Je m'attarderai quelques instants sur cet amendement ainsi que sur les suivants qui traitent du même sujet. Avant d'aborder le fond, je voudrais rappeler les raisons qui ont conduit la commission, dans sa grande sagesse, à adopter l'amendement à l'origine de l'alinéa 36 concerné.
Dans le cadre d'une admission en soins sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, le directeur de l'établissement de santé est tenu de suivre l'avis du psychiatre et de mettre fin à la mesure de soins dès que celui-ci atteste que les conditions ne sont plus réunies. Les compétences sont liées.
Dans le cadre d'une admission en soins sur décision du représentant de l'État, celui-ci garde toujours la main sur la décision finale, quelle que soit la proposition du psychiatre. Cela tient à la spécificité de l'hospitalisation d'office, dans laquelle entrent en ligne de compte non seulement des considérations sanitaires, mais aussi d'ordre public. Néanmoins, du point de vue de la liberté individuelle, il n'est pas apparu totalement satisfaisant à la commission des affaires sociales que la logique de l'ordre public l'emporte systématiquement sur la logique sanitaire et qu'une personne puisse être maintenue en soins psychiatriques sans consentement contre avis médical.
Ce qui peut se concevoir dans le cadre de décisions relatives à la forme de prise en charge du patient, où le préfet prend sa décision à la fois au vu des recommandations des certificats médicaux et compte tenu des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public, conformément au III de l'article L. 3213-3, devient nettement plus contestable, et pour tout dire choquant, lorsque le psychiatre atteste que les conditions ayant justifié l'admission en soins ne sont plus remplies et que la levée peut être ordonnée. Un patient pour lequel le psychiatre a attesté que la mesure de soins sous contrainte ne se justifiait plus pourrait donc être maintenu en soins sous contrainte, en l'absence de raisons médicales.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a prévu une saisine automatique du juge lorsque la décision du préfet ne suit pas la recommandation du psychiatre s'agissant de la levée de la mesure de soins.
Je considère en revanche que la rédaction adoptée en commission peut être améliorée de manière à concentrer l'action du juge sur les situations les plus contestables et à éviter que celui-ci ne soit saisi dix, douze ou treize jours après l'admission alors même qu'il doit déjà se prononcer dans le cadre du contrôle automatique des quinze jours. C'est pourquoi l'amendement n° 120 propose que l'obligation faite au directeur de l'établissement de saisir le juge ne s'applique que pour les personnes en hospitalisation complète. Ce qui nous importe à tous, et Mme Fraysse l'a rappelé, c'est que la privation de liberté intervienne conformément au texte que nous examinons et à la décision du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle le juge doit statuer sur la privation complète de liberté et non pas sur la mesure de soins.
Quant à l'amendement n° 121 , il prévoit que cette saisine n'a pas lieu d'être en amont de la saisine automatique des quinze jours. Dans un souci de respect du juge et de prise en compte des difficultés de la démographie judiciaire, il est quelque peu exagéré de prévoir un recours automatique au juge à dix ou onze jours alors qu'il sera systématiquement saisi à quinze jours. De toute façon, il n'interviendra pas avant cette période.
Dans ces conditions, vous comprendrez que je sois défavorable à l'amendement n° 34 de M. Garraud, même si je l'apprécie dans la mesure où sa rédaction est très proche d'un amendement de repli que j'avais moi-même déposé en commission au cas où la disposition n'aurait pas été acceptée. Cet amendement est, en quelque sorte, une aide au recours individuel, une proposition très en deçà de la rédaction du texte issu de la commission des affaires sociales.
Sous réserve donc de l'adoption des deux amendements de précision que je vous propose, l'un visant l'hospitalisation complète, l'autre la saisine automatique du juge au-delà de quinze jours, il me semble plus sage d'en rester au texte adopté par la commission qui a longuement travaillé sur le sujet, et qui constitue, à notre avis, un point d'équilibre à conserver.
Cette avancée a été saluée à la fois par les soignants et par les associations de familles et de patients. Je tiens à votre disposition les courriels que j'ai reçus des patients, des familles et des soignants concernant le point d'équilibre que nous avons réussi à obtenir ensemble grâce à ces amendements.
Je vous remercie de votre compréhension, monsieur le président.