D'abord, je tiens à donner acte des avancées que constitue l'article 1er. Le cadre de la loi de 1990 ne permet, à l'heure actuelle, de prendre en charge une personne sans son consentement, que sous la forme d'une hospitalisation complète. Le rapport de l'IGAS de 2005 faisait le même constat et soulignait que l'hospitalisation ne pouvait être la seule façon d'obliger un malade à recevoir des soins. Tout au plus, cette modalité de prise en charge devait être un cadre symbolique. Les inspecteurs recommandaient donc d'explorer les prises en charge sous contraintes dans divers lieux du secteur psychiatrique, voire en dehors des établissements relevant de ce secteur.
Vous reconnaissez implicitement la pertinence de la coexistence d'une pluralité de modes de prise en charge des patients, et c'est bien. Vous avez également été contraints – c'est plus dommage – d'intégrer les conclusions de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010. De fait, votre projet de loi clarifie le cadre légal existant.
En dépit de ces avancées, nous ne pouvons souscrire à l'approche qui a été privilégiée par le Gouvernement, suite au discours pour le moins martial du Président de la République, et ce pour plusieurs raisons.
La première d'entre elle tient à la contradiction entre les objectifs affichés – l'accès aux soins, la continuité des soins, la protection des personnes et de leur liberté – et la réalité des dispositions qui aménagent plutôt le recours à la contrainte, une continuité de la contrainte, la protection de l'ordre public et finalement la limitation de la liberté des patients. Vous n'envisagez, en effet, la pluralité des modes de prise en charge que sous l'angle des soins sans consentement. Vous méconnaissez ainsi le rôle du libre arbitre du patient dans l'acceptation de prises en charge alternatives – sanctions en cas de manquement, retour à l'hospitalisation d'office, approche sécuritaire. C'est un moyen de contourner le manque de moyens alloués aux établissements et c'est aussi sans doute une des raisons pour lesquelles la loi promise en 2009 n'a pas été présentée devant le Parlement alors que chacun reconnaît son impérieuse nécessité.
Aujourd'hui, nous sommes face à un manque de lits, à des sorties précipitées, à un manque de personnel, à une augmentation inquiétante des placements en chambre d'isolement. Par conséquent votre texte risque de borner le service public à la prise en charge des traitements contraints. On en voit déjà à l'heure actuelle les effets pervers puisque, hélas ! nombre d'hôpitaux refusent, faute de moyens, les hospitalisations libres pour se concentrer sur les hospitalisations d'office et les hospitalisations à la demande d'un tiers.
Par ailleurs vous instaurez un régime de garde à vue psychiatrique de soixante-douze heures sans intervention d'un juge de l'autorité judiciaire. Certes, vous pouvez vous enorgueillir d'un renforcement du droit des patients en raison de la faculté qui leur sera offerte de saisir le juge des libertés à tout moment, mais vous ne faites intervenir ce même juge qu'à l'issue des soixante-douze heures. Il y a là comme une incohérence.
De plus, le texte prévoit des délais confortables pour statuer qui, s'ils satisfont la CEDH, ne peuvent recevoir notre aval s'agissant d'une privation de liberté pour des patients souffrant de troubles mentaux : pour eux, une hospitalisation est un réel traumatisme qui ne contribue pas toujours à leur mieux-être.
Le contrôle du juge ne portera que sur les mesures d'hospitalisation complètes et pas sur les autres formes de prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans leur consentement.
Vous prévoyez enfin que la mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète par le juge ne fera pas obstacle à une décision d'admission en soins sans consentement sous une forme alternative, ce qui, à nos yeux, constitue toujours une mesure privative de liberté.
Tout est prévu, finalement, pour étendre le champ de la prise en charge sans consentement, rendre plus difficile la sortie des patients d'une telle modalité de soins et s'assurer par la contrainte qu'ils se conforment à ces obligations.
Votre projet s'articule donc principalement autour de préoccupations sécuritaires qui vont jusqu'à étendre la contrainte aux soins ambulatoires. La notion de surveillance heurte de plein fouet la conception très particulière des soins dans le domaine de la psychiatrie.
En revanche, rien n'est concrètement prévu pour améliorer, sur les plans social, humain et sanitaire, la qualité et la continuité des soins indispensables. Nous ne partageons pas ce parti pris, cette vision de la psychiatrie.
Pour ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.