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Intervention de Marie-Christine Lepetit

Réunion du 15 mars 2011 à 16h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Marie-Christine Lepetit, directrice du service de la législation fiscale :

Mon exposé sera assez bref : les propositions formulées par le groupe de travail sont simples et, par ailleurs, nous disposons d'un recul limité concernant leur mise en oeuvre, qui remonte à avril 2010.

L'objectif, pour le Gouvernement et ses services, est d'améliorer à la fois le processus de fabrication de la loi et sa mise en application concrète. Un premier volet est donc consacré à de nouvelles manières de construire les projets de loi, un second à l'amélioration de la rapidité de publication et de la sécurité juridique des instructions, qui n'ont d'autre fonction, j'y insiste, que de rendre plus aisée la lecture que le citoyen peut faire de textes législatifs paraissant parfois abscons ou trop généraux.

Pour ce qui est de la partie amont, la principale orientation est le renforcement de la consultation sur les projets de loi en préparation, à l'instar de ces « bonnes pratiques » anglo-saxonnes qui jusqu'à présent faisaient défaut à notre pays. Le Gouvernement a souhaité adopter une démarche plus ouverte et transparente dès la phase amont, et ce en dépit de la crainte d'être ensuite prisonnier de ses propres arbitrages.

S'il a accepté de prendre le risque de changer significativement les conditions des arbitrages et de la discussion entre le pouvoir gouvernemental et réglementaire, d'une part, et le pouvoir législatif de l'autre, c'est sans doute parce qu'il s'appuyait sur l'expérience encourageante de la réforme de la taxe professionnelle et des finances locales en 2009. En juillet, en effet, il avait soumis un texte à plusieurs acteurs concernés, tant dans le monde des entreprises que dans celui des collectivités territoriales. Cette consultation s'est révélée fort utile pour finaliser le projet présenté à la fin de septembre, pour nourrir la discussion au Parlement et pour aboutir au texte cohérent et profondément réformateur qui en est résulté.

Pour autant, les expériences menées après avril 2010 n'ont pas toujours rencontré le succès escompté. Ainsi, après que le projet de réforme de la fiscalité des sociétés de personnes eut fait l'objet d'échanges très techniques avec des praticiens fiscalistes en 2008 et 2009, le Gouvernement a ouvert une consultation publique sur l'Internet au cours du second trimestre de 2010. De nombreuses contributions, provenant d'horizons très divers, ont ainsi été recueillies. Votre commission, à laquelle nous avons fait parvenir l'ensemble des contributions en octobre 2010, a pu en constater la richesse. Néanmoins, pour des raisons de disponibilité de l'information, nous n'avons pas été en mesure de l'éclairer pleinement sur les enjeux budgétaires immédiats du projet, si bien que la représentation nationale a décidé de ne pas voter le texte.

Il serait hâtif d'en conclure que la consultation en amont est impossible ou inutile. En tant que responsable administrative de ces sujets, je considère au contraire que ce processus nous a beaucoup aidés à repérer l'ensemble des questions à résoudre. Lorsque l'on veut mener des réformes de grande ampleur en s'attachant à ne pas passer à côté de dispositifs mal connus ou considérés comme marginaux, c'est un outil très précieux. À l'image de la société elle-même, notre système fiscal est complexe. Il est donc utile de pouvoir opérer une vérification en amont avec l'ensemble des acteurs concernés.

Pour ce qui est de la partie aval, le Gouvernement ne prend presque aucun décret ou arrêté en matière fiscale : aux termes de l'article 34 de la Constitution, les dispositions relatives à l'imposition sont fixées par la loi. Tout au plus trouvera-t-on dans la partie réglementaire les obligations déclaratives. C'est ainsi que nous avons eu récemment des échanges avec les services de la Commission des finances à propos d'un projet de décret relatif à la déclaration par les entreprises de leurs effectifs, dans le but d'assurer une bonne territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –.

S'agissant des instructions fiscales, la ministre a souhaité que leur publication soit plus rapide et qu'elle permette de renforcer la sécurité juridique au bénéfice des ménages et des entreprises. Le législateur ayant décidé de rendre ces instructions opposables à l'administration fiscale, elles ont acquis plus de force que d'autres actes de l'administration dans d'autres univers publics. Mais, comme l'a souligné M. Olivier Fouquet dans un rapport de 2008 et comme l'a rappelé le groupe de travail, l'instruction n'est en aucun cas nécessaire à l'application de la loi. Pourtant, l'idée de cette nécessité persiste chez certains acteurs, peut-être entretenue par certains professionnels du droit qui en tirent profit. Il faut donc le répéter : l'instruction a pour seule fonction d'apporter de la sécurité au contribuable et de permettre une application équitable et homogène de la loi par une information transparente et connue de tous.

Avec l'opposabilité, on en est arrivé à une situation paradoxale : l'administration ayant le souci de produire des instructions exhaustives, équilibrées et aussi proches que possible de l'intention du législateur, les délais de publication se sont allongés. Pour les raccourcir sans perdre en qualité, nous avons retenu la solution de publier l'instruction dès le stade du projet, quitte à rendre ce projet opposable afin de maintenir la sécurité juridique.

Le dispositif précédent avait également l'inconvénient de privilégier les insiders – les initiés –, tandis que d'autres, moins souvent consultés, se plaignaient après coup de ce que telle ou telle difficulté n'était pas traitée. Aujourd'hui, la publication des projets sur l'Internet permet à chacun de s'exprimer et de poser des questions. Nous en tirons parti pour améliorer nos textes.

Depuis avril dernier, nous avons procédé de cette manière pour une douzaine de projets touchant à tous les domaines de la fiscalité : fiscalité des ménages, dispositifs immobiliers, bouclier fiscal, droits de mutation à titre onéreux, etc. En matière de fiscalité des entreprises, une grande partie des instructions publiées à la suite de la réforme de la taxe professionnelle ont fait l'objet de cette nouvelle procédure. Ce fut le cas de l'impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux – IFER – dès la mi-avril.

Il est encore un peu tôt pour porter une appréciation sur le dispositif. Je relève cependant que nous n'avons pas été « noyés » par le surcroît de contributions. Nous aurions pu être saisis, via l'Internet, de centaines ou de milliers de sollicitations, notamment pour des instructions touchant le grand public, mais cela n'a pas été le cas. Les contributions se comptent plutôt par dizaines, ce qui reste gérable. Pour l'heure, donc, la procédure fonctionne puisque les acteurs sont plus nombreux à nous écrire et que nous avons pu exploiter leurs remarques dans de bonnes conditions.

Le groupe de travail avait également évoqué la question de la lisibilité des textes. À cet égard, la direction générale des finances publiques a engagé un projet de refonte complète de la documentation administrative, afin que les contribuables disposent d'un bloc d'instructions cohérent, plus accessible, plus clair et constamment mis à jour.

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