…certes sélective.
Vous n'avez pas pour autant réussi, monsieur le rapporteur, à nous montrer que ce projet était un vrai texte de santé publique.
Il serait, dites-vous, le résultat d'un équilibre subtil entre trois objectifs : liberté, santé, sécurité. En réalité, l'aspect sécuritaire ressort très fortement. Et on comprend, quand on sait l'origine de ce projet, pourquoi il ne saurait en être autrement.
Les événements dramatiques de Pau et de Grenoble ont été l'occasion d'un discours du candidat Sarkozy en 2006, puis du président du même nom en 2008 à Antony. Il avait dit alors : « les malades mentaux sont potentiellement dangereux, voire criminels ». Comment, dès lors, s'étonner qu'on nous propose aujourd'hui un texte essentiellement sécuritaire ?
La maladie mentale mérite un meilleur traitement ! Chaque année, plus d'un million de personnes consultent ; nous pouvons tous être un jour ou l'autre concernés. Le sujet mérite donc mieux que ce texte partiel, complexe et beaucoup trop technique.
Ce que les professionnels attendent, c'est le développement du volet sanitaire : ils savent que cette maladie ne peut se contenter de soins médicamenteux ; or, comme dans la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », vous ne traitez pas du volet prévention.
Les malades ont besoin d'un accompagnement humain de qualité : pour cela, il faut, tout simplement, des moyens humains. Aujourd'hui, ces moyens ne sont pas à la hauteur des besoins potentiels.
Ce que les professionnels demandent, c'est une véritable politique de santé publique ; ils vous l'ont dit avec force, hier encore devant l'Assemblée. Pourtant, vous ne leur proposez qu'un projet de loi incomplet, et bien trop sécuritaire.
Vous affirmez vouloir préserver la liberté individuelle, mais la présence du juge dans le dispositif ne suffit pas à nous rassurer. D'abord, la justice, déjà encombrée, ne pourra pas absorber dans des conditions correctes ce surcroît de travail – même si le ministre nous a dit hier soir que, sur les moyens humains, on allait voir ce qu'on allait voir.
Ensuite, et cela a déjà été dit, le poids de la décision du préfet est beaucoup trop important : c'est toujours lui qui a le dernier mot.
L'atteinte aux libertés individuelles se manifeste aussi par l'instauration de soins à domicile sous contrainte et obligatoires. Les professionnels le disent : l'administration de médicaments peut régler le problème immédiat de l'atteinte à l'ordre public, mais elle ne peut régler le problème de santé sur le fond. C'est là que l'accompagnement humain prend au contraire tout son sens.
Vous restez obnubilés par une logique de contrôle social et de sûreté publique. Cela transparaît dans la création d'un fichier du patient, véritable casier judiciaire psychiatrique – vous semblez certesreculer sur ce point, en précisant par amendement que ce casier pourra être effacé ; mais on ne sait pas encore au bout de combien de temps.
Le dispositif complexe de votre texte laisse voir le rôle prééminent du préfet sur le juge : ce dernier n'intervient qu'au bout de quinze jours ; quelles garanties seront données au patient pendant les soixante-douze heures d'hospitalisation initiale – délai dont on a rappelé hier soir qu'il était bien long ?