Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Axel Poniatowski

Réunion du 16 mars 2011 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères :

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce mois de mars 2011, je crois qu'il n'est pas exagéré d'avancer que l'Europe joue en partie sa crédibilité.

Je me réjouis que la France en ait pris la mesure en étant à l'initiative de deux sommets extraordinaires qui se sont tenus, l'un sur l'avenir de l'euro, initiative partagée avec l'Allemagne, l'autre sur la crise libyenne, initiative partagée, cette fois, avec la Grande-Bretagne. La stabilité de la zone euro et le soutien aux transitions démocratiques dans les pays arabes sont en effet deux sujets d'égale importance, qui requièrent de notre part audace et imagination.

Faute de temps, je concentrerai mon intervention sur la politique européenne à l'égard des pays du Maghreb et du Proche-Orient.

Hier, l'Europe a su tendre la main aux pays d'Europe centrale et orientale pour soutenir leurs transitions démocratiques. Aujourd'hui, elle doit faire de même avec les pays du Sud, dans le respect de leurs processus politiques internes.

La France a le devoir moral d'apporter son soutien à toute avancée sur la voie du renforcement des libertés et de la justice, conformément à ses valeurs. Nous devons multiplier les encouragements, être présents et à l'écoute, en particulier à l'égard des pays du Maghreb, qui appartiennent à notre premier cercle d'influence. Je salue, à cet égard, l'annonce par le roi du Maroc, Mohammed VI, d'une réforme constitutionnelle, quelque peu occultée par l'actualité en Libye et au Japon. Le Maroc, qui s'est déjà profondément réformé au cours des dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), prend de nouveau les devants et montre la voie. Je souhaite, pour ma part, que nos amis algériens sachent, eux aussi, définir une voie algérienne de réforme et d'ouverture, même si leur politique actuelle à l'égard des investissements étrangers et de l'ouverture sur l'extérieur n'est pas du meilleur augure.

Permettez-moi d'insister sur l'appui que nous devons apporter à la transition tunisienne, qui a valeur de modèle. Une mission de la commission des affaires étrangères, que je présiderai, se rendra les 20, 21 et 22 mars en Tunisie pour approfondir le dialogue avec les nouvelles forces politiques. Celles-ci se mettent progressivement en place et se préparent à des échéances électorales décisives. Après une période de forte instabilité, les autorités actuelles semblent désormais mieux répondre à la jeunesse tunisienne, qui a joué un rôle majeur dans la chute de l'ancien régime et qui attend maintenant que la démocratie soit synonyme de progrès social et de justice. Les visites bilatérales se multiplient, témoignant que de bonnes relations avec la France demeurent une donnée essentielle pour la Tunisie. Les négociations en vue de la conclusion d'un statut d'association avancé devraient aboutir d'ici à la fin de l'année. Pourtant, rien ne sera définitivement acquis tant que l'économie tunisienne n'aura pas redémarré. Les autorités tunisiennes en ont fait part à notre collègue Rudy Salles, à l'occasion de sa visite à Tunis en sa qualité de président de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée : la relance de l'économie, en particulier de l'activité touristique, est aujourd'hui une impérieuse nécessité pour assurer à la Tunisie l'installation d'une démocratie stable et, surtout, pérenne.

Notre pays doit également s'attacher à relancer l'Union pour la Méditerranée. Je suis de ceux qui croient en son avenir, surtout depuis que le monde arabe est entré en mouvement. Jusqu'à présent, ce projet a été entravé par les difficultés entre Israël et le monde arabe et par l'insuffisante prise en considération de la Méditerranée par certains de nos partenaires européens. Le renouveau arabe peut permettre de lever ces obstacles politiques, tout comme la poursuite des projets concrets portés par l'UPM, notamment le projet, essentiel, de création d'une agence de l'eau, auxquels il conviendrait de rajouter, selon moi, la maîtrise du prix des denrées alimentaires.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que l'on fasse litière de l'argument, qui nous est souvent opposé, selon lequel l'Union consacrerait déjà les deux tiers de ses crédits de voisinage à la Méditerranée et un tiers à l'Est. Ce ratio n'a aucun sens si l'on considère les niveaux de population. Ainsi, l'aide européenne par habitant en faveur de l'Égypte est aujourd'hui dix fois moindre que celle versée à la Moldavie.

Bien évidemment, je ne peux achever mon intervention sans évoquer la situation en Libye, où le sang coule. Nous sommes peut-être à la veille de massacres à Benghazi. Cet épisode démontre, hélas ! une fois de plus, que le soft power n'est pas toujours suffisant et que les Européens ne peuvent se contenter d'une politique pacifiste d'accompagnement des réformes. Je salue donc les initiatives prises par le Président de la République. La France a été la première à exprimer la volonté que Kadhafi quitte le pouvoir et à reconnaître le Conseil national libyen. Elle a placé et doit continuer à placer ses partenaires, y compris les plus proches et les plus grands, devant leurs responsabilités et les conséquences de leur pacifisme de principe.

Malheureusement, si les Européens se sont mis d'accord sur les conditions de mise en oeuvre d'une option militaire, la nécessité d'agir ne fait consensus, à ce stade, ni en Europe ni au-delà. On l'a bien vu hier, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G8 ; la position intransigeante de l'Allemagne reste surprenante. Pour ma part, je ne vois pas comment nous pourrions nous dérober, au cas où la Ligue arabe nous demanderait de participer à une opération aérienne qui serait engagée par certains pays arabes. La demande de la Ligue arabe de créer une zone d'exclusion aérienne est un pas important, qui doit nous amener à vaincre les réticences de nos partenaires. Une attitude passive serait alors incompréhensible et constituerait un contre-signal.

Cette position a minima n'est pas particulièrement glorieuse pour la communauté internationale, mais nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour que la France, dont c'est l'honneur, se tienne aux côtés des peuples arabes, en particulier des Libyens, en ces journées qui s'annoncent dramatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion