en oeuvre de soins sans consentement est une mission de service public, au même titre que l'accueil des urgences par exemple ; elle n'est donc pas, par principe, réservée à une catégorie d'établissement.
Néanmoins, si l'organisation en secteurs a été et continue d'être un progrès important en matière d'accessibilité et de proximité des soins psychiatriques, il s'est développé d'autres structures de soins qui collaborent avec les secteurs, voire assurent sur une aire géographique donnée tout ou partie des soins psychiatriques. De plus, pour certaines pathologies, ou à certains âges, se sont développées des structures à vocation plus large, intersectorielle.
Pour la psychiatrie comme pour les autres activités, il faut en effet que la zone de référence soit suffisamment vaste pour que puisse y être pensé l'ensemble des structures nécessaires à la prise en charge, c'est-à-dire : à la fois des structures de grande proximité, comme les CMP, les centres d'accueil thérapeutique à temps partiel, les hôpitaux de jour ; mais aussi des structures hyper-spécialisées, comme des unités spécialisées en gérontopsychiatrie, en réadaptation sociale, ou destinés à certains états pathologiques, par exemple les psychoses émergentes, ou aux soins intensifs psychiatriques.
Les établissements psychiatriques le savent, d'ailleurs. Le développement de ces prises en charge très spécialisées, liées aux progrès de la médecine, a conduit les établissements à créer des intersecteurs de plus en plus nombreux, puisque les secteurs traditionnels n'étaient plus toujours adaptés à ces prises en charge spécifiques, dont la part a fortement progressé. Parallèlement, le nombre d'établissements non sectorisés en psychiatrie a augmenté et représente pratiquement la moitié des établissements.
J'ajoute que dans les zones urbaines, l'équipement ambulatoire du ressort du domicile du patient n'est pas toujours facilement accessible, quand celui-ci habite en grande banlieue et travaille au centre. C'est pourquoi la liaison automatique entre équipe de prise en charge et domicile n'est pas forcément satisfaisante pour le patient. Il en est de même des adolescents qui effectuent des études loin du domicile, et des enfants de l'aide sociale à l'enfance placés.
Alors, si l'organisation des soins est souvent bien pensée au sein de chaque secteur, les prises en charge peuvent être confrontées à de graves ruptures de cohérence dès lors que le patient serait amené soit à passer d'un secteur à l'autre, ce qui, outre les cas évoqués, recouvre celui de patients très instables, voire sans domicile fixe ou jeunes errants ; soit à passer d'un secteur à un intersecteur plus spécialisé, avec, comme indiqué dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 69 , d'incessantes tergiversations pour savoir qui fait quoi et comment. C'est notamment le cas des personnes âgées souffrant de troubles psychiques.
La réflexion à partir du territoire de santé est donc tout à la fois une réponse pertinente à ces limites, souvent soulignées par les psychiatres, à la sectorisation psychiatrique à la française, tout en en conservant le bénéfice, c'est-à-dire l'offre sur chaque aire géographique d'un accès au service public de psychiatrie, dans une organisation adaptée.
C'est aussi un hommage à ce que la psychiatrie a été la première à inventer, à savoir la coordination des soins intra et extra-hospitaliers sur l'ensemble d'une zone, au profit d'une population dans sa globalité. Cette conception très forte de santé publique, dont nous souhaitons imprégner toutes les activités sanitaires, est actuellement déployée grâce aux outils de la loi HPST, au premier rang desquels l'ARS, le territoire de santé, et aussi bien sûr le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Ce contrat est le socle dans lequel doivent être déclinés les moyens avec lesquels les établissements exercent leur mission, en coopération avec les autres acteurs sanitaires.
Précisons que l'organisation des soins de proximité en secteurs, c'est-à-dire sur une aire géographique circonscrite et facilement appréhensible, restera sans doute l'organisation la plus courante. Mais celle-ci n'empêche pas, au contraire, les regroupements intersectoriels et les mutualisations de moyens au niveau d'un territoire de santé. S'agissant de l'exercice de la mission de service public des soins sans consentement, la référence juridique reste l'établissement. Il incombera à l'ARS de s'assurer que chaque aire géographique est couverte par un établissement assurant cette mission de service public, l'établissement étant ensuite libre d'organiser les soins sans consentement en secteurs et en intersecteurs par territoire.
Enfin, après avoir évoqué la question de la planification des structures, et pour revenir sur ce qui compte avant tout, c'est-à-dire le patient, je tiens à dire que ce qui compte pour ce patient, pour sa famille, c'est qu'il puisse être suivi par un médecin, par une équipe médicale et soignante clairement identifiée, et que la cohérence de sa prise en charge individuelle soit garantie. Cette organisation médicale, dont les résultats sont impératifs, doit être laissée au libre choix de la communauté médicale de chaque établissement. Telles sont les précisions que je souhaitais apporter sur la question de la sectorisation.